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que les aultres capitaines facent riere eux le semblable 1. » Cependant ces préparatifs du duc de Guise, immédiatement annoncés à Berne, avaient fait prendre de nouvelles précautions: les « seigneurs commis aux forteresses » sont sur les dents, le seigneur Roset est chargé du mot de guet3, les capitaines reçoivent l'ordre de faire un rapport écrit sur l'état de leur quartier et sur les améliorations qu'on y pourrait apporter; que les dizaines soient prêtes, et que « le tout soit dressé sans bruit*. » En même temps, on avait à se défendre contre les Savoyards qui arrêtaient les vivres destinés à la cité; il fallut écrire au sénat de Savoie 5.

1 R. C., vol. 56, fo 33 vo.

2

Mardi dernier d'avril 1560. En Conseil ordinaire. Advertissemens. A esté proposé comme, suivant l'arrest d'hier, l'on assembla le Conseil secret, là où fut advisé d'escrire l[ett]res desd. advertissemens à Berne et aux ballifz voisins, affin d'estre sur leurs gardes. Ce que fut fait. » (Ibid.) Cf. la lettre à Berne et aux baillis, C. L., vol. 6, ff. 126 vo et 127.

3 « Forteresses. Les s's commis aux forteresses ont faite relation d'avoir visité aucuns lieux où estoit commandé mettre ordre. Et que quand à la platteforme riere le Pin, qu'elle demeure en la charge de ceux du Pin, et que ceux de St Antoine, en la necessité, se pourront aider; qu'on face les plateformes comme a esté monstré à Pierre Simon; qu'on face aller l'eau à l'entour de St Gervaix.

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Mot du guedt. D'aultant que le st Migerand scindique avoit charge de bailler le mot du guedt et est allé à Baden en ambassade, a esté arresté qu'en son lieu, on baille charge au scindique Roset de bailler le mot du guedt.» (R. C., vol. 56, 29 avril.)

4 Ibid., 30 avril. Ce jour-là on décide de dresser un pont pour porter de la terre à la plate-forme du Sougey (fo 34). C'est à la suite des délibérations du 30 avril que de l'Arche rédigea en dix pages, grand format (P. H. 1666), les «Advys pour la capitainerie du Pin, soubz le s Michel De Arca. » C'est une relation de ce qu'il avait exposé verbalement. Il y traite, en détail, des fortifications aux casemates, au <«< bastion de mirond dict Calabri, » au bastion du Pin etc. Il terminait ainsi son mémoire, non daté, destiné à ses collègues : Protestant du désir d'emploier ma vie au service de ceste treschrestienne Republique, vous aurez aussy, s'il vous plaît, à supporter s'il y a quelque chose mal ou improprement coucher en cest escrit, veu le peu de temps dedans lequel il m'a fallu le rendre. >> Le 30 avril encore, on décrétait un « Ordre pour le gued des portes, » et l'arrêté «Pour l'ordre dixenaire des capitaineries de Geneve », que nous publions l'un et l'autre dans l'Annexe IX.

5 « Missive au senat de Savoye. A esté arresté que parce qu'ilz empeschent que les vivres ne viennent et soient apportés en ceste ville,

Le 3 mai, nouvel émoi. Anselmo Qualia écrit de Lyon que le comte de Chalant, maréchal de Savoie, a donné faussement à entendre au gouverneur de Lyon, M. de Savigny, que les Genevois envoyaient « quantité de pistoletz pour faire sedition à Lion1. » Le 6, c'est de Suisse que viennent les avis, datés du 2 mai: « L'Advoyer et Conseil de Berne» avertissent leurs << feaulx combourgoys » que, sous le nom du duc de Savoie, se font des levées en Piémont et en Bourgogne; ils les engagent à «< tenir l'œil sus les personnes estrangieres estants en vostre ville, ad ce qu'ilz n'ayent quelque secrete intelligence avec vos et noz adversaires. » Ils s'engagent en outre à commettre << quelques fidelles personnages, pour s'enquerir tant audt Piedmont qu'en France et ailleurs des susdles menees et levees de gens et, s'il est possible, des fins auxquelles l'on pretend de s'en servir 2. » Dans Anselmo Qualia, la Seigneurie avait un de ces « fidelles personnages. >>

Le même jour, donc le 6 mai, une seconde lettre de lui était parvenue au Conseil. L'après-midi, trois syndics (Migerand était en «< Allemagne, » c'est-à-dire en Suisse) et une partie

combien qu'ilz en viennent de riere eux querre tant bled, vin que aultres choses, a esté sus ce arresté qu'on en escrive aud. senat. » (R. C., vol. 56, fo 33 vo.) La lettre est communiquée au Conseil le 2 mai (ibid., fo 34 vo.) La réponse parvint le 13 mai: «Missive de Chambery a esté receue responsive à la nostre, par laquelle ilz declairent qu'ilz n'ont empesché sinon le commerce des bledz, veaux et chevaux, et que nous pouvons adresser au ducq lequel y pourra adviser. Arresté qu'on advertisse les particuliers de ne vendre à ceux de riere eux les vivres de ceste ville et qu'on en advertisse aussi les baillifz. » (Ibid., fo 38.)

