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pinzon pigeon », zerba « gerbe », etc. La comparaison de notre texte avec celui des deux autres éditions décrites plus haut ne nous a fait constater que des variantes insignifiantes. On a affaire à de simples réimpressions, qui sont entre elles dans la plus étroite dépendance. Nous avons signalé dans les notes les quelques divergences des éditions A et C, sans enregistrer toutefois de simples différences dans l'emploi arbitraire des majuscules ou des accents. Nous avons aussi utilisé les manuscrits Bétant, J. Humbert et DuBois-Melly, mais nous n'en avons mentionné qu'exceptionnellement les variantes, ces copies remontant sûrement à des imprimés tels que ceux que nous avons eus sous les yeux et offrant, par conséquent, peu d'intérêt pour la critique du texte.

La musique est empruntée au manuscrit Bétant1, p. 40-42, que nous avons reproduit sans modification. Il faut probablement suppléer en tête un si bémol comme indication de la tonalité. La faute de mesure de la cinquième ligne (4° mesure) est dans l'original.

Outre le volume déjà cité de Franklin sur les Cris de Paris, les ouvrages auxquels nous renvoyons sans cesse dans les notes sont les suivants :

J. Humbert, Nouveau glossaire genevois. Genève 1852, 2 vol. Alexis François, Les provincialismes suisses-romands et savoyards de Jean-Jacques Rousseau, dans les Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, t. III (1907), p. 1-67.

J. Blavignac, L'emprô genevois. 2o édition. Genève 1875. A. Constantin et J. Désormaux, Dictionnaire savoyard. Paris et Annecy 1902.

F. Fenouillet, Monographie du patois savoyard. Annecy 1903.

1 Ce manuscrit, de 44 p. in-4o oblong, avec lacune de 22 à 27, ne porte ni nom ni date. L'écriture et le papier semblent indiquer la fin du XVIIIe siècle plutôt que le commencement du XIXe, auquel l'attribue M. Désormaux. Outre les Cris de Genève, on y trouve le Cé qu'è laino, couplets 1-61, avec musique notée, et diverses autres chansons d'Escalade en français, la plupart également avec mélodie.

A. Constantin et P. Gave, Flore populaire de la Savoie. ire partie. Annecy 1908.

Les formes patoises d'Hermance ont été relevées par nous dans cette localité genevoise.

Les Cris de GENÈVE, mis en CHANSON;

Sur l'Air de l'Aimable Vainqueur.

3 4

Ra clia se me - na; La - fé san

é - cra

- ma; Vo

li vo

ran fai - na, On quar - ti de tie- vra Fa- ra bon

bouil-lon, Voli vo ran pran - drẻ, Yè bon et

tan - dro,

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Raclia Semena;

Lafe fan écrama;
Voli-vo ran Faina,
On quarti de Tiévra,
5 Fara bon bouillon,
Voli-vo ran prandrè.
Yè bon & tandro
Pregni kaqueran;
E Rave &é Tiu;
10 L'ou Pia de Bu,

Pané Patenaillè,
E Sapé de paillè;
A mou bon ognons
E Pia de Meuton;
15 A la Frecaffia;
Bouléte farcia,

A mon bo Cardon;
Noga, Noga,

La viva à la viva,

20 E bellè Fara.

I.

Racle cheminée (ramoneur)!

Lait non écrémé!

Ne voulez-vous rien, femme ?
Un quartier de chèvre

5 Fera de bon bouillon;

Ne voulez-vous rien prendre?

Il est bon et tendre,
Prenez quelque chose!
Aux raves et aux choux !
10 Les pieds de bœuf!
Panais, carottes,

Aux chapeaux de paille!
A mes bons oignons!
Aux pieds de mouton!
15 A la fricassée !

Boulettes farcies!
A mon beau cardon!
Nougat! nougat !

Fretin au fretin!

20 Aux belles féras!

1. Le cri du ramoneur ne manque dans aucun des anciens Cris de Paris; voir Franklin, pp. 156-157 (avec reproduction d'une image du XVIe siècle), 172, 213, 216. Pour Genève, cf. Blavignac, p. 194.

6. Les trois éditions impriment Voli-von, simple erreur typographique. II. Le patois des environs de Genève emploie pane pour désigner le millet (Hermance; cf. Humbert, panet; Flore pop., no 745). Certaines régions de la Savoie appliquent aussi ce mot au mouron (Dict. sav., panë; Flore pop., no 1172), mais le fait que pané est joint ici à patenaille indique qu'il s'agit du panais, plante potagère (Pastinaca sativa, L. cf. Flore pop., no 740). Cf. « Panets, beaux panets, Beau cresson, carotte, carotte », Chanson des Cris de Paris, p. 219.

13. bos Ognon C.

15. Frecasia C.

17. Ici et dans quelques autres passages, où le pluriel paraîtrait plus naturel (p. ex. vers 45, 49, 101, 146), il serait facile de lire mou au lieu de mon, malgré l'accord des trois éditions.

17-20. Par suite d'une erreur d'interprétation de la disposition du texte dans le manuscrit Bétant, M. Désormaux a imprimé ces quatre vers en tête du 1er couplet. La même interversion des quatre derniers vers se reproduit pour les couplets 2 et 3.

19-20. C'est à tort que DuBois, suivi par Aus allen Gauen, p. XX,

[2.]

A mon Ventrè de Vé

E bon pia de vé; A ma bella braza Afeta ma paille 25 Arzan dé bounet; Liaffe d'Espargè E belle Remaffè Vegni à mé frai; E füa frai,

30 La Marmota envia; Vegni è Sèraffiè;

་་

2.

