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LA TRILOGIE DE LA VIE

(Fin.)

Moua, mouārta, adj.-part. et s. mort.

Les formes masculines sont identiques avec celles indiquées en tête de l'article précédent; seulement, comme nous sommes mieux documentés pour l'adjectif, nous pouvons mieux en délimiter les aires. La forme mouar se rencontre dès Corsier près Vevey, qui se rattache ainsi au Pays d'Enhaut; mouă se dit aussi à Oron et à Vaugondry (Vd); comme variante de moud, le Voc. de M. Cornu indique muò, fém. muòrta pour Albeuve et Pont-la-Ville (F); Sassel a mo, comme le Gros-de-Vaud; mòr existe aussi à Isérables (V); la vallée d'Hérens a mo, comme tout le Bas-Valais; Lavallaz, Hér., p. 93, écrit mòo pour le subst.; l'Atlas ling. de la France, no 883 (ils sont morts) note mor pour Evolène, ce qui est une erreur : on y dit moch; Nendaz n'a pas non plus mon, comme le prétend M. Edmont, mais mo. Il donne mór pour Bourg-Saint-Pierre, forme que nous n'avons pas contrôlée. Pour Bernex, l'Atlas a mour, tandis que notre correspondant, qui a servi de sujet pour l'Atlas, écrit lui-même mor; cependant cet é peut être très fermé; on trouve aussi mour dans une traduction en < patois du canton de Genève » de la Parabole de l'enfant prodigue (Corbaz, p. 170). Mó appartiendrait, d'après l'Atlas, à plusieurs localités de l'ouest du canton de Vaud. Les environs de Romont (F) ont déjà la forme gruyérienne moud. Moūotch donné par l'Atlas pour Les Bois n'est valable que pour le féminin. Le Jura bernois distingue en partie l'adjectif (all. tot) du participe (all. gestorben); ainsi s'expliquent les formes de

l'Atlas mru (Péry) et mari (Courrendlin), identiques avec l'infinitif mourir. Cf. sous mouri, principales formes.

Formes féminines: à moua(r), moud, correspond mouārta, mouårta; mouerta (Vd Vallée de Joux, Vallorbe); mouóța > mouotcha (N Montagnes); à mò(r) correspond morta (voyelle gén. longue); móɔ ou mouɔ du Jura bernois, Ouest, ajoutent tch; le district de Delémont a móart, sauf les villages ayant une forme spéciale pour le participe (voir ci-dessus), qui est commune aux deux genres. Même móɔ, moua se rencontre comme féminin, par exemple à Charmoille. Ainsi s'explique qu'une ânesse puisse dire dans une chanson populaire d'Alle i n sa p mouɔ, je ne suis pas morte (à corriger la note de M. Rossat, Arch. s. d. trad. pop. VII, p. 255). C'est l'identité de la forme des participes des verbes en -er, -ir et -re qui en est cause. L'identité habituelle des inf. et part. a occasionné les formes mru, màri mentionnées plus haut. Voir sous mourir.

Moua, mouai, adj. voy. mouert; mouert, mouerta, adj. mort, décédé (Bridel, le choix de cette forme comme type vaudois est curieux). Mouar, ta, adj. et part., avec la remarque: les deux dernières lettres du mot ne se prononcent pas (Dumur, Voc.). Mouert, ta, adj. indiqué pour Conthey par Barman (influence de Bridel?). Mouô (Michelin-Bert). Möe, trépéssai (Guélat).

I. adj. 1. privé de vie. 2. par extens. éteint, tranquille, etc. II. comme participe passé du verbe mourir : mort. III. s. 1. qui est mort. 2. cadavre. 3. revenant. 4. Dans certains jeux de cartes: joueur fictif, voir l'article cartes.

