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terlinéaires d'une écriture plus fine et plus récente. Le texte dorien porte quelques signes d'accentuation, chose jusqu'ici sans exemple dans les nombreux papyrus que nous connaissons, même dans les papyrus d'Herculanum. Ce texte appartient, on peut le dire avec quelque assurance, à un chœur, et probablement à un chœur tragique, mais il ne porte pas de nom d'auteur, et il est aujourd'hui si défiguré par les injures du temps, que je dois m'abs tenir, à cet égard, de toute conjecture prématurée. Néanmoins, quelques indices recueillis, soit dans les vers lyriques, soit dans les notes qui les accom pagnent, me laissent croire que la date de la pièce dont ce morceau est détaché ne peut être ni antérieure à 439 avant Jésus-Christ, c'est-à-dire à l'année où parut l'Alceste d'Euripide, ni de beaucoup postérieure au règne d'Alexandre-le-Grand; ce serait, dans tous les cas, une antiquité fort respectable. Quoi qu'il arrive des recherches qui me restent à faire pour en achever le déchiffrement et l'explication, ce nouveau manuscrit, qui va prochainement enrichir la collection déjà si importante des papyrus de notre Musée (1), peut encourager, dès aujourd'hui, l'espérance de voir reparaître à la lumière d'autres débris de l'antiquité classique. Si l'on songe que, dans ces dernières années, les fouilles toujours faites au hasard par les Arabes nous ont rendu, outre des fragments d'un ancien manuscrit d'Homère, tout un discours de l'orateur Hypéride, la moitié d'un autre discours du même auteur, les fragments d'un traité de dialectique contenant plusieurs vers d'anciens poètes grecs, enfin, les fragments lyriques qui sont l'objet de cette lettre, autant de textes tout à faits inédits; si l'on songe à de si précieuses trouvailles, que no doit-on pas attendre de recherches qui seraient méthodiquement dirigées dans les nécropoles grecques de l'Egypte, d'après les conseils d'un investigateur aussi éclairé que l'auteur des brillantes découvertes du Sérapeum? A défaut de cette direction savante, les Européens qui explorent l'Egypte feraient bien de soustraire à la négligence, souvent fort innocente, des indigènes, et de recueillir avec soin les moindres fragments de papyrus portant de l'écriture égyptienne ou grecque. Pour qu'un manuscrit attire et mérité l'attention des philologues, il n'est pas nécessaire que ce manuscrit soit complet et intact; les moindres fragments, nous le voyons par un nouvel exemple, peuvent nous réserver souvent d'intéressantes révélations. Agréez, etc. DESTOR E. EGger,

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membre de l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres)."

HONNEURS RENDUS AUX SCIENCES ET AUX LETTRES. On mande de Stockholm (Suède), le 18 février :

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M. Quarenstroem, sculpteur suédois, a modelé, par ordre de l'Académie royale des Sciences, à Stockholm, une statue colossale de l'illustre Berzés lius, et cette statue, destinée à orner notre capitale, vient d'être coulée en bronze à la fonderie royale de Munich (Bavière).

» Dans la séance d'hier de l'Académie des Sciences, un membre a fait la proposition que cette statue, avant d'être expédiée à Stockholm, fût envoyée à l'Exposition universelle qui va s'ouvrir à Paris. Plusieurs académiciens ont fortement combattu ce projet, soutenant que, si l'on exposait à Paris la statue, elle ne pourrait être transportée à Stockholm que très tard, c'est-à

(1) Le texte des soixante-dix papyrus que nous possédons à Pariš avait été préparé pour Fimpression par le savant M. Letronne. Il va être publié sous les auspices de l'Académie des nscriptions, par les soins de M. Hase et de M. Brunet de Presles.

dire dans une saison où le trajet par mer offre de grands rils, et qu'ainsi on ferait courir à la statue de Berzélius les mêmes risques qu'avait courus celle de Gustave-Adolphe de feu Fogelbjerg, qui, comme on le sait, par suite du naufrage du navire sur lequel elle était chargée, tomba à la mer.

Les partisans de la proposition ont dit qu'il était de toute nécessité que la Suède, sous le rapport des beaux-arts, fût représentée à l'Exposition universelle par un grand ouvrage qui, comme celui de M. Quarenstroem, avait réuni les suffrages de tous les connaisseurs.

» Après des débats longs et animés, cette dernière opinion a prévalu. L'Académie a adopté à une forte majorité la proposition, et son secrétaire a transmis immédiatement à Munich les instructions nécessaires pour que la statue de Berzélius fût expédiée sur-le-champ à Paris ».

(Journaux de Stockholm.)

