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composée de vingt-sept Pères, de quatre Frères, d'un chirurgien, d'un architecte et de trente-trois domestiques, y compris quelques anciens, devenus inutiles, et que l'on gardait par charité.

On sait que les biens des Chartreux, comme ceux des autres congrégations, furent saisis en 1790, conformément à la décision de l'Assemblée Nationale. Dom Nonan, prieur de Vauvert, avait protesté contre la spoliation (1); mais les religieux durent quitter le monastère.

La vente des maisons de la rue d'Enfer n'offrait aucune difficulté. L'Hôtel de Vendôme fut adjugé le 3 mars 1791, à Alexandre-Richard Rousseau, ancien notaire au Châtelet, moyennant la somme de 332.800 livres (2). On ne put trouver d'acquéreur solvable pour payer 3.600.000 livres le grand enclos et les édifices conventuels (3).

Cette circonstance réserva à l'Administration Impériale les vastes espaces qui lui permirent de commencer la préparation de nos beaux quartiers du Luxembourg et de l'Observatoire (4). La Chartreuse, déjà en ruines, fut démolie au commencement du XIXe siècle.

(1) « Laissez-nous, écrivit dom Nonan, laissez-nous jouir le reste de nos jours de ce calme que nous aimons, de ce bonheur que nous goûtons. Vous ne nous priverez pas sans doute des bienfaits que vous cherchez à répandre sur toutes les classes et sur tous les individus de la Grande Société... C'est dans ce lieu qu'une infinité de saints religieux ont passé leur vie, à lever au ciel des mains pures pour la conservation de l'État et à pratiquer dans leurs cellules des vertus paisibles inconnues au monde. C'est là qu'ils sont morts, c'est là que nous voulons mourir. » Le dernier successeur de dom Josseran, d'abord emprisonné au Luxembourg, périt sur la guillotine, le 20 Messidor 1794. (Abbé Delarc, L'Église de Paris pendant la Révolution).

(2) Archives de la Seine: domaines an II, n° 3153.

(3) La Vente des Biens nationaux, par A. Vialay, Paris, 1908.

(4) Voir, dans Châteaubriand, une page admirable sur les ruines de la Chartreuse, Génie du Christianisme.

Aujourd'hui, quelques tableaux au Louvre, la petite rue des Chartreux, une maison dépendant du Sénat dans le Luxembourg, et le principal bâtiment de l'Ecole des Mines sont les seuls souvenirs de la Chartreuse de Vauvert, jadis le plus populaire des couvents du vieux Paris (1).

(1) Le souvenir de la Chartreuse et du diable Vauvert est aussi attaché au bal Bullier, situé sur l'emplacement des jardins de la Chartreuse, à leur extrémité sud. Bullier a succédé à la Closerie des Lilas et celle-ci ne fut qu'une transformation du Bal de la Grande Chartreuse célèbre au commencement de l'autre siècle. A la Grande Chartreuse tout était étrange, la toilette des femmes, l'accoutrement des hommes, les danses et surtout l'orchestre diabolique du père Carnaud où tout devenait instrument de musique, les sacs d'écus, les coups de pistolet, les enclumes, les plaques de tôles sur lesquelles on frappait, les cris d'animaux. La Closerie des Lilas, par Privat d'Anglemont.

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Madame de Vendôme suivant une estampe de la Bibliothèque Nationale.

II

LES MAISONS DE LA RUE D'ENFER, LA MAISON DU CHANOINE DE LA PORTE ET SES PREMIERS LOCATAIRES, LA DUCHESSE DE VENDÔME ET SON HÔTEL.

Dès le commencement du règne de Louis XV, les maisons se suivaient pressées à la droite de la rue d'Enfer, depuis la place Saint-Michel jusqu'à l'emplacement du pressoir de l'Hôtel-Dieu, occupé par les écuries du Palais d'Orléans. Au delà, un groupe d'hôtels construits dans le Petit Clos des Chartreux, notamment la grande maison de M. de Gaumont où sera, sous Louis XVI, M. de la Michodière (1), puis l'annexe de l'Hôtel de Vendôme, nommé petit Hôtel de Vendôme, enfin l'Hôtel de Vendôme.

Le petit hôtel servait plus spécialement à des réunions intimes qui lui valurent d'être appelé le Petit Enfer.

Plus loin, des jardins et un groupe formé surtout de deux maisons, l'une derrière l'autre, toutes deux contiguës à l'Allée des Chartreux et complétées par des jardins et des bâtiments de service. Ces dernières maisons étaient déjà vieilles de près de cinquante années.

Contrairement à leur goût pour le jardinage, les Chartreux avaient jugé que la meilleure utilisation du petit clos était d'y avoir des maisons de rapport. Justement, le

(1) Et sous Napoléon le maréchal Lefebvre.

quartier devenait à la mode et les gentilshommes se logeaient volontiers aux environs de la rue d'Enfer.

Le carton S. 3960 des Archives nationales, contient un certain nombre de documents sur le petit clos et sur les maisons de la rue d'Enfer la donation authentique du chemin de Vauvert aux Chartreux (1618), l'enregistrement des achats de terrain réalisés par Marie de Médicis au profit du couvent, enfin quelques liasses de baux signés par les Chartreux et par leurs locataires de la rue d'Enfer.

Les dossiers préparés par l'archiviste des Chartreux sont incomplets. La plupart des pièces ont disparu, et il n'y en a que trois dans la liasse intitulée : Liasse contenant les baux à loyer par nous faits à différents particuliers de notre Maison, rue d'Enfer, appelée Hôtel de Vendôme.

Parmi les documents relatifs aux maisons de la rue. d'Enfer, le plus ancien, à la date du 27 janvier 1662, est un bail de neuf ans, au prix de 3.000 livres par an, passé à Hault puissant Seigneur Charles, Marquis de Saint-Simon, Chevalier des Ordres du Roy, gouverneur et bailly de Senlis, et dame Louise de Cursolles, demeurant à Paris, rue des Juifs.

On relève dans le bail ces stipulations :

« Les preneurs devront tenir clos les volets du troisième. étage d'où l'on avait vue sur les Chartreux, de manière à ce que les Chartreux ne puissent pas voir davantage ceux ou celles qui viendront chez leurs locataires... Comme aussi en cas que pendant ledit temps lesdits sieurs bailleurs voulussent faire rachever le logis étant au devant de ladite maison, ou en faire une autre, s'il eschet, lesdits seigneur et dame preneurs seront tenus d'endurer et de souffrir la construction

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