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mots prouvent indubitablement qu'il s'agit de l'original et non d'une copie. - A quelle époque et à quelle occasion cet important document quitta-t-il ensuite les archives épiscopales de Die pour passer dans celles des religieux Minimes de Paris (1)? Faute de renseignements précis, nous nous abstiendrons de toute conjecture sur ce point historique de peu d'importance. Vint la Révolution, qui fit passer les Tituli Dienses de cette bibliothèque particulière dans celle de la nation et apposa son timbre rouge, en signe de propriété, au premier et au dernier feuillet de parchemin.

Nous ne chercherons pas à démontrer ici, d'après les principes de la science diplomatique, l'authenticité de ce Cartulaire; il nous suffira d'assurer que l'inspection de son écriture prouve qu'il est bien de l'époque que lui assigne le préambule, et que les divers actes qu'il renferme, parfaitement d'accord avec les documents du même temps, n'offrent aucun caractère de fausseté ou d'altération.

Illustré au XIe siècle (de 1073 à 1082) par l'énergique légat de saint Grégoire VII, Hugues I", qui pensa devenir pape et mourut archevêque de Lyon (2), le siége de Die eut, au commencement du XII (de 1099 à 1120), une gloire plus douce dans la personne de saint Ismidon, de la maison de Sassenage (). Après lui se succédèrent Étienne Ier (*), le bienheureux Ulric (5) et Hugues II () : l'épiscopat de ce

1 Outre la cote du dos, on lit au ro du 1er fo: Ex Bibliotheca Minimorum Parisiensium.

:

2 Un évêque contemporain le dit religione, prudentia et auctoritate mirabilis Ivo CARNOTENSIS (ap. COLUMBI, Opusc. var., p. 283 sq.); - cff. PAULUS Bernrieden., Vita S. Gregorii VII, cap. vi (ap. MIGNE, Patrologia latina, t. CXLVIII, c. 64); HUGO Flaviniacen., Chronicon Virdunense, ad. an. 1074 (Patrolog. lat., t. CLIV, c. 274 sqq.); et COLUMBI, Opusc. var., pp. 282-7.

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CHORIER, Hist. de la maison de

cf. Cartulaire, p. 47, note 2.

Nécrologe de Saint-Robert, p. 36, note 13.
Cartulaire, p. 35, note 1.

dernier coïncide avec l'avènement de la maison de Souabe au trône impérial d'Allemagne. Plus ambitieux que leurs prédécesseurs, les Hohenstauffen s'appliquèrent à faire revivre dans ses effets l'acte de donation du royaume de Bourgogne, par Rodolphe-le-Fainéant, à l'empereur Conradle-Salique, en 4032 (1). De nombreux diplômes publiés ou inédits nous les montrent prodiguant, en Dauphiné et en Provence, les concessions de priviléges aux seigneurs, aux villes et aux monastères, les confirmations de droits régaliens aux évêques, dont la fidélité leur était moins suspecte que celle des seigneurs laïques. Les luttes continuelles de Conrad VI avec les souverains pontifes rendirent souvent difficile la position de nos prélats, de ceux surtout qui étaient légats du Saint-Siége, recevant d'un côté l'institution canonique du pape et de l'autre l'investiture de leur temporel de l'empereur. Des historiens se plaisent à reconnaître qu'ils surent d'ordinaire concilier ces deux intérêts opposés, en rendant à Dieu, c'est-à-dire à son représentant visible, ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César. Plusieurs évêques résistèrent en effet énergiquement aux prétentions des empereurs, qui n'eurent pas toujours, comme ils l'affirment, Deum præ oculis et le plus grand bien de la religion pour mobile; on en voit d'autres, que les liens du sang rattachaient aux grandes familles du pays, se rendant, malgré les fatigues et les périls de voyages lointains, auprès des souverains d'Allemagne pour leur faire hommage, chevauchant à la suite de leur cour et participant à leurs entreprises. C'est de cette époque que datent l'établissement durable de leur souveraineté temporelle et leur qualité de princes de l'empire: ils furent dès lors reconnus comme l'autorité la plus légitime en-deçà du Rhône. C'est aussi par leur moyen que se prolongea dans notre pays la domination des empereurs : les petits feudataires s'empressaient de leur faire hommage de leurs terres, pour participer à

1 HERMANNUS Contractus, Chronicon, ap. PERTZ, Monum. Germaniae hist., Script. t. V, p. 121.

leurs priviléges et bénéficier de leur protection plus efficace et plus constante.

La pièce la plus ancienne de notre Cartulaire est un acte de ce genre. En 1145, Arnaud de Crest fit donation à Hugues II, évêque de Die, et à son église des châteaux de Crest, d'Aouste, de Divajeu, de Saint-Médard, ainsi que de ce qu'il possédait à Aurel, à Beconne et dans tout le diocèse de Die; le prélat, plein de gratitude, lui en fit incontinent rétrocession, à charge de tenir de lui en fief ces domaines (1): c'était une simple, mais formelle reconnaissance de suzeraineté. - Cet exemple fut imité, quelques années après, par un des plus puissants feudataires du Dauphiné. En 1463, Guillaume II surnonimé (cognomine) de Poitiers, comte de Valentinois par charge (officio), donna à l'église de Die et à ses ministres et reçut d'elle en fief les châteaux de Sauzet et de Gigors, avec leurs défenses fortifiées, ainsi que tout ce qu'il possédait dans le diocèse de Die il en fit hommage à l'évêque Pierre II, lui promettant fidélité et obligeant tous ses successeurs à une semblable vassalité (2). — La charte qui suit la première, dans l'ordre chronologique, ne diffère guère des précédentes que pour la forme l'hommage, volontaire dans le premier cas, devient ici obligatoire. En 1159, par une sentence solennelle, prononcée de l'avis d'Adalbert, évêque de Nîmes, de Bertrand, abbé de Saint-Gilles, de Bermond d'Uzès et de Guillaume de Sabran, Raymond, duc de Narbonne, comte de Toulouse et marquis de Provence, condamne le comte de Die, Isoard II, à se reconnaître vassal de l'évêque Hugues II pour le château de Luc (3). Le comte dut se soumettre à cette décision: les Tituli Dienses ont conservé en effet le texte du serment qu'il prêta, neuf ans après, à l'évêque Pierre II; il s'oblige à le défendre, lui et son église,