1 << Advertissemens de Lion envoyés par Anselmoz Caille ont esté receuz, comme le conte d'Eschallen a donné faulx à entendre au sr de Savigni, gouverneur de Lion, que nous envoyons quantité de pistoletz pour faire sedition à Lion, et que Tavane a bien 400 chevaux aud. lieu où ilz attendent encores 300 avec le s1 de Brissac, et que led. conte a dit qu'il avoit six mille hommes à leur commandement. Arresté qu'on s'en informe à la verité. » (Ibid., fo 35.) Roget (t. VI, p. 31) au lieu de 300 chevaux en compte trois ! Qualia, dans sa lettre du 30 avril, concluait: « Il ne se peult presumer que ceci soyt pour aultre che contre nous. » (P. H. 1678.)

2 P. H. 1667. — - «Missive de Berne a esté receue par laquelle ilz advertissent des occurrens et amas de gens fait par le duc de Savoye. Arresté de les remercier par lettres, et leur escrire de ce qu'on sçait davantage. » (R. C., vol. 56, fo 35 vo, 6 mai.)

des conseillers s'assemblent pour délibérer sur son contenu1. Qualia annonçait que six compagnies se concentrent à Lyon, on ne sait dans quel but. Ce sont celles de MM. de Guise, d'Aumale, de La Roche-sur-Yon, de Tavannes, de Maugiron et du prince de Salerne.

Le zèle des magistrats, en cette première semaine de mai, fut extrême. Le 3, la commission, composée des syndics, de quelques conseillers «<et aultres expertz au faict de la guerre,» avait inspecté les boulevards et les ouvrages de défense. Leur préavis prouve qu'ils n'y allèrent pas de main morte. Il ne s'agissait pas que de fossés à nettoyer, de canonnières à agrandir, de parapets à réparer, ni de travaux << pour tenir les harque busiers à la siotte. » Ils proposèrent de démolir, au faubourg de Saint-Gervaix, « la maison du sr syndique Blondel et la grange de la Seigneurie, » puis de construire une contrescarpe le long du Rhône parce qu'il « est fort bas..., et principalement à l'endroict des moulins, tellement que l'on pourrait battre jusqu'à pied de muraille. » On devra placer du canon « pour deffendre le port. » La cathédrale même ne sera pas épargnée: on « des couvrira le dessus du cœur de St Pierre pour y mettre l'artillerie, affin qu'elle puisse estre mieux au couvert en la necessité; » enfin, au besoin, on installera un corps de garde au Molard.

Après avoir visité tous les remparts du sud et de l'ouest, les inspecteurs se transportèrent à l'est de la ville. Le Conseil, ayant étudié leur rapport, prit, le 6 mai, d'énergiques décisions. En voici quelques-unes: « Du costé de la porte de Ryve,»« que la tour carree soit abattu à l'egal de la muraille; soit aussi abbatue la maison vielle qui empesche le passage au bollevard et soit remplye de terre, ou, pour le

1 << Avis. Se sont les susd. assemblés pour entendre les nouvelles contenues en la missive de Anselmoz Quaye envoyé à la Srie, de l'assemblee des six compagnies à Lion et de la presumption qu'on a qu'ilz veulent venir contre nous, et sus ce, a esté arresté qu'on en envoye le double à Berne dans la l[ett]re qu'a esté arresté leur escrire. » (R. C., vol. 56, fo 36.) — La lettre de Qualia est datée du 2 mai (P. H. 1678). L'on attendait aussi à Lyon, disait-il, « Mons' le grand prieur de France, et du tout l'on ne sait pour quoy. Ici le commun bruit est d'aller contra nous, que sera bon avec diligence de se prendre garde de n'estre surpris. »

moings, la trallaison rabaissee, affin qu'on y puisse passer ayseement à cheval; » « que la tour maistresse soit rasee » et qu'on y établisse une plate-forme; qu'on jette à bas les tours, au quartier de Saint-Antoine; qu'on rebâtisse « la vielle capite sus l'eau » et qu'on y mette des chaînes; «< sera bon aussy, comment l'on aura l'opportunité à l'advenir de faire ung circuit de paux autour du bollevard de Longemalle. >> Enfin, des commissaires spéciaux furent nommés pour veiller à l'exécution de ces arrêtés1.

