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d'ouvrages patois. C'est M. Jeanjaquet qui est surtout chargé de la rédaction de la Bibliographie.

Nous allons livrer à l'impression un nouveau volume, qui renfermera les Relevés phonétiques faits par nous dans soixantedeux localités de la Suisse romande, choisies de façon à donner un aperçu assez complet de la prononciation des principales variétés de nos patois. Cette phonétique romande se présentera sous la forme de tableaux comparatifs des équivalents d'environ 600 mots types. Nos relevés offriront cette particularité d'avoir toujours été faits simultanément par deux des rédacteurs du Glossaire. Le texte reproduira la transcription de M. Jeanjaquet, qui a été présent partout, mais toutes les divergences du second rédacteur seront signalées. Ces variantes d'audition, parfois surprenantes, présentent pour le linguiste un intérêt que relèvera l'introduction. L'ouvrage rendra naturellement aussi de grands services comme complément du Glossaire.

L'Atlas linguistique de la Suisse romande, en préparation, doit représenter graphiquement, par des teintes, sur 80 cartes de grand format (1: 400 000), les traits essentiels de la phonétique de nos patois. Ainsi, la carte-spécimen CLAVE, « clef », indique ce que devient en pays romand le groupe initial CL. Les formes de ce mot sont typiques, c'est-à-dire que la généralité des autres vocables indigènes commençant par CL, cloche, clocher, clair, clore, clos, etc., ont la même prononciation. On a choisi cette carte comme exemple, parce qu'elle fait mieux voir que d'autres l'extrême diversité de nos dialectes. La base de l'ouvrage, constituée par plus de 400 relevés faits en Suisse et dans les pays limitrophes, existe depuis plusieurs années, et nombre de cartes ont déjà été établies. Mais les frais très élevés ont empêché jusqu'ici la publication. Nous espérons néanmoins que cet

obstacle ne sera pas insurmontable et que nous arriverons à mettre à la disposition des travailleurs cet Atlas, dont l'intérêt scientifique est incontestable. Il ne ferait pas double emploi avec les Relevés dont nous venons de parler, car nous ne pourrons pas représenter tous les phénomènes phonétiques par des cartes, et celles-ci ne donneront pas la prononciation du mot entier, mais seulement celle du phonème étudié. Le Glossaire lui-même tirerait profit de l'Atlas, aussi bien que des Relevés, par le fait que des renvois à ces ouvrages permettraient d'abréger notablement la partie phonétique.

Ce que ni les Relevés ni l'Atlas ne peuvent rendre, l'intonation avec toutes ses nuances, pourra être conservé aux générations futures par la collection de phonogrammes que nous avons entreprise, de concert avec les Archives phonographiques suisses, à Zurich. Dans une première expérience, une demi-douzaine de ces phonogrammes ont enregistré les différentes variétés de patois neuchâtelois.

Quant à notre œuvre principale, le Glossaire des patois de la Suisse romande, elle demande une longue série d'essais et de tâtonnements. Il n'y a pas pour les dictionnaires de ce genre de règles toutes faites, qu'on puisse appliquer partout. Chacun a sa physionomie propre et soulève des difficultés spéciales. Elles sont particulièrement nombreuses lorsqu'il s'agit d'une langue qui varie à l'infini, dont la vitalité diffère énormément suivant les lieux et que personne n'avait encore étudiée d'une façon approfondie. Il nous faut chercher notre chemin. Ce n'est que par l'expérimentation de divers systèmes que nous pourrons nous rapprocher du but à atteindre. Le Glossaire ne se fera qu'une fois. Il est donc important qu'il réponde aux exigences les plus diverses, de la simple curiosité du passé aux hautes aspira

tions de la science linguistique. L'orientation doit en être aussi moderne que possible, la technique simple et pratique. Aussi le Comité de Rédaction et la Commission philologique s'occupent-ils depuis plusieurs années des principaux problèmes d'arrangement. Pour servir de base aux discussions qui s'y rapportent, un double projet a été élaboré en 1907 par MM. Gauchat et Jeanjaquet. M. Tappolet a soumis également aux Commissions d'intéressantes propositions sur le choix des formes d'entête des articles et sur le système à adopter pour indiquer l'aire géographique des mots patois. Pour le détail de ces questions, nous renvoyons à nos Rapports. Qu'il nous suffise ici de résumer les principes généraux qui nous ont servi de direction et qui se dessinent de plus en plus nettement à mesure que nous

avançons:

1o Le Glossaire ne sera pas une œuvre de philologie pure; il devra être accessible au plus grand nombre possible de lecteurs. La transcription des matériaux, les citations, les définitions auront à en tenir compte.

2o Les articles purement lexicologiques alterneront avec d'autres, de nature encyclopédique, où seront retracées dans leurs traits essentiels les conditions particulières de la civilisation romande : habitation, nourriture, vêtements, jeux et divertissements, industries spéciales, etc. Les spécimens publiés dans le Bulletin montrent la voie à suivre.

3o Le Glossaire sera illustré par des dessins et des reproductions de photographies, que nous rassemblons depuis les débuts de l'entreprise. Ce ne sera pas un simple ornement, mais une partie intégrante de l'oeuvre. Ces illustrations préciseront ce qu'il est difficile d'expliquer clairement en paroles et réuniront en tableaux synoptiques les éléments que dispersent les hasards du classement alphabétique.

Outre les publications officielles dont il a été question dans les pages précédentes, nous pourrions mentionner un grand nombre d'études spéciales faites en marge du Glossaire éditions de textes romands, de documents d'archives; travaux d'ensemble sur la vitalité de nos patois, les rapports entre les Romands et les Allemands qui se sont rencontrés dans nos cantons de langue française; sur différents points de la grammaire qui offrent un intérêt général; mémoires sur la provenance du lexique romand, etc. La liste de tous. ces travaux, dus aux membres de la Commission philologique et aux trois rédacteurs, occuperait trop de place ici. Ceux qui s'y intéressent en trouveront l'énumération dans les deux volumes de notre Bibliographie. Nous les avons réunis en vue de l'Exposition nationale de cette année, où l'on pourra se rendre compte qu'ils forment déjà une petite bibliothèque. Nous y avons fait figurer aussi les thèses de doctorat de nos étudiants dans lesquelles les matériaux du Glossaire ont été utilisés.

Ceux qui auront pris la peine de nous lire auront pu se convaincre que l'entreprise du Glossaire est extrêmement longue et compliquée et qu'elle exige un effort soutenu et persévérant. Nous espérons que ces pages contribueront à développer la sympathie et les encouragements que notre œuvre a rencontrés jusqu'ici et dont elle a plus besoin que jamais. Nous pouvons envisager avec satisfaction le chemin parcouru. Le travail ardu de la récolte a été couronné de succès et un point capital est désormais acquis : les matériaux sont réunis et sont plus riches qu'on n'eût jamais osé le souhaiter. Qu'on veuille bien nous faire crédit de quelques années encore pour la mise en œuvre et l'utilisation rationnelle de ces richesses. Ces années ne seront point perdues,

et ce serait compromettre les résultats que de vouloir brûler les étapes. Les rédacteurs eux-mêmes sont les premiers à s'impatienter, à sentir la rapidité des années qui s'envolent et à souhaiter l'achèvement de leur instructive et attachante, mais dure et lourde besogne.

LOUIS GAUCHAT.

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