1 Tituli Dienses, ch. XII, De dono Arnaudi de Crista, p. 33-5.

2 Tit. Diens., ch. XIII, De recognitione feudi Willelmi Pictaviensis, p. 35-6.

3 Tit. Dien., ch. XVII, De sententia comitis Tolosani super castro de Luco, P. 44-5.

et à ne leur causer aucun dommage; il confesse tenir en fief du prélat tout ce qu'il possède dans la ville et le mandement de Die, en particulier le château de Luc, et donne pour garants de ses promesses un grand nombre d'otages (1). Notre Cartulaire offre plusieurs preuves de la déférence des évêques de Die envers les souverains Pontifes et de leur empressement à en obtenir la confirmation canonique des possessions de leur église ou à recourir à leur puissante intervention dans les difficultés. C'est d'abord, en 1165, une bulle solennelle d'Alexandre III, expédiée à Sens le 28 mars et contre-signée par treize cardinaux des trois ordres; le pape confirme à l'évêque Pierre II les donations d'Arnaud de Crest et de Guillaume de Poitiers, établit à perpétuité dans la dépendance de son église cathédrale les abbayes de Saint-Marcel à Die, de Saint-Médard, de Sainte-Croix, de Saint-Julien de Guiniaise, de Léoncel et de Saou, lui assure enfin la protection du Saint-Siége pour ses autres dépendances (2). Le successeur d'Alexandre, le pape Luce III, confirma à l'évêque de Die (Robert) ses droits juridictionnels sur l'abbaye de Saint-Marcel, possédée par ses prédécesseurs (), et ratifia l'union de la prévôté de l'église de Die à la mense épiscopale, opérée par Alexandre III dans une bulle dont le texte ne nous a pas été conservé (*). Ces actes, qui procèdent directement de l'autorité pontificale, ne sont pas d'ailleurs les seuls de ce recueil dans lesquels elle intervienne.

Celle des empereurs y apparaît toutefois d'une manière plus fréquente et plus directe. Le 30 juillet 1178, l'empereur Frédéric Barberousse investit par le sceptre, à Arles, en présence d'un nombreux entourage de prélats et de

1 Tit. Dien., ch. IX, De juramento comitis Isoardi Diensis, p. 28-9.

2 Tit. Dien., ch. VI, Privilegium Alexandri papæ III' indultum Petro Diensi episcopo, p. 20-2.

3 Tit. Dien., ch. V, Rescriptum Lucii papæ III' super abbatia S1 Marcelli Diensis, p. 19.

4 Tit. Dien., ch. IV, Rescriptum ejusdem super præpositura ecclesiæ Diensis, p. 18.

grands, l'évêque Pierre II de tous les fiefs dépendants de son église; la lettre impériale mentionne Die, avec sa monnaie particulière, son marché, ses places, ses fours et ses moulins, la moitié de Crest, Divajeu, Aouste, Saint-Médard, les possessions de Guillaume de Poitiers à l'exception de Quint, Le Pègue, Mirabel, Marignac, Romeyer, Montmajour, Menglon, Rochefourchat, Auriples, Luc, Prébois, Tréminis, la moitié de Thoranne et de Beaumont, enfin le tiers d'Aix; ces énumérations successives servent à apprécier l'accroissement progressif du domaine épiscopal; l'empereur ne reconnaît d'autre seigneur de Die que l'évêque, sous la suzeraineté de César, et défend à tous d'en molester les habitants (1).

Entre la bulle d'Alexandre et le diplôme de Frédéric, l'église de Die s'était enrichie des pieuses et généreuses libéralités d'un des membres les plus illustres de son chapitre. Raymond Bérenger, de la famille des seigneurs de Morges, avait hérité de son père les châteaux de Follans, de Tréminis et de Prébois, avec la moitié de celui de Thoranne étant simple clerc et sans doute pour obtenir un canonicat, il en fit don gracieux à l'église de Die. Les membres de sa famille ne virent pas sans déplaisir cette aliénation, faite cependant pour le repos de leurs âmes (pro animabus parentum suorum); son frère, nommé comme lui Raymond, ne craignit point, pour obtenir une restitution forcée, de faire une guerre à outrance à l'église et à son évêque ce qui le fit excommunier. Les prélats de Vienne et de Grenoble, Robert de la Tour et Jean de Sassenage, interposèrent leur médiation. Ils engagèrent le chevalier Raymond à donner en prêt à l'église de Die 400 livres viennoises sur les possessions en litige: il était convenu que l'église rentrerait dans ses droits le jour qu'elle ferait l'offre de restituer cette somme ou qu'elle la déposerait entre les mains de l'église Romaine (3). Cette transaction n'apaisa

1 Tit. Dien., ch. I, Privilegium Friderici imperatoris l1 indultum Roberto Diensi episcopo, p. 4-7.

2 Tit. Dien., ch. XI, De dono Raymundi Berengarii, p. 32-3.

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