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indication qu'ils habitaient rue du Cherche-Midi? Ici, il faut avouer que les recherches sont plus hasardeuses, et quelquefois infructueuses. Cependant plusieurs sources nous ont fourni des renseignements authentiques utiles. En premier lieu,, c'est le rôle de répartition très soigneusement dressé en 1689 pour le paiement de la taxe imposée à tous les habitants du faubourg, afin de payer les dettes de Saint-Sulpice (Bib. nat., mss. f. fr. 11695). On y voit figurer, pour chaque maison, à côté du nom du propriétaire, celui du principal locataire. En second lieu presque tous les baux étant faits alors par-devant notaires, on les trouve relatés dans les registres d'insinuation et parmi les titres heureusement conservés chez quelques propriétaires actuels. Parfois des états de locations sont annexés aux contrats de vente. Enfin, aux Archives nationales, existent des milliers de grosses liasses poudreuses, peu explorées, (Série Y. 10719 à 16022), qui sont les dossiers provenant des études de tous les commissaires au Châtelet de Paris. Bien que leur compétence territorial ne fût pas exactement limitée, on peut feuilleter de préférence les dossiers des six commissaires indiqués par les Almanachs nationaux comme attachés aux deux quartiers du Luxembourg et de Saint-Germain-des-Prés (notamment ceux de Leblanc, Charles, Touvenot, Thiot, Hubert). On y rencontre une foule d'incidents judiciaires ou de police qui font connaître la physionomie de la rue, en même temps que les noms et qualités des habitants de telle ou telle maison dont le propriétaire est ordinairement nommé. Quelquefois plusieurs liasses donnent des déceptions, et l'on est surpris de voir un commissaire de la rive gauche instrumenter sur la rive droite et ne fournir aucun renseignement utile. Mais d'autres fois, la récolte est surabondante. Dans ce fonds

inépuisable se trouvent en outre les procès-verbaux d'apposition de scellés après décès. Les commissaires de tous les quartiers de Paris y procédaient sur la réquisition des héritiers ou créanciers du défunt. La recherche en serait presque impossible au milieu de ces six mille liasses, s'il n'existait onze registres (Série Y. 5.209 à 5.219) de répertoires des scellés. En y relevant les mentions relatives. aux procès-verbaux dressés dans la rue à laquelle on s'intéresse, on peut ensuite, sans se perdre, demander communication de la liasse où doit se trouver ce qu'on désire. Le commissaire y expose en détail la désignation de la maison où il se transporte appartenant à tel propriétaire, décrit l'appartement, ou l'hôtel tout entier où est mort le défunt, fait l'inventaire des meubles et objets qui ne peuvent pas être mis sous scellés, reçoit les déclarations des héritiers, des créanciers, mentionne le testament avec sa date et le nom du notaire qui l'a reçu, etc... On comprend combien de renseignements précieux peuvent être ainsi révélés. Il convient toutefois de reconnaître que l'on a aussi quelques mécomptes; certains commissaires ont détruit ou perdu leurs dossiers qui sont incomplets ou inexistants aux Archives; beaucoup de liasses sont dans un désordre gênant, et les procès-verbaux indiqués aux répertoires ne se retrouvent pas toujours. Somme toute, et malgré des lacunes regrettables, on voit comment il nous a été possible d'identifier peu à peu, par bribes recueillies un peu partout, un assez grand nombre des locataires occupant les maisons. dont les propriétaires nous étaient connus, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.

Arrive ensuite la période mieux réglementée où les immeubles étaient désignés par des numéros dans des almanachs d'adresses. De 1780 à 1805, on s'y trouve encore dans

un grand embarras à cause des deux systèmes de numérotage qui y ont été employés successivement et concurremment avant celui qui est resté actuellement en vigueur. Heureusement, notre excellent collègue, M. Henri Masson, a bien voulu nous donner à ce sujet une collaboration doublement précieuse. D'une part, il est le seul, jusqu'à ce jour, qui ait su démêler l'écheveau embrouillé des numérotages royaux et révolutionnaires; d'autre part, c'est lui, qui, à l'aide de ses notes et recherches personnelles, nous a fourni, pour cette notice, les noms et qualités des locataires des quarante-deux maisons de la rue du Cherche-Midi, depuis 1780 jusqu'à nos jours.