Le 7, l'alarme est particulièrement vive. Le bruit est venu que le duc de Savoie, le roi Philippe II, le roi de France et le pape concourent à envoyer des troupes contre Genève. « Et pour y remedier2, advisé et arresté que l'on commande de faire le guedt en personne, que ceux qui le feront portent leurs armes que leur seront injointes. Que riere chesque cartier, l'on choisisse des plus expers pour estre caporalz de jour et de nuit, affin de faire faire le debvoir aux aultres. Item que s'il advenoit que les ennemis fissent leurs aproches, que l'on se doibge saisir du lac et qu'on retire tous les vaisseaux et nasselles, et que le s Barthelemi Let doibge avoir le soing et charge de cela. Qu'on assemble les marchans grenatiers et salatiers pour leur injoindre ce qu'ilz pourront faire, et avoir conseil de ce qu'est expedient et des moiens pour avoir bledz et sel.» Il est commandé aux châtelains de Jussy, Peney et Céligny de constituer les sujets en compagnies, avec lieutenants et banderets, dont ils seraient les chefs3. Le 9 mai, on répartit

Toutes les citations qui précèdent sont empruntées au portefeuille P. H. 1666: « Ce qu'a esté advisé par les Seigneurs syndiques, partie des Seigneurs conseillers et autres expertz... le III de may 1560 ; » et « Ce qu'a esté advisé par les Srs commis des forteresses et autres expers, qu'est expedient et necessaire de faire riere chasque quartier de ceste cité. Approuvé et arresté en Conseil, le 6 de mai 1560. » Cf. R. C., vol. 56, fo 35 vo, 6 mai: « Advis des capitaines et seigneurs commis aux forteresses. >>

2 Ibid., fo 36 vo. Roget (t. VI, p. 31) a relevé le compte rendu des « advertissemens. >>

3 « Qu'on commande aux chastelains de Jussi, Piney et Ciligni d'estre chefz des sujetz riere leur charge, et constituer ung lieutenant desd. sujetz le plus capable qui debvra faire serment entre les mains de la Sgrie. Que le curial soit banderet et qu'ilz doigent dresser l'ordre dize

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aux dizaines et aux sujets de la Seigneurie le travail des fortifications.

Pourtant, on se calma un peu: «Aussi a esté proposé qu'on assembla hier le Conseil secret où fut debatu des occurrens et - advertissemens des assemblees qui se font tant à Lion que aupres, et apres avoir le tout bien consideré, mesmes qu'il n'y a pas apparence que ce soit contre nous, l'on est d'advis de ne s'esmouvoir affin que l'on n'empesche le cours des marchandises, et aussi qu'on ne donne occasion de retenir noz marchandz, et qu'à cause de ça l'on ne mette beaucoup de gens à extremité et pauvreté. Et toutesfois qu'on escrive aux s's de Berne de ce qu'on en sçait et qu'on leur envoye le double desd. nouvelles par articles, et cependant qu'on face bon guedt et qu'on prie Dieu estre nostre garde1. »

L'exposé qu'on fit parvenir aux Bernois témoigne d'une parfaite sagesse. Preuve en soit le commentaire des avis venus de Lyon2:

« Or quand à tout cela, il ne nous semble point qu'il y ait nul appareil contre vous ou contre nous, car vous sçavés les troubles et emotions qui sont en Dauphiné et Provence sus lesquelz le Roy et son Conseil n'eussent peu moins faire que de mettre force à l'opposite; mesmes, aujourd'huy l'arriere ban est crié en Daulphiné et Provence. Mais c'est pour sonder les cueurs de la noblesse, car la maison de Guise se defie toujours, combien que le feu soit amorti, qu'il ne couve quelque chose soubz les cendres. Toutesfois si ne laissonsnous pas de veiller aussi bien de ce costé là, mais il nous fault ouyr beaucoup de bruitz sans faire grandz semblans que nous en soions esmeus.

« Du costé de Savoye, nous avons heu certaines nouvelles

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naire entre eux et soient prestz en armes quand il leur sera commandé ou baillé signe, et pour ce faire s'assemblent en quelque lieu. Item que les capitaines de ceste cité, chacun riere son quartier doibge prendre ses dizaines pour executer ce qu'a esté arresté debvoir estre fait riere chesque place; toutesfois qu'on aye l'advis de gens expres pour sçavoir ce que sera le plus necessaire de faire le premier. » (R. C., vol. 56, fo 36 vo.) Ibid., fo 37 vo.

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2 C. L., vol. 6, fo 130: «Le sommaire des advertissemens envoyés à Berne led. jour [9 de mai 1560]. » Il faudrait pouvoir le citer tout entier.

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