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et par analogie de termes comme catarrhe, flux', etc., que le genre masculin s'est introduit dans la langue littéraire.

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Notons par parenthèse que l'évolution de rheuma' a suivi d'autres voies hors de la France. Tandis que le prov. raumas (avec un suffixe péjoratif ou augmentatif, cf. Rom. Gram. II, p. 459, 567) garde encore la signification de catarrhe', nous apercevons que le mot ne s'applique pas généralement à la , rhinitis dans l'Italie du Nord, en Catalogne et en Espagne ; ses dérivés ne désignent que le rhumatisme et on emploie à la place de peuμz' des dérivés de infrigidare et refrigidare, dont les équivalents apparaissent déjà aux confins de la France (voir l'Atlas, P. 898, 990, 982, 992 [Est], 797, 795, 796, 798 [Sud]). Cf. plus loin.

2. κατάρρους :

4,7,

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Les exemples latins du Thes. ling. lat. (596, 77, etc.) nous font voir que le mot catarrhus ne sert pas seulement à exprimer l'idée d'écoulement d'humeur sortant du nez (Isid. Orig. 11: catarrhus est reuma iugis e naribus, Marcell. med. 5, 8: ad catarrhum sive destillationem umoris ex capite), mais encore le, rhume de poitrine' (Gloss. III, 598, 41: reumaticus humor in pectore). Oribase regarde le catarrhe comme étant l'effet d'un flux descendant de la tête: ...de capite reuma currens catarrhum excitat (Orib. Syn. 4. 32).

Le mot catarrhe est resté dans la langue littéraire de France; il ne paraît pas être très populaire dans les dialectes, la carte 1155 de l'Atlas ne nous le montre qu'au Nord sur un territoire restreint et en un point des Alpes Maritimes (P. 899; C. 1815 << enrhumé », P. 899, enkàtàrà). Cependant il est cité par Mistral: catarri, désignant, outre le catarrhe, une maladie des agneaux qui se manifeste par des convulsions épileptiques. Il paraît que le terme est plus populaire au Nord de l'Italie : catar (Piémont), katarro (Abruzzes), cataro (Parenzo); de même qu'en Espagne et en Portugal: esp. catarro, estar acatarrado; teni kətaro (Manacor, Baléares); port. catarrheira, gros rhume'.

En ancien français, nous trouvons à côté de la forme savante catarrhe une forme mi-savante catherre (Godefroy, t. IX, 8; X, 575).

Il semble qu'en France ces deux formes aient donné lieu à une différenciation de sens. En anc. fr., le mot catherre a pris la valeur d'apoplexie, cf. l'exemple de Commines cité par Godefroy: le mal du roi Charles VII fut un catherre ou apoplexie. Nous avons encore en lorrain lo kàtèr (La Poutroie) = apoplexie'1. Dans quelques dialectes de l'Ouest, le sens du mot s'est encore élargi; nous avons à côté de katār (Gloss. de Pléchâtel), un katér' (Dottin, Gloss. des parl. du Bas-Maine) non seulement dans le sens de, rhume', mais aussi dans celui de, maladie quelconque, convulsions des enfants'; c'est aussi le cas pour caterre dans l'Orne.

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En outre, il existe au Nord, avec changement de la finale : katerne (Saint-Pol), caterne (Meuse, Cordier), caterneux, en mauvais état, ruineux, peu solide' (même sens en piém. catar malaticcio cagionevole, maladif, invalide' (Zalli); angev.; fille catarrheuse, fille disposée à la débauche ', VerrierOnillon). Il est remarquable qu'en catalan on trouve une désinence analogue: cadarn, subst. et encadarnat, adj. (Manresa).

3. gutta:

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gutta, catarrhus, fluxio' de Du Cange est encore un terme très vague. En ancien français l'emploi de goutte s'est fort étendu; on a donné ce nom à plusieurs phénomènes de nature tout à fait différente (voir sous ce rapport les remarques instructives de M. Ebeling dans son édition de l'Auberée). Paré connaît encore le sens plus général, quand il parle du vocable de goute': aucuns l'appellent descente, rhume ou catarre, parce que le nom de goute est odieux principalement

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1 Cf. katerlo, apoplexie' en frib. (-erlo <*-erno ?).

2 Je ne saurais décider si le mot cierne, catarrhe' (dans l'Antidotaire Nicolas (éd. P. Dorvaux), que M. Thomas dérive de cier =catarrhus [?] (Rom. XXV, 351) a le même suffixe; voir plus loin chifèrn.

aux jeunes gens (Littré 2. goutte [Hist.]). Il est probable que cette aversion de la jeune génération s'explique par l'emploi de goutte comme désignation de maladie vénérienne (cf. aujourd'hui: goutte militaire = blénorrhagie chronique) et c'est sans doute la raison pourquoi nous ne trouvons plus « goutte » sur la carte rhume' de l'Atlas; de là s'explique que goutte dans la langue littéraire est resté arthritis (cf. Godefroy, t. IX, 712a).