De 1780 à 1792, le numérotage royal comprenait dans une série commune les trois rues, alors pourtant distinctes, du Cherche-Midi, des Vieilles-Tuileries et du PetitVaugirard. Les numéros partaient de l'extrémité de cette dernière, au coin de la rue de Vaugirard, suivaient le côté des numéros pairs actuels pour aborder la rue du Cherche-Midi avec le n° 59 (42 actuel) et continuaient de même jusqu'au carrefour de la Croix-Rouge où la maison d'angle (no 2 actuel), portait les n° 92 et 93. Là les numéros passaient de l'autre côté de la rue du Cherche-Midi dont la dernière maison, au coin de la rue du Regard, recevait le n° 120, puis se prolongeaient dans la rue des Vieilles-Tuileries et du Petit Vaugirard pour se terminer en face de leur point de départ.

Vers 1792, tout en laissant subsister les anciennes inscriptions, ce qui était fait pour augmenter la confusion, on établit, un nouveau système de numérotage, spécial à chacune des 48 Sections créées à Paris en exécution d'un décret de l'Assemblée nationale du 22 juin 1790. Or, il se trouvait que le côté gauche de la rue du Cher

che-Midi (numéros impairs actuels), appartenait à la Section dite d'abord du Luxembourg, puis de Mutius Scevola, tandis que le côté droit était sur la Section de la Croix-Rouge, dite ensuite de l'Ouest, du BonnetRouge ou Bonnet de la liberté. Il en résulta que chaque côté eut une série de numéros sans aucune concordance ni rapport entre eux. Ce numérotage sectionnaire, du côté gauche, venant de la rue du Vieux-Colombier, donna à la maison d'angle de la rue du Cherche-Midi, les n° 772 et 773, chaque porte de boutique portant un numéro, puis continua ainsi, numérotant toute issue grande ou petite, jusqu'à l'hôtel de Toulouse, au coin de la rue du Regard, qui reçut le n° 804. Puis les numéros montaient dans la rue du Regard, tenant toujours le côté gauche, continuaient ainsi dans les rues de Vaugirard, Cassette et autres, pour se perdre finalement dans les ruelles champêtres de la barrière du Maine.

Du côté droit (nos pairs actuels), le numérotage de la Section de la Croix-Rouge venant de la barrière de Vaugirard, après avoir fait les deux côtés des rues du PetitVaugirard, de Bagneux, et des Vieilles-Tuileries, abordait la rue du Cherche-Midi par sa dernière maison portant le n° 42 actuel, à laquelle était attribué le n° 277. Puis les numéros se continuaient sans interruption, sur toutes les portes, jusqu'à la maison d'angle du carrefour de la Croix-Rouge qui avait le n° 313. De là, ce numérotage, contournant la place, prenait la rue de Grenelle pour parcourir ensuite les rues du quartier et retourner ensuite à son point de départ.

Après ces deux numérotages successifs, en 1805, on adopta enfin le système actuel et la rue du ChercheMidi fut numérotée de 1 à 42. Nous avons vu qu'en 1833,

par suite de l'annexion des rues des Vieilles-Tuileries et du Petit-Vaugirard, on tripla l'étendue, et le nombre des numéros de la rue du Cherche-Midi.

Un arrêté de la mairie de Paris du 6 avril 1848 ordonna le renouvellement du numérotage de la rue du Cherche-Midi, mais n'y apporta aucune modification au moins dans la partie ancienne qui seule est l'objet de cette Étude.

Et maintenant abordons l'histoire particulière des maisons de cette vieille voie romaine.

P. FROMAGEOT.

(A suivre.)

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