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a réimprimé avec quelques fautes d'impression le texte de M. Ritter dans le Centralblatt des schweizerischen Zofinger Vereins, mai 1913, p. 671. Il n'a visiblement pas utilisé le facsimilé publié en 1912 dans la Bibliographie linguistique de la Suisse romande, t. I, p. 163, pour accompagner la notice consacrée au placard Gruet (no 732).

Ce placard n'est pas intéressant seulement comme témoin des luttes religieuses de 1547, mais aussi comme document linguistique. C'est le second en date de nos textes en patois romand et le plus ancien qui soit conservé en original. Il ne le cède comme ancienneté qu'à un autre texte de Genève, la Chanfon de la complanta et desolafion dé paitré, qui doit être d'une quinzaine d'années antérieur, mais dont on ne possède que des copies du dix-septième siècle 1.

Le peu d'étendue du texte de 1547 restreint dans des limites étroites les renseignements qu'on en peut tirer sur l'état du dialecte de Genève au seizième siècle. Les quelques notes linguistiques qui suivent nous permettront cependant de constater pour les faits essentiels la concordance des patois genevois actuels avec celui de Gruet.

Phonétique. - a tonique libre conservé: enfuma, blama, garda, ta talem, etc. Palat. +ai: queysi quietiare. a final maintenu: persona, oura, ruyna, votra. Après palat. e: revenge, pregne.

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e fermé libre tonique-ey: avey, gardey, epey spero. Dans les patois modernes, la diphtongue s'est généralement réduite à è ou ä; elle subsiste cependant sporadiquement.

melius miot, forme encore courante.

o fermé libre tonique =ou: oura, prou, cetou. Cette notation est assez surprenante en regard de œu, ά, seuls connus des patois actuels. Les autres anciens textes genevois écrivent eu. La Chanfon a déjà preu. En revanche, plusieurs anciens textes savoyards, tels que la Farsa de Toannou dou Treu, le Discours

1 Voir Bibliographie linguistique de la Suisse romande, t. I, no 731.

sur l'entreprinse de Genève, la Plaisante pronostiquation, ont également ou. Il y a peut-être là une influence lyonnaise. o entravé reste: gro, Fribor.

locu= lua, encore usité dans la région.

A noter la graphie de l'o bref et ouvert par ot: miot, not, c'est sans doute aussi la brièveté qui est indiquée par le t

dans sut securu, mezuit, magis hodie.

Dans le domaine du consonantisme, l'f provenant d'un c primitif, caractéristique de la région savoyarde, est attestée dans panfar.

En revanche, la mouillure du groupe bl n'est pas indiquée : blama, dyablo, pas plus que la prononciation interdentale (§) qui a dû exister dans la terminaison de revenge.

nen pour en, dans nen pregne, est très répandu. Il n'y a pas lieu d'écrire n'en.

Morphologie. La plupart des formes verbales n'ont pas varié; ainsi les infin. enfuma, queysi; part. blama, endura; impér. garda, notta (2o pl.); fut. mouderi (2o pl.); condit. gagneria (2e pl.); ind. prés. vollin (1re pl.), vegnon (3o pl.); vot fade (2o pl.) est généralement remplacé aujourd'hui par vo fassi, mais la grammaire de Duret (p. 59) cite encore les deux formes. Les subj. pr. pregne et gardey (3e s.) sont archaïques. Le dernier est un reste de l'ancien subjonctif à terminaison accentuée, si répandu dans la Suisse romande. Il est encore fréquent dans les anciens textes genevois, par exemple dans la Conspiration de Compesières, où il a la terminaison -ay, -ai: lassay, cersai, str. 109, garday, 114, interrozay, 143, etc. Les passés définis saliete (2o pl.), fit (3o s.) sont des formes patoises peu sûres. Duret indique vo sallita (p. 49) et è fassè ou fè (p. 59). Quin dyablo signifie littéralement « quel diable »; ce pronom quin est généralement remplacé aujourd'hui par qualis.

La différence de terminaison entre le possessif to « tes» et le démonstratif cetou « ces » trouve son équivalent dans les formes modernes to et stæu ou stớ.

Lexique. - Enfuma « mettre en colère ». Le mot a été relevé de nos jours dans le Bas-Valais et les Alpes vaudoises; Bridel donne aussi einfouma « irrité, de mauvaise humeur. >>

Epey peut-être ». M. Ritter, suivant l'exemple de Galiffe, divise quepey du manuscrit en què pey et traduit par « que puis ». M. Fazy donne ta tua (sic), Quepey et escamote la traduction. Il n'existe pas, à notre connaissance, de. forme patoise pey signifiant « puis ». Il faut lire qu'épey et reconnaître le mot dérivé de spero, encore fort répandu dans les patois vaudois, fribourgeois et valaisans. Voir Bridel, épei; Odin, épăi, et, pour le valaisan èfi, Romania, XXV, p. 437.

Mezuit « désormais >> est l'ancien français maishui; le mot n'est plus usité et ne paraît pas indigène en patois.

J. JEANJAQUET.

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