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genre ne manqueront pas de causer de l'embarras au moment de la rédaction de nos multiples matériaux; mais heureusement nous ne sommes pas les seuls qui s'en soient occupés, et deux moyens de contrôle nous prêteront leur appui : notre connaissance exacte de la phonétique locale et la présence d'expressions analogues dans d'autres contrées. Voyons s'il est possible d'en tirer parti pour l'explication de menau, menantho.

Comme Favrat n'a pas rendu textuellement le manuscrit de Bridel qu'il avait sous les yeux, et qu'il en existe un autre, plus ancien et souvent aussi plus sûr, il est bon d'y avoir recours en pareil cas. Or, le premier en date des manuscrits donne sous menau, menantho la définition : « vieillard respecté : c'est un titre donné à l'âge avancé. » Cela change la question: ces mots ne désignent pas le vieillard comme tel, mais sont un titre d'honneur qu'on lui donne. C'est par erreur que Bridel, et par conséquent son éditeur, suppriment ensuite le mot respecté dans la première définition.

L'attribution au-Pays-d'Enhaut nous met en présence d'une phonétique spéciale qui nous fait vite reconnaître dans antho une ancienne forme du mot oncle 1. En effet le groupe on y donnait autrefois régulièrement an: sponda - epanda, exponere -epandre, frontem-fran, pontem-pan, tondere - tandre, -submonere — chemandre 2, etc. Le groupe cl après consonne aboutità, que Henchoz transcrivait par un signe spécial et que Bridel rendait par th: masculus — mãvo, misculare meða, sarculare — cherva 2, etc. Le vocabulaire manuscrit de Dumur confirme cette étymologie en donnant sous onklyo, oncle « titre honorifique que l'on donne à la campagne aux personnes âgées, à qui celui de monsieur ne conviendrait pas tout-à-fait. » Voir encore Bridel, sous onkllo. Dans le Glossaire de Moratel, également inédit, se trouve sous anthou une copie de Bridel, avec la mention : « Je crois que c'est simplement le mot onhllou, qui s'emploie dans les mêmes sens. » Nous possédons enfin un exemplaire du Glossaire de Bridel, annoté par M. Cornu à Cuves (Pays-d'Enhaut), vers 1870; notre savant

1 Et Bridel allait chercher un terme de comparaison aux îles Philippines!

2 J'emprunte ces exemples à la dissertation de doctorat inédite sur la phonétique du Pays-d'Enhaut de M. Cornu, qui a bien voulu la mettre à notre disposition.

collègue indique, en regard de anthou, la forme ondo comme étant celle de ce village. Il a aussi retrouvé mounondo à Cuves, et manondo à Château-d'Ex. Le premier élément n'est pas autre chose que l'adj. poss. mon.

Quant à menau, à l'aide de la forme valaisanne actuelle aou, oncle, qui s'emploie dans les vallées d'Hérens et d'Anniviers, on y reconnaît également un dérivé du latin avus, c'est-à-dire avolus, ancien concurrent de avunculus. Cette forme doit avoir eu autrefois un domaine plus étendu.

La seule chose qui fasse encore difficulté est qu'on ait ajouté anthou (lire antho) à des noms de femmes, et même de préférence, au dire du doyen Henchoz. A-t-il confondu antho et anta (amita), qui devait être la vieille forme pour tante 1? Ou auraiton réellement généralisé la forme masculine? C'est ce qu'il est malaisé d'élucider aujourd'hui.

2. Bridel: fethaula, « petite saucisse attachée à une plus grande. »

!

Bien que cet article soit suivi immédiatement de celui-ci : fethaula, fetheula, s. f. filleule, le lecteur de Bridel ne remarque peut-être pas qu'il s'agit les deux fois d'un seul et même mot, pris dans des acceptions diverses, le rapport entre la grande et la petite saucisse ayant été considéré, par métaphore, comme celui d'une marraine à sa filleule. On donne ce nom aussi, dans nos patois, à de jeunes pousses de vigne, à des rejetons d'œillet, d'artichaut, etc. En Gruyère, filyāla désigne en outre un petit fromage qu'on fait avec un reste de lait. Ailleurs fǝlyon (filius + suffixe dim. - one), fadon, fadon, etc., signifie tantôt l'un, tantôt l'autre, ou les deux (petit fromage ou tige adventice). Bridel a eu le tort de ne pas réunir les articles, de laisser à peine deviner la vraie prononciation, qui est fədaola (ainsi à Rossinière) et de donner la correspondance patoise du français filleule sous un accoutrement phonétique trop local et trop bizarre, sans en indiquer la provenance. La forme commune vaudoise serait fǝlyaoula. On voit que le Glossaire romand aura beaucoup de choses à mettre au point. L. GAUCHAT.

1 Elle est encore usitée en Valais.

BULLETIN

DU

GLOSSAIRE DES PATOIS

DE LA

SUISSE ROMANDE

PUBLIÉ PAR LA

Rédaction du Glossaire.

QUATORZIÈME ANNÉE

1915

ZURICH

BUREAU DU GLOSSAIRE

Hofackerstrasse 44

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