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- C'est incroyable de la part d'un homme qui avait l'estime publique.

Explosion de colère.

Inquiétude de la municipalité!

Accusations de toutes les couleurs!

On demanda des poursuites contre lui!

On alla même (nous parlons de la municipalité) jusqu'à louer sa maison d'habitation aux religieux de Prémontré qui devinrent ainsi les locataires de la commune de Mont

rouge.

Pendant ce temps, le citoyen Gilleron envoyait au conseil municipal ce qui lui avait été demandé tant de fois. Ses comptes furent reconnus d'une exactitude rigou

reuse.

Au mois de juillet suivant, à la municipalité de Montrouge, assemblée, au son de la cloche et au bruit du tambour, au lieu ordinaire de ses séances, il lui est donné lecture d'un arrêté du Directoire du district de Bourg-Égalité qui autorise à remettre au citoyen Gilleron, les clefs de la maison dont il est propriétaire à Montrouge, louée par la municipalité aux religieux de Prémontré.

Invité à se présenter à diverses assemblées pour reprendre ses clés, il ne répond pas à cette nouvelle invitation, n'étant pas plus disposé à recevoir les clés de sa maison qu'il ne voulait précédemment rendre ses comptes.

Enfin, le 12 juillet 1792 il se décide à comparaître, mais, avant de reprendre les clés de son immeuble, il demande qu'il soit dressé un état des réparations locatives et des dégradations faites par les religieux de Prémontré pendant leur séjour dans sa maison.

Cela fait, ainsi qu'il le désire, le citoyen Gilleron reprend ses clés, dont il donne décharge à la municipalité, mais,

en homme bien avisé, il lui réclame quelques jours après, les loyers payés par les religieux de Prémontré.

Il obtint alors gain de cause.

Mais, voici bien le plus singulier de cette affaire interminable.

Le 1er avril 1793, le citoyen Michel Gilleron est proclamé maire de Montrouge, il est présenté à l'assemblée, accepté et, vu l'urgence, installé de suite, après avoir prêté le serment prescrit par la loi du 3 septembre 1792, de maintenir de tout son pouvoir, la liberté, la sûreté des personnes et des propriétés, et de mourir, s'il le faut, pour l'exécution de la loi.

Mais revenons au collège de Prémontré.

Au-dessus de la porte cochère, rue Hautefeuille on voyait deux écus accolés, placés par les soins du père Michel Colbert, abbé de Prémontré, général de l'ordre en 1694 qui portait d'azur, semé de France, à deux crosses en sautoir d'or, à une couleuvre d'azur tortillée et mise en pal.

Ces armes avaient été données à l'ordre par le roi saint Louis.

La plus grande partie de la fouille explorée par nous sur ce point était occupée par les fondations des bâtiments du collège, l'église, le cimetière des religieux de Prémontré et le collège de Bourgogne.

Après cette longue digression indispensable, sur l'ordre de Prémontré, nous arrivons à nos recherches archéologiques exécutées en 1898.

Il y a lieu de constater que les travaux de terrassements exécutés depuis huit à dix siècles dans le sol parisien, ont exhumé une quantité considérable de renseignements archéologiques précieux, qui se sont trouvés perdus pour l'histoire.

Il y a quelques années à peine on ne se préoccupait guère de rechercher les documents utiles à la reconstitution de l'industrie et des coutumes de nos ancêtres. On ne pensait pas davantage à recueillir les documents précieux, que, chaque jour, les tombereaux conduisaient à la décharge, enfouissant ainsi de nombreux renseignements pouvant servir à l'histoire et à la topographie de Paris.

Les découvertes dans le sol parisien deviennent de plus en plus rares; les quartiers intéressants à fouiller sont pour ainsi dire épuisés; aussi quelle satisfaction pour l'explorateur de notre vieille Lutèce, s'il sauve une épave du vieux temps qui enrichira les documents archéologiques déjà connus d'une intéressante découverte ou d'une révélation inattendue!

Ces joies de l'explorateur nous les connaissons, depuis Vingt-cinq ans que nous fouillons le vieux Paris, nous pouvons dire que, sous nos patientes recherches, le sol parisien a révélé de nombreux documents précieux sur l'industrie et les coutumes des premiers habitants de la rive gauche de la Seine.