I. 1. Kouè mouè, corps mort, cadavre (Vd Chenit), kouǝrmour, idem, comme composé (B Charmoille). L'an tròva moud, on l'a... (F Lessoc). Bestes mortes, insulte prodiguée par les luthériens aux religieuses pendant la réforme (Millioud, Anciennetés, 1901, p. 35). Pia mòr kə vi, plus mort que vif (N Noiraigue); plou mòrta ka vigva, très effrayée ou abattue (V Evo

lène). Lé mɔ kɔ mé rédzouyo dé verə, kan səri moud, kó ferérɔ lé bău, c'est moi qui me réjouis de voir, quand je serai m., qui ferrera les bœufs, disait un vieux maréchal qui se croyait indispensable aux autres (Vd Blonay). Téi moud, tu es m., dit-on par moquerie à un enfant qui pleure, parce qu'il s'est fait mal (ib.). Chu lè fôs dǝ sè dous èmia - lò galan moua yi tchouayè, sur la fosse de sa douce amie, le galant mort y tomba (Rossat, Chants patois, Arch. s. d. trad. pop. V, p. 206). I. 2. Y a mò lè jouè, il a les yeux éteints (V Vernamiège). Saizon mòrta, saison m. (Vd); in mouarta chéjon, en hiver (F Gruyère). Tot è mò, tout est silencieux (Vd Penthalaz). On kou la mouəzika mòrta, Ta va drami su la fin, une fois que la musique a cessé, tu vas dormir sur le foin (chanson de societé, Vd Ollon). Eioue morta, eau stagnante (V Nendaz); é n' fa pé s' fyé éz avonɔ mòrta, il ne faut pas se fier aux eaux tranquilles (N Noiraigue); ov mort (B Cortébert); cf. noms de lieux. Morta ya, « vie morte »>, indigence, pénurie, misère (V Orsières, Barman). Fyèrè a man morta, frapper en tenant la main flasque (Vd); firə a man mòrta, se laisser mouvoir la main par un autre. Main morte était un terme de l'ancien droit possession non transmise. Icelle a librement confessé d'avoir promis en main morte.... (1619, Arch. cant., Procès à Corsier). La Mainmorte, nom de lieu, à l'Est du lac des Rousses. On kou mo, « un coup mort », simple entaille faite au moyen de la hache sur l'écorce d'une pièce de bois; é noutra mārka du bou è dou kou mò, notre marque de famille pour le bois est deux coups morts (V Bagnes, Courthion). Tser mòrta, chair paralysée, atrophiée (Vd). Pyèra mòrta, sorte de molasse en très petits gisements dans les Préalpes (Vd Ormonts). Dǝ bou mòr, du bois sec, pourri; a esté gagé en sian (sciant) un vargne (sapin blanc) que le [bois] mort aurait fait 8 feulles (1712, Montpreveyres). La pérãi le moud, le poirier est sec (Vd Blonay). Olaizon mòrta, haie (<«< cloison ») morte, par opposition à h. vive (Vd Ormonts). Comme adverbe: i fó təri ót é mó, « il faut tirer haut et mort », au jeu de boules

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il faut lancer haut, de sorte que la

