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bourg. Le corps avait la tête couchée sur de simples copeaux. On les remplace peu à peu par des coussins d'étoffe. Autrefois c'étaient les voisins ou amis qui confectionnaient le cercueil; traces de cet usage dans la haute vallée de Bagnes, à Plagne (B) et ailleurs. Maintenant c'est plutôt à un menuisier qu'on le commande et, dans les villes surtout, le luxe a été introduit dans ce domaine comme dans tous les autres: cercueils façonnés, capitonnés, à pieds et ornements de métal blanc, en bois de chêne ou de noyer. Dans le canton de Genève, il arrive qu'on indique, au moyen de clous à tête jaune, les initiales du défunt.

Dans le livre cité, Mario raconte avec quel stoïcisme nos rudes campagnards voient la mort s'approcher. Il y en a qui se font faire eux-mêmes leur cercueil. Ce meuble les attend, remisé dans un raccard. Un couple de Bagnes s'en servait tranquillement comme d'une table à manger. Nous avons nousmême consulté sur son patois une nonagénaire, à Charmey, assise dans sa chambrette à côté de son cercueil.

Les montagnards tiennent à être enterrés dans leur village natal. Avant qu'il y eût des routes, on pouvait voir des Anniviards, morts dans la plaine, montés à califourchon et solidement attachés sur un mulet, faisant de nuit le long trajet qui les séparait de leur église (voir Mario, op. cit., p. 198). Lorsqu'un décès survient dans les hauts pâturages, on peut rencontrer le cercueil vide, porté par un mulet, tandis que plusieurs hommes transportent dans la vallée le cadavre, enveloppé dans un drap (V).

4. Dépôt d'objets dans le cercueil. On couche les morts dans leur dernière demeure tels qu'ils étaient dans leur lit ou sur la planche (voir ci-dessus mort, Encycl. 7), avec un chapelet aux mains, un crucifix, un calice (si c'était un prêtre), une Bible ou un autre livre pieux sur la poitrine, quelques fleurs (surtout pour une jeune fille). Les traces de coutumes païennes se sont perdues, mais on raconte en Valais que, dans certains villages, il arrive ou arrivait qu'on mît une pièce d'argent dans

la bouche du mort pour la traversée, ou qu'on déposât dans la bière du vin, dupain, du fromage, et même une paire de souliers, afin qu'il pût sans encombre effectuer le voyage de SaintJacques.

5. La tombe est creusée généralement par un fossoyeur attitré, qui est la plupart du temps le marguiller; accidentellement, ce peut être un autre fonctionnaire public, ainsi le cantonnier (G Hermance). Mais à la campagne, surtout dans les cantons de Fribourg et du Valais, s'est conservée la belle tradition de faire creuser la fosse par les amis ou les proches voisins du défunt. En récompense, ils sont invités au repas d'enterrement, s'il a lieu, ou reçoivent une petite collation pendant le travail ou quelque vêtement laissé par le mort. A Bagnes, chaque village est divisé en cercles mortuaires, les voisinages, en patois vəzənan, dont les familles sont mises à contribution lors de l'ensevelissement d'une personne mariée. A tour de rôle, elles sont astreintes au creusage de la fosse au cimetière paroissial. La nomination d'un croque-mort, survenue il y a quelques années, ne fut pas jugée favorablement et on en revint au vieux système.

6. L'usage de porter le cercueil entre amis, voisins ou parents du trépassé est encore très commun à la campagne. Certains cimetières alpestres ne permettraient pas d'autre moyen de transport1. Le corbillard des villes s'introduit avec les routes, mais est encore peu usité. Comme porteurs, on nomme spécialement les ressortissants des voisinages, pour Bagnes; les filleuls, neveux ou cousins pour Evolène et Champéry; souvent la famille désigne ceux qui doivent remplir ce devoir. Dans beaucoup d'endroits, une touchante solidarité unit les morts et les vivants, de sorte que les adolescents ou enfants sont portés par ceux de leur âge ou de leur sexe. Dans H. Herzog, Schweiz. Volksfeste, Sitten und Gebräuche, p. 311,

1 Voir la lithographie de H. B. Wieland, que nous reproduisons d'après le périodique « Die Schweiz », 1913.

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