Amans-Alexis Monteil, l'auteur érudit de l'Histoire des Français des divers états, ce bénédictin moderne, dont le profond talent n'avait d'égal que son noble caractère, est mort à quatre-vingts ans, après avoir tout, donné au travail et à la science, sans laisser à sa famille de quoi poser une pierre sur ses restes mortels. Ses disciples et ses amis ont pensé qu'il suffirait, pour réparer une telle injustice du sort, d'en avertir le public. Ils ont formé une commission chargée de provoquer et de recueillir des souscriptions pour élever un tombeau à M. Monteil dans le cimetière de Cély (près de Fontainebleau), village qu'habitait M. Monteil. Nous nous joignons à cette commission pour faire appel à tous nos lecteurs, à toutes les professions, à tous les divers états qui ont reçu de Monteil leurs lettres de noblesse.

Le comité de souscription se compose de M. Champollion Figeac, conservateur de la bibliothèque de Fontainebleau;

M. de Cussac, ancien conseiller à la Cour impériale de la Martinique;
M. le colonel de Durazzo;

M. Jules Duval, ancien magistrat ;

M. Paulin Pâris, membre de l'Institut de France;

M. Pitre-Chevalier, rédacteur en chef du Musée des Familles.

La souscription est ouverte chez M. Demanche, notaire, rue de Condé, 5; Chez M. Paulin Paris, à la Bibliothèque Impériale, rue Richelieu; Chez M. Pitre-Chevalier, rue Bonaparte, 5, et au bureau du Musée des Familles, rue Saint-Roch, 37. (Journ. des Débats, 6 mars.)

IMITATION DE JÉSUS-CHRIST (de l'). -Dans nos « Supercheries littéraires», tome IV, pp. 486 à 509, article de Thomas A Kempis, nom de religion de Thomas Malleolus, nous avons indiqué les principaux écrits publiés sur la question de l'auteur de « l'Imitation de Jésus-Christ »; ils ne s'élèvent pas à moins de 91 ! En voici un autre à ajouter: M. Paravia, professeur à l'université de Turin, a publié en 1853, une dissertation intitulée : Dell autore del libro de Imitatione Christi, discorso di Pier-Alessandro Paravia. Torino, 1853, dans laquelle l'auteur brode sur le thème sur lequel M. de Gregory et d'autres avant lui avaient déjà brodé : « l'Imitation de Jésus-Christ » est du bénédictin Jean Gersen, abbé de Verceil. C'est une question qui sera encore longtemps débattue. Bornons nous donc à enregistrer une opinion de plus. Seulement rappelons que l'on n'est point certain que Jean Gersen ait jamais existé, quoique les gersénistes ait prétendu qu'il vivait dans la première moitié du XIII• siècle. M. Ernest Renan qui, dans le Journal des Débats du

16 janvier derni, a rendu compte de la dissertation de M. Paravia, dit qu'il admet pour sa part le sentiment du professeur de Turin, surtout dans ses conclusions négatives contre Gersen et. A Kempis.

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IMPRIMERIE. La Gazette de France, toujours prête à défendre les vieux abus, enregistre dans ses éphémérides l'édit par lequel, en 1535, François Ier revenait sur la défense absolue d'imprimer.« Nous mandons et ordonnons à tous gens de nostre dicte court de parlement de Paris, lit-on dans cet écrit, que incontinent vous ayez « à eslire vingt-quatre personnages bien qualifiez » et cautionnez, desquelz nous en choisirons et prendrons douze qui, seulz, » et non aultres, imprimeront dedans notre ville de Paris », et non ailleurs, » livres approuvez et nécessaires pour la chose publique La Gazette de France voit dans ces paroles une rétractation. Nous y cherchons vainement autre chose que l'institution d'un monopole et l'établissement de la censure. (Siècle, 28 fév.)

INDEX (Congrégation de l').—La congrégation de l'Index a mis au nombre des ouvrages prohibés les livres suivants :

Beatrix Cenci, histoire du xvie siècle, de F.-D. Guerrazzi; décret du 14 décembre 1854; Institution de l'art poétique, de Francesco Prudenzano, donec expurgetur; Die Philosophie ohne schleir de Thurmer (ou Philosophie sans voile); l'empereur Joseph II, d'Auguste Schimer; le vrai Curé; l'Évéque selon l'Evangile; quelques Observations ethnologiques; de la Révocation arbitraire des pouvoirs spirituels d'un ecclésiastique; Essai sur l'éducation, par l'abbé Félix Orsières; Nouveau Dictionnaire d'histoire et de géographie universelles, par D.-N. Bouillet, corrigé d'après les observations de la sacrée Congrégation de l'Index. On n'autorise que la seule édition qui doit paraître à Paris en janvier 1855. Le décret d'interdiction continue de frapper toutes les autres éditions. Visions et locutions et Beautés connues et vérifiées par plusieurs prêtres, reçues de l'épouse du Rédempteur MarieGertrude, du siècle actuel, coadjutrice de la sainte Église et des âmes qui, oubliées par le Rédempteur, n'ont pas répondu aux voix. 1re édition. Florence, typographie de Simon Birindelli, 1853, avec approbation.-L'auteur a fait sa soumission d'une manière digne d'éloges.

