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J.-B. DUMOULIN,

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'ÉCOLE IMPÉRIALE DES CHARTES

QUAI DES AUGUSTINS, 13.

M DCCC LX.

D

·B58

LES

PREMIERS ÉTATS GÉNÉRAUX '.

13021314.

SOMMAIRE.

-

Coup d'œil sur les origines du système représentatif.
Assemblées du tiers état.

à

féodales.

Assemblées

Conciles et synodes. Etats provinciaux.

États présumés de l'an 1290.- Etats de 1302 contre Boniface VIII. Assemblées de notables. due requête du tiers état.

Préten

- Prétendus états de 1303.

Assemblées des 13 et 14 juin. — Appel des actes de Boniface VIII au futur con-
Assemblée du 3 oc-
Forme des adhésions.
Assemblées provinciales de 1304, pour le même
Circulaire mystique du
contre les Templiers.

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Asroi. Forme des élections des députés du tiers état. - Suffrage universel.- RepréLes États sont transférés à Poitiers. sentants de la noblesse et du clergé. semblées provinciales de 1308, pour voter des subsides à l'occasion du mariage États de Paris, en 1314. TenEtats de Lyon, en 1312. Pourd'Isabelle de France. Elles échouent. tatives pour établir une représentation permanente. quoi? Conclusion. - Pièces justificatives.

C'est un fait généralement reconnu que Philippe le Bel est le premier roi de France qui ait convoqué les états généraux du royaume, composés des trois ordres, du clergé, de la noblesse et du tiers état mais ce que l'on sait de ces assemblées se réduit peu de chose. On ignore le mode de convocation et de nomination des membres des différents ordres, surtout du tiers état, ainsi la forme et souvent même le résultat des délibéraque tions'. Les témoignages des contemporains qui nous ont été transmis sur ce sujet sont vagues, insuffisants et quelquefois contradictoires. Il semble pourtant qu'un événement aussi considérable que la réunion des représentants de la nation ait dû produire une vive impression et laisser des souvenirs durables. Il ne paraît pas en avoir été ainsi. Parmi les chroniqueurs du temps, les uns gardent le silence; d'autres mentionnent ces assemblées sans étonnement et sans avoir l'air d'y attacher d'im

1. Extrait d'un Mémoire sur les institutions administratives du temps de Philippe le Bel, couronné par l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

I. (Cinquième série.)

1

portance. Des historiens éminents, notamment M. de Sismondi ', se sont autorisés de cette circonstance pour nier l'existence des états généraux sous Philippe le Bel. D'autres écrivains ont tiré une conclusion tout opposée : le peu de retentissement qu'eurent ces États, les premiers dont l'histoire fasse mention, est à leurs yeux un indice qu'ils ne constituèrent pas une nouveauté. Cette opinion est spécieuse; toutefois on ne l'a jusqu'ici appuyée sur aucun fait certain, et elle est restée à l'état de conjecture.

L'étude attentive des monuments déjà connus et de documents encore inédits nous a permis de jeter quelque jour sur cette grave question, de démêler l'origine des états généraux, de déterminer leur rôle sous Philippe le Bel, et de montrer, ce qu'on était loin de supposer, le suffrage universel appelé, dès le commencement du quatorzième siècle, à désigner les députés du tiers état 2.

Avant d'aborder l'histoire des états généraux propremen dits, il est nécessaire de remonter un peu plus haut, et de faire voir comment et par quels degrés on fut amené à faire participer les délégués du peuple à l'exercice d'une partie des droits inhérents à la souveraineté. Car il ne faut pas croire que la convocation des Etats ait été un phénomène politique sans précédents; elle fut préparée de longue main, et réalisa sur une vaste échelle ce qui jusqu'alors avait été local, ou restreint à certaines classes d'individus. On rattache communément les états généraux aux assemblées mérovingiennes et carlovingiennes du champ de mars ou du champ de mai; on cite la Germanie de Tacite; on invoque les représentants des sept provinces de la Gaule convo¬ qués en 418, dans la ville d'Arles, par l'empereur Honorius. Avec cette méthode, on constate l'existence sans interruption du système représentatif depuis l'origine de la monarchie; mais tout ce raisonnement pèche par la base. Les plaids de la première race étaient plutôt des rendez-vous militaires que des assemblées législatives. Les décisions qui y étaient promulguées étaient prises sur l'avis des leudes, et le peuple n'avait d'autre droit que celui de les sanctionner par ses acclamations.

1. Sismondi, Hist. des Français, t. IX, p. 83. Voy. aussi Dareste, Hist. de l'administration en France, t. I, p. 77.

2. Voy., sur ces premiers états généraux, Chronologie des états généraux, par M. le comte Beugnot; Annuaire de la Société de l'histoire de France, année 1840, et Rathery, Hist. des états généraux, p. 57 à 62.

Charlemagne organisa les assemblées du peuple; les règlements qu'il fit à cet égard nous sont parvenus et font connaître qu'elles devinrent entre ses mains un instrument de gouvernement. Il leur demanda non des lois mais des avis, et encore il ne consulta que les grands et les prélats. L'établissement du régime féodal mit fin à ces cours plénières, dont le souvenir resta gravé pendant longtemps dans la mémoire du peuple, Le grand mouvement communal du douzième siècle marqua le réveil du tiers état; en même temps le pouvoir royal se relevait avec peine, mais la lenteur de ses progrès fut un gage de leur durée. Il reçut sous Philippe-Auguste et sous saint Louis d'immenses acoroissements, et à la fin du treizième siècle il dominait la féodalité.

La France touchait alors à un de ces moments solennels dans la vie des peuples, qui décident de leurs destinées. La féodalité avait été comprimée à l'aide des communes et du clergé, l'ancienne constitution politique changée; la nouvelle n'était pas encore fixée. L'avenir dépendait de la conduite que tiendrait Philippe le Bel, Il s'agissait de savoir si la royauté, se dégageant de toutes les entraves, se transformerait en monarchie absolue, ou si l'aristocratie et le peuple seraient assez forts pour se faire appeler, comme en Angleterre, dans les conseils du monarque, et pour conquérir une place dans l'administration des affaires publiques. La vigueur et l'adresse de Philippe le Bel firent pencher la balance du côté de la couronne. Il conçut le premier l'idée de réunir les états généraux, et, chose singulière, il le fit de son propre mouvement et dans la plénitude de l'autorité. Ce ne fut pas de sa part une concession arrachée par la violence ou par le besoin d'argent; non, il convoqua volontairement le peuple, il le prit pour auxiliaire contre la papauté lors de son différend avec le pape Boniface VIII; il s'adressa à toutes les classes de la nation.

Ce fut donc un fait nouveau dans l'histoire que cette convocation de tous les ordres de l'État; la nouveauté ne consista pas à consulter les différents ordres, mais à les consulter simultanément.

La noblesse concourait à la confection des lois d'utilité générale. Les ordonnances royales n'avaient cours chez les barons qu'après avoir été approuvées par eux. Le célèbre établisse

1. Voy. les Coutumes de Beauvoisis, par Philippe de Beaumanoir, jurisconsulte du

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