Découvertes de champs de sépultures païennes et chrétiennes, de tronçons de voies antiques, de dépôts d'immondices ou voiries romaines, des traces d'habitation dans l'île Saint-Louis, pointe est, près du pont Sully; de puits

et de fours à potier sur le mons-Lucotitius; d'un fragment fort curieux de colonne antique, découvert dans les substructions de l'église Saint-Hippolyte au quartier SaintMarcel, qui figure au musée de Cluny; d'objets employés dans la vie domestique, comme des biberons servant à l'allaitement artificiel des jeunes enfants; d'une trousse de chirurgien appartenant aux trois premiers siècles de notre ère, unique au monde, par la beauté et la variété des instruments dont elle se compose prouvant assez manifestement, que la science de la médecine et de la chirurgie ne date pas d'hier, et qu'en outre, ces outils sont de véritables merveilles dignes de l'art moderne (publiées dans la Revue archéologique, deux gravures en taille douce par l'auteur). Une savante étude de cette trousse a été faite par le célèbre docteur Deneffe, professeur de l'Université de Gand. Des poteries appartenant à toutes les époques, des vases parfois uniques comme structure, de grands et de petits guttus en terre et en verre et de toutes les formes, d'une ampulla avec son trésor composé de 307 monnaies, d'un autre trésor de 265 monnaies grands et petits bronzes contenu dans une petite poterie de l'époque chrétienne, ce dernier découvert rue Dante en 1901; puis des armes de fer et de bronze appartenant à toutes les époques, javelots, lances, haches, glaives, pointes de flèche, instruments aratoires, outils en fer d'artisan, emporte-pièce, paroir, forfex, clavis Laconica, pièce très rare, épingles de bronze fort belles de forme et de conservation, lesquelles servaient à relever les beautés des Gauloises, ou à maintenir la longue chevelure des guerriers. Et en dernier lieu des statuettes en bronze et en marbre, découvertes rue Dante.

Des fouilles, faites en 1807 au Luxembourg par Grivaud, ont été fructueuses. De 1880 à 1898 des fouilles heureuses

ont été faites par nous au collège Sainte-Barbe, (recherches publiées dans la presse parisienne). Rues Le Goff, Royer-Collard, Gay-Lussac (publiées dans la Revue archéologique 1889-1891). Rue de l'Arbalète, dans les fondations des églises Saint-Marcel, Saint-Hippolyte, SaintMartin près de la Collégiale de Saint-Marcel, avenue des Gobelins aux no 6, 8, 10, 12, 14 et 16 découvertes de sépultures chrétiennes, avenue du Port-Royal 4, 6 et 8, rue du Cardinal Lemoine, etc, etc, furent rencontrés ces mille et un objets, rejetés dédaigneusement aux immondices, mais qui résistèrent à la décomposition du milieu dans lequel ils avaient été abandonnés, pour reparaître un jour, à la plus grande joie de l'explorateur.

Sans ces chercheurs acharnés du vieux Paris, à peine les terres apparaîtraient-elles qu'elles seraient de suite, avec leur contenu, transportées à une nouvelle décharge, (ainsi que cela fut pratiqué pendant bien des années), dans laquelle une partie du sol du quartier Latin, du Luxembourg et de Saint-Marcel contribua à relever le niveau des prés de la Glacière, à faire disparaître et à couvrir de plus de vingt mètres d'épaisseur de terre la petite rivière de Bièvre, anciennement rivière des Gobelins. Nous pouvons dire qu'une partie du sous-sol du XIII arrondissement renferme bien des ossements gaulois, romains et mérovingiens, ainsi que des monnaies antiques et nationales, des bronzes, de la poterie, de la verrerie, des armes, enfin une quantité considérable d'antiquités précieuses, enfouies à plus de 50 pieds sous terre, qui composeraient un véritable musée historique des produits Lutéciens.

Sachant que, le plus souvent, les ouvriers employés aux travaux de terrassements ne tiennent pas comptes des objets rencontrés dans les terres remuées et chargées par

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