INSTRUCTION PUBLIQUE (Ministère de l'). Par décret en date du 20 février, M. Foucault, docteur ès sciences, est nommé physicien de l'Observatoire, place nouvellement créée.

M. Puiseux, maître de conférences à l'École normale, est nommé astronome-adjoint au même établissement.

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- Par arrêté du ministre de l'instruction publique et des cultes, en date du 22 février, un laboratoire de perfectionnement et de recherches pour les études chimiques est institué près la Faculté des sciences de Paris. Le service en est et en demeurera distinct du service des cours. Le directeur du laboratoire de perfectionnement et de recherches pour les études chimiques est nommé par le ministre. Le prix des instruments et appareils, ainsi que les frais annuels nécessaires pour les expériences, seront prélevés sur le budget spécial de l'enseignement supérieur.

- Un autre arrêté porte que le laboratoire de perfectionnement et de recherches de la Faculté des sciences de Paris est installé provisoirement à l'École normale. Les élèves de l'École normale y seront admis à partir de leur troisième année d'études. Les licenciés ès sciences physiques pourront y être admis par autorisation du ministre de l'instruction publique pour la prépa

ration de leur thèse de doctorat. M. Dumas, membre de l'Institut, est nommé directeur du laboratoire de perfectionnement de la Faculté des sciences de Paris.

M. Malagutti, rapporte le Journal de Rennes, a failli être victime, le 8 mars dernier, à son cours de chimie, d'un grave accident. Le savant professeur démontrait les façons diverses dont se comportent le potassium et le sodium mis en contact avec l'eau, quand tout à coup l'oxydation de ce dernier métal fut accompagnée d'une déflagration. M. Malagutti se pencha sur la cuve pour constater les circonstances de ce phénomène nouveau; mais au même instant l'huile de naphte contenue dans les petits fragments de sodium détermina une projection de la soude caustique qui venait de se former, et le professeur fut atteint dans les yeux.

Comprenant aussitôt le danger, M. Malagutti se baigna d'eau; mais ses yeux restaient fermés par une contraction nerveuse, et ce ne fut qu'au bout de quelques minutes qu'il put constater, en présence de l'auditoire ému, que l'organe de la vision n'était pas altéré. Depuis ce jour, l'honorable professeur a dû s'abstenir de travail; mais nous espérons qu'avant la fin de la semaine il pourra reprendre son cours.

Vendredi 9 mars, M. Sainte-Beuve a ouvert son cours de poésie latine au collège de France. Le nom du professeur et le désir d'entendre parler dans une chaire un écrivain qui causait si spirituellement avait attiré au Collége de France une foule qui n'a pu trouver place toute entière dans l'amphithéâtre. Reléguée dans les corridors et dans la cour, elle a manifesté avec bruit son désappointement. Quelques journaux, en parlant du désordre qui a malheureusement signalé cette première leçon, ont supposé qu'une pensée moins innocente que la simple curiosité littéraire avait attiré une partie de l'auditoire, et qu'il y avait une sorte de coup monté contre M. Sainte-Beuve. M. Sainte-Beuve lui-même a soupçonné sans doute dans ses auditeurs des intentions peu bienveillantes; du moins la présence d'esprit et l'énergie qu'il a déployées devant eux donnaient à penser qu'il se croyait en face d'une hostilité véritable. Encore tout entier aux réminiscences de l'Eneide qu'il venait de relire et qui doit être le sujet de son cours, il a pris à Neptune le fameux quos ego. S'il avait été plus anciennement accrédité auprès de son public, il lui aurait suffi peut-être de se rappeler les Géorgiques: quelques plaisanteries bien placées auraient, comme une pincée de poussière, apaisé les abeilles. Quoi qu'il en soit, M. Sainte-Beuve est resté le maître de la situation, et il a pu commencer la lecture de son discours. Comme l'auditoire calmé en applaudissait un passage, l'orateur a dit spirituellement : « Applaudissons peu, messieurs, et ne sifflons jamais. Dès ce moment la paix publique a été assurée, et l'on a suivi à la lettre le conseil du professeur. Sa leçon n'était pas précisément une leçon, c'était plutôt un discours de réception au Collège de France. M. Sainte-Beuve a fait avec beaucoup de bon goût l'éloge de ses prédécesseurs dans la chaire de poésie latine, comme un nouveau récipiendaire loue à l'Académie française le titulaire défunt du fauteuil qu'il vient occuper. Il s'est entouré des images de ses devanciers, à la manière des patriciens romains, qui, dans les fêtes publiques, faisaient marcher devant eux les images de leurs ancètres. Parmi les portraits dessinés par une main si accoutumée à peindre, on a distingué celui de Delille, et surtout celui de Passerat, qui était charmant. La physionomie de ce petit homme malingre, aimable et spirituel, qui s'abstenait soigneusement de faire son cours quand il avait peur d'être indisposé, quand il pleuvait, quand il