4. fluxus, fluxionem, etc. :

=

Le mot fluxus s'est conservé dans le français littéraire (flux catarrhal, flux de ventre, etc.); fluns fluxion, cité par Bouquet (vol. XXIII 51, 9) dérive de * flumine (prov. flums, anc. fr. flum de ventre); fluxus n'apparaît pas dans le sens de ̧rhume' dans les patois de France; mais on en trouve de nombreuses déformations désignant la dysenterie, etc.: fru de sang, fruit à Montbéliard, flus de ventre (Mistral), même flûte (voir plus loin) aura existé; nous avons encore flåter = foirer dans l'Est. Fluxionem est resté populaire sur un vaste territoire: flukchon (Suisse), fuksyon (Saint-Pol), flussioun, flissioun (Provence), flussion (Piémont).

L'influenza a passé également dans la terminologie populaire; nous rencontrons: fluenza, grippe' (Arette) avec aphérèse. Il semble que l'étymologie populaire (en imitant le son de fluenza?) ait créé: flute [membre viril] en bas influenza (Verrier-Onillon), qui, à son tour, a produit: flûte en l'air (ibid.).

La filanza, nom répandu en Anjou (à Brion et à Luigné, d'après Verrier-Onillon), nous semble être en rapport avec les filandaines, ces fils d'araignées qu'on voit tendus sur l'herbe en automne. Elles passent pour donner la toux aux bestiaux.

5. φλέγμα :

Par le changement du sens (flegma, ce qui brûle', inflammation, humidité muqueuse), ce mot touche à un problème très intéressant de la sémasiologie grecque; il nous arrive sous la

forme flume, fleume en anc. fr.; Mistral nous donne fleumièro, flumièro pour rhume de cerveau'; à Castres on a enflaoumà

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enchifrené' (Couzinié).

6. κόρυζα :

Ce mot, désignant originairement le mucus sécrété par la membrane muqueuse du nez, apparaît dans les écrits des médecins latins (Thes. ling. lat. IV, 1082, 28). Les deux exemples qu'en donne Du Cange (II, 566), tirés de Papias et d'Isidore, confirment que le coryza' est regardé comme une humeur descendant de la tête et causant une inflammation dans les fosses nasales. Le terme s'est maintenu sur un grand territoire en Italie, en Espagne (korisà, Manresa, esp. coriza, it. corizza), il est resté mot savant en France.

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Nous voyons par ces expressions savantes combien prédomine l'idée qu'il s'agit de courants d'humeurs montant et descendant dans les voies intérieures du corps. Nous constaterons quelle valeur ces idées possèdent aussi dans la formation des expressions populaires.

A côté de la conception que le rhume est un écoulement de viscosité muqueuse se trouve cette autre que le mal provient d'une accumulation de matière dans les voies nasales. Epiphora, à ce qu'il semble, n'a pas laissé de traces; l'it. gravedine continue le terme savant latin. Le mot le plus répandu paraît être : 7. constipationem :

Tandis qu'en France ce terme est plutôt employé pour l'obstruction des voies intestinales, le sens de rhume' s'est maintenu dans le piém. costipassion, l'esp. constipacion, le port. constipação.

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Si nous passons maintenant aux expressions populaires, nous sommes tout d'abord frappés de l'extrême richesse et de la variété des termes 1.

1 Nous passons sous silence les termes qui sont de purs emprunts comme chnoupe, rhume' dans les villages autour de Metz.

Le terme le plus vague paraît naître de l'idée que le malade

est inopinément, atteint' par le mal, sans localisation bien déterminée de ses effets:

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fr. grippe, lorr. grip, gripa (Suisse rom.), grīp (Saint-Pol), la gripa (Landes), roum. gripă.

v. être grippé, général dans la Suisse romande.

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abruzz. rappijje infreddatura'; arpresàte infreddato' (Finamore).

prinzure, rhume' (Alençon, Dubois), saisissure rh. du cerveau (sans indication de provenance).

ce qui nuit':

nouzement, refroidissement' (Castres, Couzinié), nousemen (Mistral).

embarras qui empêtre :

intoxicare, intoxicatu: étrè întoutscha (Ormont-dessus),

, enchifrené, s'étout'chi (Noiraigue, Neuch.).

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*increpinare, ainkrèvɔnā s'enrhumer', au Chenit (Vaud), dérivé de krèvona ̧épidémie, dépérissement, grippe' (comparez: korselà (Savoie),, tousser' et korsa, épidémie' propr. course').

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Une idée plus précise déjà attribue le rhume à un refroidissement'. Il y a d'abord l'intensité, le degré qui attire notre attention. Du léger froid qui nous menace, nous arrivons jusqu'à la terrible situation du malade dont le sang paraît être glacé.

le froid:

L'expression, le froid' (fré, etc.) est employée dans les îles normandes (Atlas, C. 1155, P. 399, 398), à l'extrême limite du Nord-Est de la Wallonie (P. 196, 193, 191), dans les Ardennes (P. 177). A l'Est, elle apparaît sous la forme agglutinée loufrè, fém. dans le Doubs (P. 41), frè (P. 42), frwa (P. 74 [Suisse]):

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