boule s'écarte peu de l'endroit où elle tombe (G Vernier). Cf. mort-né. II. Kan on n è mồ, on n è mồ, quand on est m..., encouragement à jouir de la vie (Vd). Le passage de la Parabole de l'Enfant prodigue si souvent traduite dans nos patois (voir Bibliogr. ling. I): « ton frère, que voilà, était mort, et il est revenu à la vie » permet de comparer les formes de ce participe dans les diff. dialectes. On·n a bin rèzon d'onoră plyè (ceux) kə son mouè po la patri (Vd Chenit). N'è pã mò dè la prəmirə, il n'est pas mort du premier mensonge, se dit souvent, cf. Cont. vaud 1882, no 12; ib. 1887, no 41. El é mòr d'éytr afāti... d'inanition (N Noiraigue). I seut cele qu'á moërte, je suis celle qui est m. (Raspieler, Pan., vers 126, éd. Rossat). I n' sa p' moūr piska i djāz ankòrə, je ne suis pas morte (dit une ânesse, voir ci-dessus, formes phonétiques) puisque je parle encore (Rossat, Chants pat. Arch. s. d. trad. pop. VII, p. 255). L'adjectif-part. mort sert à former un passé surcomposé qu'on rencontre assez fréquemment: L'è z'u mo ci pouro Djan-Daniè (Mél. Favrat, p. 239, cf. Cont. vaud, 1893, no 7), avec le sens : il y a longtemps qu'il est mort. Voir, sous mourir, les nombreuses périphrases pour exprimer : il est mort. III. 1. férè lou mo, feindre d'être mort (Vd). Lé mō nə rəvīnyan pā, les m. ne reviennent pas (Vd Montherond). On mo lè onkora vito mɔdzī, un m. est encore vite mangé, dit un fossoyeur qui a bu l'argent de sa fonction (Vd Savigny). Lo mo è su lo lan,... sur la planche, voir art. préc. encycl. 7. On mồr, homme sans énergie (V Salvan). Prèyè pò li mo, prier... (V Praz-de-Fort). Lè klòsǝ dè mòr, les cloches (sonnerie) des m. (V Grône). Dra di mỗ, linceul (V Nendaz). Il è pru víly pò fér on mouó, il est assez vieux pour... (N La Brévine); al è bon pè får on mór (G Bernex). On ne vè pieu gnonça lè fanne seudre lè mouo, on ne voit plus nulle part les femmes suivre les morts, prendre part à un convoi funèbre (Droz, Loc.). Vouèyia in moua, veiller un m. (B Ajoie). Le jour des morts (2 nov.) s'appelle comme en français, mais plutôt le jour de toutes âmes, la fête des âmes, les trépassés, voir âme, trépassé. III. 2. Irè na zinta morta, c'était une belle m. (V

Vernamiège). Iron katrou pò porta lǝ mó, ils étaient quatre pour porter le cadavre (F Broye). La mórta irè pèzanta, la m. était pesante (ib.). III. 3. La yu on mò, il a vu un revenant (V Praz-de-Fort). Oün mòr lèv aparouk,... est apparu (V Grimentz). Avé pouira dé mòchou, avoir peur des revenants (V Evolène); loua dé m., lieu hanté (ib.); la pròsèchyon dé m., la procession des m. (ib.), voir sous procession. III. 4. Prindr lǝ mòr pò dzòyi avouè, prendre le « mort » pour jouer avec (Vd Frenières). Le « mort », joueur fictif, dont on peut prendre les cartes pour remplacer les siennes, s'appelle aussi borgne (G), aveugle (Vd), blind (B, de l'allemand suisse blind, aveugle, voir Tappolet, Die alem. Lehnwörter, II) ou bòk, mouton (B), voir

sous ces mots.

Composés: cf. raide-mort, ivre-mort, tête de mort (sous téte), morte-saison.

Comparaisons: Celles citées sous mort, s. s'emploient aussi avec l'adj. substantifié: pále, etc. comme un mort. Il faut y ajouter: raide, froid c. un m.

Proverbes Mouèrta la bétɔ, mouè lou vənin, m. la bête, m. le venin (Vd Vallorbe; se dit aussi ailleurs, figure dans la chanson de l'Escalade Cé qu'è lainò, str. 54, p. 25 de l'éd. Ritter: Mourta la béque, et mourta [sic] le venin). Kan on nè mồ, on n a prou pan, quand on est m., on a assez de pain, c'est-à-dire : c'est peine perdue de tant se tracasser pour l'avenir (V Bagnes). A la Chint Alèro lè mò rəkòminson lòou pin-nə, à la SaintHilaire, les m. recommencent leurs peines (V Vernamiège). 1 fó avi puer di vi, lè moud n vòlon rin fér dè mó, il faut avoir peur des vivants, les morts ne feront pas de mal (F Gruyère). Lè moud ly an adi toud, pòrtan n moudjon nyon mé, les m. ont toujours tort, pourtant ils ne mordent plus personne (ib.). Bárné k'è mòr, heureux qui est mort (N Val-de-Travers). Quand on est mort c'est por lontai (longtemps, Reima du corti, Matile, Mus. hist. III, 169), dicton encore en usage d'après le Pat. neuch. p. 135, n. 6; Duret, Gloss., p. 202, quand on est môr, est per lontimp. Lè dyiǝr ã lè fét dé mouə, la guerre est la fête

y

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