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<< paraît la mieux fondée; il pense que la simple observation de « tout ce qui concerne purement les règles de la prosodie, telle qu'on la trouve dans Térence, Plaute, et dans les satires « d'Horace, ne suffit pas pour constituer ce qu'on appelle poésie, pour déterminer un ouvrage à être vraiment poétique, << et comme tel distingué de la prose, à moins qu'il n'ait quelque << ton ou caractère plus particulier de poésie, qui tienne un peu << du sublime. C'est pourquoi Horace appelle ses satires ser«mones, comme nous dirions discours en vers et moins éloignés << de la prose que les poèmes proprement dits. »>

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Il serait facile de démontrer que la production que Jean-Jacques appelle, lorsqu'il en parle dans ses Confessions, Lettre à M. d'Alembert, remplit toutes les conditions exigées pour for-" mer un discours. Mais la conviction naîtra naturellement de la lecture de cet ouvrage ; dans une lettre, le personnage à qui elle est écrite ne doit point être perdu de vue, et d'Alembert disparaît du discours qui lui est adressé.

Si l'on avait suivi littéralement l'indication de Rousseau quand il parle de cette production, il aurait donc fallu mettre dans sa correspondance la Lettre sur les spectacles : c'est-à-dire une discussion de près de deux cents pages; et, jusqu'à présent, aucun éditeur ne s'en est avisé, pas même celui qui met à la fin d'un volume l'introduction du volume suivant. On n'a pas été plus heureux en réunissant des essais de comédie, des scènes lyriques, des intermèdes, des fragments, pour les publier sous le titre de théâtre, à la suite de la Lettre à d'Alembert, comme si Jean-Jacques avait un théâtre! La discussion sur les spectacles en général, sur l'effet qu'ils produisent, la revue de ceux des anciens, et la critique des spectacles modernes, n'ont aucun rapport avec le Devin du Village ou Pygmalion. Cette discussion qui condamne et proscrit les spectacles tels que les entendent les modernes; qui ne permet que la représentation des fêtes patriotiques, ne pouvait servir d'introduction aux théâtres proscrits par l'auteur. S'il était impossible d'insérer cette prétendue lettre dans la Correspondance, et bizarre de la mettre à la tête d'un théâtre qui n'existe pas, on conviendra

que sa véritable place était, d'après le sujet traité dans la première division, celle qui renferme les ouvrages philosophiques: c'est à cette division qu'elle appartient malgré le titre. Rousseau lui-même lui donne celui d'Essai dans une note de ce discours a. Du reste, nous devons faire observer que le véritable titre de cette production est celui-ci : Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, à M. d'Alembert, de l'académie françoise, sur son article GENÈVE. C'est un discours polémique qu'il lui adresse, et non une lettre qu'il lui écrit.

Ces réflexions s'appliquent à l'Essai sur l'origine des langues, classé tantôt parmi les écrits sur la musique, parce que l'auteur consacre quelques chapitres à cet art, tantôt parmi les mélanges. C'est un véritable discours philosophique sur une question du plus grand intérêt ; et cette question est si bien traitée, si bien approfondie, qu'encore aujourd'hui, après de nouvelles recherches, on reconnaît combien les observations de Jean-Jacques étaient fondées ; et ce qu'il y a de remarquable, c'est la confirmation des conjectures qu'il avait faites.

La définition que Rousseau donne de la musique, prouve qu'il n'aurait point classé son Essai sur l'origine des langues, comme l'ont fait les précédents éditeurs. Il l'appelle la langue harmonieuse perfectionnée, ne la considérant dans son ouvrage que comme un moyen de communiquer ses sentiments et ses idées. Dans celle qu'il a faite pour le Devin du Village, mis en harmonie parfaite les paroles et la musique. Les premières sont, pour ceux qui seraient étrangers ou insensibles a la musique, la traduction des sentiments que l'auteur exprime par le moyen de la seconde.

il a

Le discours contre les lettres avait passé pour être paradoxal : on l'attaqua; Rousseau le défendit avec un tel avantage, qu'en perdant sa cause, il eut les honneurs de la victoire. Le discours contre les spectacles parut hostile : d'Alembert répliqua pour les défendre, et Marmontel écrivit pour soutenir d'Alembert qui n'avait pas besoin de son secours. D'après la marché que nous

a A la page 120 de ce volume (note), Rousseau s'exprime ainsi en parlant de cet ouvrage : « voyez la fin de cet Essai, au sujet des filles de Lacédémone. »

avons adoptée, nous mettons sous les yeux du lecteur ces deux répliques, afin qu'il juge en connaissance de cause.

On sait que cette discussion fut élevée à l'occasion de l'article GENÈVE de l'Encyclopédie, dans lequel d'Alembert s'exprime sur la religion des Génevois, de manière à les faire accuser de socinianisme : cette question incidentelle fut décidée par le tribunal personnellement intéressé, dans une Déclaration de la vénérable compagnie des pasteurs et professeurs de l'Église de Genève ; déclaration que nous rapportons à la suite de l'article auquel elle sert de réponse.. M. P.

J. J. ROUSSEAU,

CITOYEN DE GENÈVE,

A M. D'ALEMBERT,

PARIS,

de l'académie française, de l'ACADÉMIE ROYALE des Sciences de DE CELLE DE PRUSSE, DE LA Société royale de Londres, DE L'ACADÉMIE ROYALE DES BELLES-LETTRES DE SUÈde, et de L'INSTITUT de bologne;.

SUR SON ARTICLE

GENÈVE,

DANS LE VII" VOLUME DE L'ENCYCLOPÉDIE,

ET PARTICULIÈREMENT

SUR LE PROJET D'ÉTABLIR UN THÉATRE DE COMÉDIE

EN CETTE VILLE.

Dî meliora piis, erroremque hostibus illum

VIRG., Georg. III, v. 513.

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