nefgeait, quand il faisait du vent, a été esquissée avec une vivacité et une grace parfaites. On a goûté beaucoup aussi les hommages délicats rendus en passant par le professeur à M. Tissot, à l'auteur du Mérite des Femmes, M. Legouvé, à M. Alfred de Wailly, et surtout à un écrivain regretté, M. Ch. Labitte.

M. Sainte-Beuve, dont la santé est moins craintive et l'ardeur plus grande que celles de ce bon Passerat, doit faire deux leçons par semaine, j'allais presque dire deux lectures, car il a revendiqué pour les professeurs du Collège de France le nom traditionnel de lecteurs avec une insistance qui a fait craindre à quelques personnes qu'il n'eût le dessein de lire ses leçons. Quelques professeurs renommés du Collège de France lisaient en effet, Delille, par exemple, et quelquefois Andrieux. Mais ils lisaient si bien! D'ailleurs, hæc prius fuere, comme dit Catulle: c'est un usage d'autrefois; le temps des lectures est passé. Le public français a maintenant l'habitude d'entendre parler les professeurs. M. Sainte-Beuve est, dit-on, un causeur aussi agréable de vive voix qu'il l'était en écrivant dans le Constitutionnel. Qu'il cause dans sa chaire, s'il ne veut pas y parler. En indiquant l'esprit qui doit présider à son cours, il a promis beaucoup d'admiration et d'enthousiasme pour les chefs-d'œuvre de l'antiquité; il s'est même engagé à révéler ses principes littéraires; « car moi aussi j'ai des principes », a-t-il dit, en soulignant son affirmation, pendant que le public souriait sans impolitesse, mais sans crédulité. L'admiration, l'enthousiasme, et même les principes, tout cela peut trouver place facilement dans une causerie de chaque semaine; et comme le causeur y ajoutera à coup sûr ce qu'il n'a pas eu besoin de promettre, beaucoup de finesse, de grâce, d'agrément et d'esprit, une conversation littéraire où seront réunis tant d'attraits amènera infailliblement au Collège de France une foule nombreuse et paisible, que M. Sainte-Beuve maîtrisera désormais par le charme seul de son talent (1).

M. Sainte-Beuve a fait paraître à la librairie des frères Garnier le discours qu'il a prononcé à l'ouverture de son cours de poésie latine. Le public sera certainement curieux de lire ce discours, où l'on retrouve les qualités qui distinguent M. Sainte-Beuve comme écrivain et comme critique.

-M. Alcide d'Orbigny, professeur au Muséum d'histoire naturelle, a ouvert son cours de paléontologie (histoire des êtres fossiles) le lundi 12 mars, à deux heures et demie, et le continuera les lundis et vendredis suivants à la même heure.

Le professeur traitera de la succession chronologique des êtres fossiles dans les âges du monde, et des considérations générales qui s'y rattachent. Il passera en revue la suite des terrains, depuis l'époque jurassique jusqu'à l'époque actuelle.

Le Collège de France a vu s'ouvrir, dans la quinzaine de mars, les deux cours d'éloquence et de poésie latines. M. Havet et M. Sainte-Beuve ont pris possession de leurs chaires. M. Havet, que la faveur toujours égale obtenue par son enseignement devant les publics divers, à l'École Normale, à PÉcole Polytechnique et à la Sorbonne, où il suppléait récemment encore l'illustre doyen de la Faculté des Lettres, peut rendre difficile en matière de succès, a dû être reconnaissant de l'accueil qu'il a reçu au Collège de France. Les applaudissements qui ont interrompu si fréquemment son dis

(1) M. H. Rigault, Journal des Débats, 13 mars.

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