A mon ventre de veau !
Aux bons pieds de veau!
A ma belle braise !
Achetez ma paille !
25 Argent des bonnets!
Bottes d'asperges!

Aux beaux balais !

Venez à mes fraises!

Aux oeufs frais!

30 La marmotte en vie !
Venez aux séracées!

traduit « à la vive et belle féra ». E ne représente pas ici la conjonction <«<et», mais l'article ès « aux », comme l'indique la forme plurielle belle. Les vers 19 et 20 sont donc indépendants l'un de l'autre. Blavignac, p. 202, cite le cri: « A la vive! Aux belles férâs! » comme encore en usage de son temps parmi les poissonnières, mais il n'était plus compris et était souvent altéré en Lavivvôbell férás ou Labibobell ferds, à quoi les gamins ne manquaient pas d'ajouter: La pié bell'é ceva! Viva désigne la blanchaille, le menu fretin qu'on mange en friture; voir sur ce mot J. Jud, Les noms des poissons du lac Léman, dans le Bulletin du Glossaire, 1912, p. 34. Sur la féra, ibid., p. 23-27, et François, p. 38, où se trouve une abondante bibliographie. Rousseau a écrit: Je mangerois bien de cette ferra» (Nouvelle Héloïse, VI, 11). D'autres ont fait le mot masculin.

25. La formule arzan de... signifiant «achetez-moi... » revient encore aux vers 36, 83, 90 et 109. Elle se retrouve dans la Chanson des Cris de Paris de 1572: «< Argent de mes gros ballets »; «argent du fin trébuchet », éd. Franklin, p. 219.

28. Fai A.

29. Esia C. Il faut naturellement entendre: es üa. Cf. dans la Chanson: « Beaux oeufs frais », p. 216, et dans Truquet: «J'ay des œufz frais », etc., p. 194.

31. Notre texte distingue entre sérassia « séracée» et sairay « sérac »> (vers 52), qui désignent deux choses différentes. « Sérac » (ou ses équivalents dialectaux) est répandu dans toute la Suisse romande comme nom du fromage blanc, de nature particulière, qu'on tire du petit lait restant après qu'on a extrait le premier fromage. « Séracée » paraît, en revanche, particulier aux parlers de la région savoyarde et jurassienne. Le mot figure dans quelques dictionnaires français, grâce au fait qu'il a été employé par J. J. Rousseau dans la Nouvelle Héloïse, IV, 10: «La Fanchon me servit des grus, de la céracée, des gaufres, des écrelets». Cf. François, p. 40. Rousseau explique en note: << Laitages

E bo Ravounets;
Haran Soret

A mon fai de Boi:
35 A mon bon Zenaivro
Arzan de mé Coëfè
Vegni u Mourguet ;
Dé Bas, dé Bas;

E Seudelet to fo,

40 Vegni è bon Cara.

Aux beaux radis !
Hareng saur!

A ma charge de bois !
35 A mon bon genièvre !

Argent de mes coiffes!
Venez au muguet !

Des bas, des bas!

Aux chaudeaux tout chauds! 40 Venez aux bons «< carrés »>!

excellens qui se font sur la montagne de Salève. Je doute qu'ils soient connus sous ce nom au Jura. » Les définitions des lexicographes modernes ne sont pas très précises, ni concordantes: Humbert traduit par << Caillebotte, lait caillé dont on a séparé le petit lait et qui fait masse», et Littré reproduit cette définition sous « séracée », après avoir traduit simplement par « sorte de laitage » sous «< céracée ». Le Dict. sav. explique seracha par « petit lait avec lequel on fait un fromage mou et maigre, appelé seré en patois et sérac en français local », et Fenouillet par « lait caillé et préparé d'une certaine façon ». Nous croyons plus exacte dans sa brièveté la définition de M. J. Hubschmied, qui a relevé sèrasya au Val-de-Travers et l'explique par « seré non pressé ». Ce qui nous paraît en effet assuré, c'est que la « séracée » est une masse caséeuse fraîche, pouvant être assaisonnée de différentes manières et destinée à être mangée immédiatement, tandis que le «< sérac » est pressé et salé pour être conservé. Cela ressort aussi de l'exemple relevé par M. François (p. 43, sous gru) dans un acte de 1708 : « L'amodiateur [du pâturage] doit livrer tous les vendredis une séracée à raison de 3 sols. Blavignac, p. 198, mentionne comme toujours existant le cri «< Aux séraces ! » Mais les « séraces» semblent être encore autre chose que les «séracées ». D'après le Glossaire de Duret, on appelle sérâça des grumeaux de « caillé très doux » provenant d'un second barattage du babeurre. Cf. l'Atlas ling. de la France, carte 1605, points 815 et 869, où sèras signifie « lait de beurre ». Enfin Bridel donne serasset, s. m. << grumeaux de lait caillé très délicats (La Côte). » 37. Mourget C.

་་

39. «Chaudelet, chaudeau, boisson chaude composée de lait, d'oeufs et d'eau de fleur d'oranger qu'on donne aux femmes lorsqu'elles viennent d'accoucher ». Humbert. Il faut croire que l'usage de cette boisson réconfortante était plus général au XVIIIe siècle.

40. Nous n'avons pas retrouvé dans le patois actuel l'explication du mot cara. DuBois pense qu'il s'agit d'une sorte de balance, dite à Genève « levreau » ou «quarré », ce qui est bien peu probable. On pourrait plutôt penser à une pâtisserie de forme carrée. A Arzier (Jura vaudois), karrā désigne aussi une motte de beurre.

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