Page images
PDF
EPUB

Wurm:

envornement, envournement (Jaubert), enchifrènement'.

le blaireau.

Le lorr. ètohuné (Saint-Nabord s. Remiremont) vient de tohhon (tasson).

On emploie en allemand quelquefois le mot: verdachst pour exprimer qu'on est somnolent ou engourdi. Toutefois il paraît singulier que le blaireau se soit égaré parmi les animaux infernaux; d'après le rôle qu'il joue dans la fable animale, le blaireau est une bête très innocente 1.

le chat:

avoir un chat dans la gorge (Verrier-Onillon); une chatonnée de rhume (ibid.).

la chèvre :

6

= être

du un sagai conduire une chèvre' (Artá, Mallorka) enrhumé ; cf. port. acabrunhado, fâché, verschnupft ’. Pourquoi a-t-on choisi des bêtes comme le blaireau, le chat, la chèvre pour caractériser un rhume'? Est-ce leur extérieur poilu qui a créé une analogie entre la peau animale et la gorge enflammée? En disant la chèvre' on aura pensé à la voix rauque de cette bête.

[ocr errors]

Ces remarques nous reconduisent à la question de la localisation qu'on donne au mal dans la terminologie populaire. Sur le siège du rhume, les idées des peuples ne sont pas bien nettes; tantôt on cherche le mal dans la tête, tantôt dans la gorge ou dans la poitrine.

la tête:

Outre l'expression, rhume de cerveau', qui apparaît dans les patois autant que dans la langue littéraire, nous rencontrons

1 Voir à ce sujet H. Class, Auffassung und Darstellung der Tierwelt im Roman de Renart, Tübinger Diss. 1910, p. 38, 77. Cependant le blaireau (lucifuga) paraît avoir des forces magiques; on sait que la graisse du blaireau a été très estimée dans la thérapie des anciens.

ronmo dè tita (Corsier, Vaud), rum d'lè tét (Pommerats, Berne); frey d'aou cervau (Vaulion); anfreidòr ant' la testa (Piémont).

Chose singulière, même la partie du corps où, d'après la croyance populaire, se forme le rhume, le cerveau est pris comme nom du mal: srevèy à Luppy (Lorraine), De là, nous parvenons peut-être à expliquer le mot chòbèr, attesté par M. Edmont dans l'Atlas (C. 1155, P. 460 [Ille et Vilaine]). Il y a un terme chaubard = nuque, derrière de la tête' dans l'Yonne cité par M. Zauner, Die roman. Namen d. Körperteile, p. 90 (v. les remarques de M. A. Thomas à l'occasion du mot champenois: chaubert, Rom. 39, 208); or, nuque et cerveau sont tout près l'un de l'autre ; il y a eu même confusion des deux: cervix (cerebrum) illius per aures descendebat, Vita S. Franc. de Paula (Du Cange, s. v. cervix); le sens de chòbèr, que nous trouvons encore dans l'Orne (chaubert, rhume' chez Du Méril) et à Alençon (Du Bois) pourrait donc avoir passé de, nuque' à cerveau' et de là à, rhume de cerveau'.

6

le nez:

Le germ. nif- a donné naissance à :

niɣlya, s'inniɣlyā, Sassel; niflya, s'inni flya, Vaugondry (Vaud), avé la nifia, La Brévine, avè la niffia, Noiraigue (Neuch.); niya, Prez v. Siviriez (Frib.); néfa, Mage; nefa, Lens (Valais); einniɣlèmein, s'einnixla, Pailly; s'einnicllia, Oron (Vaud); s'en'nifié, Noiraigue (Neuch.).

mouffle, museau' (v. Verrier-Onillon):

enmouflé, enrhumé ' à Moulins (d'après P. Duchon).

[blocks in formation]

subst. nareva, verb. s'änarava, Leysin (Vaud); einnariflyā, Savigny; ènarizá, Montherond; s'ennariclia, Vaulion; s'unnarichlid, Penthalaz; s'innərəflya, Corsier (Vaud); narizlya, Lessoc (Frib.)

nif-mouffle?

einoflyà, Haute-Savoie (Atlas C. 1815, P. 945); einouflà ibid. P. 967; einóflà, Savoie, P. 955, 933, 954.

bec:

sic. aviri lu mali bicchignu, per ischerno ad uomo che patisce corizza' (Traina).

gorge:

6

roum. guturáïu; mold. gutunár, de gutturalium' (Tiktin); fr. engorgé, prov. engargassa (à Castres).

poitrine:

*impectoratura?

inpetrouire rhume en général' Salvan (Valais). *pectoraria?

port. peitoreira.

avai l'estoma plyein dé glyeirò, avoir un rhume profond, non encore bien déclaré' Pailly (Vaud), où estoma signifie poitrine.

