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en lui faisant perdre un temps utile, risquèrent de le décourager. Enfin, M. John Clerc, chef du Département de l'Instruction publique du canton de Neuchâtel, à qui M. Gauchat, comme Neuchâtelois, avait exposé ses insuccès, prononça le mot qui ne sera pas oublié : « Je veux bien vous épauler. » Il convoqua ses collègues des cantons romands à Genève, en 1897, et l'année suivante, dans une séance qui eut lieu à Neuchâtel, il fut décidé de demander une subvention à la Confédération et d'accorder des subsides cantonaux pour l'oeuvre à créer. Le Conseil fédéral ayant répondu favorablement, l'entreprise devint officielle en 1899. M. Gauchat fut chargé de la direction.

Avant de se mettre à l'œuvre, il s'était assuré le concours de deux jeunes philologues, sortis de la même école que lui, qui venaient de débuter par des travaux montrant leur compétence en matière dialectologique, MM. J. Jeanjaquet et E. Tappolet. Dès le commencement, ces trois Suisses ont partagé toutes les peines et toutes les joies de l'œuvre, à laquelle ils consacrent avec amour leur temps et leurs efforts.

Un plan-programme du Glossaire et un spécimen de l'article vache avaient été soumis à l'appréciation de romanistes distingués, entre autres du regretté Gaston Paris et de M. J. Gilliéron, qui enseignait déjà brillamment la dialectologie à l'Ecole des Hautes Etudes de Paris. Par leurs excellentes directions, ces savants devinrent les parrains. intellectuels du Glossaire.

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II. L'ORGANISATION

Trois groupes de personnes assumèrent la responsabilité de la bonne marche de l'entreprise : le Comité de rédaction, composé des philologues susmentionnés, qui forment, avec un copiste ou secrétaire, occupé exclusivement à notre œuvre, le Bureau du Glossaire; une Commission philologique de six membres, qui discute surtout les questions techniques, et une Commission administrative, de six membres également, dont la tâche principale est de régler les questions financières.

Les rédacteurs sont malheureusement domiciliés dans des lieux différents, ils enseignent actuellement la philologie romane aux Universités de Zurich, de Neuchâtel et de Bâle, - mais ils se voient souvent, afin de rester en contact continuel. Le Bureau, où sont déposés les matériaux du Glossaire, est installé dans la ville où demeure le rédacteur en chef, M. Gauchat. Il a été jusqu'en 1902 à Zurich, de 1902 à 1907 à Berne, puis de nouveau à Zurich. Comme secrétaires, nous avons eu successivement M. L. Gignoux, Mme H. Boucherle, MM. O. Chanıbaz et P. Bovet, Miles E. Décrevel et L. Rivenc. Tous, ils nous ont rendu, dans la mesure de leurs forces, d'éminents services, que nous nous plaisons à rappeler ici.

Les deux Commissions se réunissent une fois par an. La Commission administrative est formée des Chefs des Départements de l'Instruction publique des six cantons romands. Neuchâtel ayant été désigné comme canton-directeur, son représentant, M. le conseiller d'Etat Ed. Quartierla-Tente, la préside depuis 1899 avec une sympathie pour notre œuvre qui ne s'est jamais démentie. Le premier se

crétaire du Département de Neuchâtel fonctionne comme caissier de l'entreprise. M. Gauchat est délégué aux réunions et y rapporte sur la marche des travaux et sur les décisions de la Commission philologique.

Celle-ci, qui est nommée par la Commission administrative, doit se composer de personnes compétentes en matière de dialectologie et se recrute surtout parmi les professeurs de philologie romane des Universités de la Suisse romande. Quatre cantons ont encore aujourd'hui les représentants désignés dès le début : MM. Bonnard (Vaud), en même temps président de la Commission, E. Muret (Genève), vice-président, A. Piaget (Neuchâtel), H. Morf (Valais). Le représentant de Fribourg a changé plusieurs fois : à M. P. Marchot ont succédé MM. A. Huonder (décédé), K. von Ettmayer et l'abbé H. Savoy. M. Ch. Gigandet, ancien vice-chancelier de la Confédération, a représenté le Jura bernois de 1899 à sa mort, survenue récemment ; il a été remplacé par M. Virgile Rossel. Les réunions de la Commission philologique ont lieu alternativement dans l'un ou l'autre des cantons romands.

