Page images
PDF
EPUB

seau nous répond qu'ils représentaient les actions des héros, que ces grands spectacles étaient donnés sous le ciel, sur des théâtres magnifiques et devant toute la Grèce assemblée. Il nous dispensera, je l'espère, de prendre tout cela pour des raisons; et, s'il veut bien se souvenir que ces comédiens représentaient familièrement des héros incestueux ou parricides, qu'ils jouaient et calomniaient Socrate; il avouera que si jamais l'état de comédien a dû être déshonorant, c'est sur le théâtre d'Athènes.

Dans les premiers établissements des nôtres, l'indécence et l'obscénité des spectacles ont dû attirer sur la profession de comédien les censures de l'Église et le mépris des honnêtes gens. Les mœurs de la scène ont changé; et si M. Rousseau n'a point prouvé que le spectacle est pernicieux, tel qu'il est, ou tel qu'il peut être, il n'a pas droit de conclure que le métier de comédien soit en luimême un état honteux. Or, si cet état peut être honnête, il est de l'équité, de l'humanité, de l'intérêt des mœurs de l'y encourager. Je le répète, l'honneur et la religion sont les appuis de l'innocence, les freins du vice, les mobiles de la vertu et les contre-poids des passions humaines priver l'homme de ces secours, c'est l'abandonner à luimême. Heureusement les comédiens ne prennent pas tous à la lettre cet abandon désespérant : autorisés, protégés, récompensés par l'état, accueillis, considérés même dans la société la plus décente, lorsqu'ils y apportent de bonnes mœurs, ils savent

[graphic]
[ocr errors]

livrais à toutes les réflexions que M. Rousseau me présente, je ferais un livre plus long que le sien, mais infiniment moins curieux, moins éloquent, moins intéressant de toute manière. Mon dessein n'a été ni de lui nuire, ni de briller à ses dépens; mais de réduire au point de la vérité l'opinion de ses lecteurs sur l'article des spectacles. Je puis avoir raison contre lui, sans préjudice pour sa vertu que je respecte, ni pour ses talents que j'admire; et, s'il m'est échappé quelque trait qui fasse douter de ces sentiments, je le désavoue et le condamne. Du reste, il est à souhaiter pour lui-même que j'aie raison contre lui. « Les farces, dit-il, les plus grossières, sont moins dangereuses pour « une jeune fille, que la comédie de l'oracle. » Quels reproches ne se fait-il donc pas d'avoir composé en vers et en musique cette scène si naïve et si touchante, que toutes les jeunes filles savent par cœur!

[ocr errors]

Tant qu'à mon Colin j'ai su plaire.

«Le théâtre français est, dit-il encore, la plus pernicieuse école du vice..... J'aime la comédie à « la passion.... Racine me charme ; et je n'ai jamais manqué volontairement une représentation de << Molière. >>

[ocr errors]

Il est, comme on voit, selon ses principes, dans le cas d'un homme qui aurait assisté journellement et avec délices à un festin où il aurait su que l'on versait du poison aux convives.

J'aurai donc rendu à M. Rousseau un service

[graphic]
[graphic]
« PreviousContinue »