S'il y a erreur sur le siège du mal, nous ne serons pas surpris de voir qu'on se trompe absolument sur le caractère de la maladie elle-même. De là de nombreuses méprises qui font que des noms de maladies, au fond tout à fait différentes, se mettent à la place du, rhume'.

enrouement:

raucu-.

s'enreutchenay (Pleigne); s'inroutschi (Ormont-dessus et environs); s'inroutsi, Vallorbe (Vaud).

asthme:

bæutsèyè, avoir la respiration gênée' cf. bautsopoussif, asthmatique' (butso, asthmatique' L. Odin, Gloss. de Blonay), de là:

subst. eimbœutsuire, Vollèges (Valais),, rhume de cerveau'. enflure, apostème :

Il paraît que l'on a eu l'idée que l'enflure du nez, etc., accompagnant le rhume, provient d'une sorte de tumeur à l'intérieur du crâne. Comme la phtisie a été regardée comme étant causée par un abcès dans les poumons (Gloses: fitisis,

ulceratio pulmonum vel toracis; la potume du poumon, Ms. de l'Ec. sup. de Pharm. de Paris, No 1.32), la matière découlant des fosses nasales est produite par un abcès du cerveau. Pour ne pas entrer dans trop de détails, je ne citerai qu'un exemple qui nous montre la popularité de cette idée. Nous lisons dans un des nombreux manuscrits de Barthelémy l'Anglais (Bibl. Nat. Ms. Fr. 9141, Fol. 116гo: « Le IIIe chapitre parle des propriétés de la Rume du chief, les physiciens appellent ceste maladie cachaste [autre ms: catharre] (116vo). Il est contenu au VIIIe chapitre du livre de astronomie que dieu fiert et bat aucune fois les personnes de forcenerie et de folie ...forcenerie a ce propos est appellee frenaisie de la quelle dit constantin que frenaisie est une apostume qui est entre les peaulx du ceruel.» Quoique nous n'ayons pas encore une idée très claire sur les rapports qui peuvent exister entre les maladies du cerveau et le rhume, nous sommes frappés de voir traiter les ulcères du cerveau au chapitre du rhume. Et si nous trouvons des expressions comme le felon de chief de home, qui fait enfler' (Recettes, ed. Rob. Reinsch, Herrigs Arch. 64 [1880] p. 171), il ne nous paraît pas impossible d'y voir le rhume de cerveau. Mais passons aux termes patois qui rappellent l'idée d'une tumeur.

apostème':

subst. pòtayma Lourtier, potayma Vollèges (Valais); subst. eimpotœumuire Vollèges (Valais); s'einpotœumà à côté de : s'eimpotauma s'enchifrener' Vollèges, impótòmó, enchifrené Lourtier.

6

petœfe' (cf. pévüblya, etc., L. Odin, Gloss. d. Blonay, pessubla, pétublla Bridel)=, vessie'; subst. petafe, rhume de cerveau' La Posse (Bex); poteuɣla Gryon (Vaud); s'inpǝteuɣla s'enchifrener' Gryon (Vaud); s'inpètoclia prendre un rhume de cerveau' Trient (Valais).

il est enfle il a la fluxion' (Neuchâtel).

toux, rhume' (v. plus haut):

Atlas C. 1155, P. 482, 493 [Côtes du Nord], P. 397 [Norm. Inf.], P. 198, 194 [Wallonie], P. 70, 71, 60, 989 [Suisse].

Ajoutons encore deux termes des extrêmes périphéries de la Romania, où nous constatons également une confusion de maux divers.

‚ migraine':

arab. schaqi-qah. (Diez 498).

enxaquêta(=enxaqueca) en Algarve, enrhumé' R. Lus. IV,335.

angine :

6

macéd. sinaxe, rhume' du néogrec: σváxɩ, ce qui est dans le grec classique: συνάγχη (κυνάγχη) Entzundung der inneren Muskeln des Schlundes' (cf. zyxw, zusammenschnüren'). Nous trouvons déjà dans les Gloses du 10 s.: sinancis i. inflatio faucium cum tumore, quinance sinance cause (C. Gl. L. III. 596).

6

En considérant dans leur ensemble les expressions que le peuple a adoptées pour le rhume, nous sommes frappés par l'analogie qu'elles présentent avec le développement d'une série parallèle.

Nous avons trouvé pour enchifrènement au Centre le mot envornement, envournement (Jaubert). Le, wurm', qui a fait son entrée dans le groupe des noms du rhume, s'est introduit de même dans l'onomastique d'une autre maladie présentant également des symptômes d'empêchement: la gourme.

[ocr errors]

La gourme' est une inflammation de la membrane pituitaire, qui se manifeste soit par l'écoulement d'un mucus blanc par les narines, soit par un abcès volumineux sous la ganache (voir Littré, Dict. de méd. s. v. gourme). Cette maladie est caractérisée par des gonflements des glandes du cou, des abcès au cou et autour de la bouche et par l'écoulement d'une matière suppurante sortant des abcès. Le gonflement des gan. glions lymphatiques accompagnant la maladie a fait naître des rapprochements curieux dans la terminologie populaire; les

« PreviousContinue »