Chaque année, la Rédaction rend compte de son activité dans un rapport, qui est imprimé. Le caissier fournit également au Département fédéral de l'Intérieur un relevé complet des comptes annuels et en soumet un résumé aux Commissions.

Qu'il nous soit permis de dire que cette organisation a fonctionné jusqu'ici à la complète satisfaction des intéressés. Les séances périodiques impriment une allure régulière à la marche de l'entreprise. La Rédaction est heureuse de n'être pas seule à supporter la responsabilité d'une œuvre aussi considérable. Elle a largement profité des délibérations des deux Commissions de surveillance et leur sait gré de

leur collaboration efficace. Quant aux autorités fédérales et cantonales, nous leur sommes reconnaissants de leur concours financier, qui n'est pas seulement nécessaire pour mener à bien une entreprise si ardue et si longue, mais qui constitue pour la Rédaction un encouragement toujours renouvelé et une preuve d'estime de ses travaux.

III. LES TRAVAUX

A. L'ENQUÊTE

Les sources sur lesquelles doit porter l'enquête destinée à fournir les matériaux du Glossaire sont au nombre de six.

I. Littérature patoise

Tout le monde sait que notre littérature patoise est pauvre. Le Valais, qui possède le dialecte le plus original, n'en a pour ainsi dire point. Quelques pamphlets politiques à Genève, des chansons populaires à Fribourg et à Berne, partout des anecdotes d'almanachs et des historiettes pour rire, enfin, deux ou trois poètes, voilà à peu près tout notre bagage littéraire. Et cependant il ne faut pas dédaigner cette source des textes écrits. Si on voulait réunir en un volume toutes les histoires amusantes que l'aimable Conteur vaudois publie tous les samedis depuis un demi-siècle, cela ferait bien 2000 pages. Dès le début de l'entreprise, nous nous sommes mis à dépouiller soigneusement ces textes, et ce travail n'est pas encore achevé. La rédaction a dressé dans le tome Ier de la Bibliographie (voir Publications) un inventaire complet de tous les écrits en patois parvenus à sa connaissance, de sorte qu'il est facile de savoir ce qui est

fait et ce qui reste à faire dans ce domaine. Le principal avantage des textes suivis est de nous fournir en quantité des locutions, des tournures caractéristiques, des nuances d'expression, qu'il est bien difficile d'obtenir dans un interrogatoire direct, mais que le contexte fait surgir naturellement. Or, une langue n'est pas seulement intéressante par ses mots et ses formes, mais aussi par ses tours de phrases et ses idiotismes. C'est par eux que le discours s'anime et se colore. Nous faisons notre possible pour ne pas négliger ce côté original et parfois poétique des dialectes.

2. Documents d'archives

Une autre source écrite qu'il est nécessaire de mettre à contribution, ce sont nos documents d'archives. Quoique le latin et le français aient toujours été les seules langues employées dans les actes, nombre d'entre eux, comme les comptes, testaments, inventaires, dépositions de témoins, etc., sont souvent émaillés de mots patois, plus ou moins francisés ou latinisés. Comme notre littérature patoise ne remonte guère au delà du XVIIIe siècle, ces mots épars peuvent être regardés comme la prolongation de notre tradition écrite jusqu'au XIIIe siècle à peu près. Nous découvrons dans ces vieux papiers ou parchemins, non seulement les anciennes formes, utiles à connaître pour l'étymologie et l'histoire de la langue, de vocables encore existants dans le parler vivant, mais une foule de termes tombés en désuétude pour une raison ou pour une autre. Malheureusement les rédacteurs ne peuvent pas, à côté de leurs autres besognes, trouver le temps nécessaire à l'exploration systématique des archives et il a été très difficile de rencontrer des collaborateurs s'intéressant à ces recherches, qui relèvent

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