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D'où résulte un déficit de 10.821 livres par an, ordinairement couvert par des dons du roi et des princes.

En outre, la même déclaration contient l'état des locations existant en juin 1790, et l'on y remarque:

L'ancien hôtel de Verrue, puis d'Armagnac, occupé par l'évêque d'Arras, moyennant un loyer de 6.100 livres;

La maison contiguë, prise autrefois comme annexe par Mme de Verrue, occupée par la marquise de Dreux, moyennant 1.200 livres; l'habitation de Mme de Montmirail dans la cour d'entrée du couvent, louée moyennant 3.100 livres ; Celle de Mme de Gouzeville, louée 2.400 livres ;

Celles de Mme de Soisy et de Mme de Beaumont, louées chacune 1.200 livres, et autres locations moins importantes, variant de 800 à 250 livres.

Comme on le voit, jusqu'alors, le couvent a conservé ses locataires et son aspect habituel. Cependant les choses s'aggravent car l'État veut s'approprier les biens des congrégations. Le 11 septembre 1790, des commissaires pénètrent d'autorité dans le monastère, procèdent au récolement des valeurs déclarées le 22 juin, vérifient l'exactitude de l'état des locations, puis font comparaître devant eux les vingt-deux religieuses présentes, dont treize professes et neuf converses, et les interpellent pour savoir si elles n'ont pas le désir de reprendre leur liberté. Les vingtdeux Bénédictines déclarent vouloir rester en communauté et continuer leur vie religieuse. Mais, ajoutent-elles, si l'État s'empare de leurs biens, elles seront sans ressources pour vivre, et elles réclament pour chacune une pension alimentaire de 800 livres. En attendant, on les laisse provisoirement demeurer dans leur couvent, et percevoir quelques loyers ou pensions, pendant que l'Administration du Domaine national fait étudier un

projet de lotissement pour tirer le meilleur parti possible du vaste terrain de Notre-Dame-de-Consolation. En novembre 1790, les experts commis par le Domaine font l'estimation de chacune des maisons (1), puis proposent la division de cette propriété en six ou sept lots, et, pour les mettre en valeur, le percement d'une rue au beau milieu, sur l'emplacement de l'église. Néanmoins, le 26 novembre 1790, on voit encore les religieuses adresser à M. d'Hautefort une lettre de rappel pour lui réclamer le payement de la pension de sa fille. Cette situation de fait se prolonge durant toute l'année 1791, si bien que les 23 janvier, 28 mars et 3 mai 1792 les vingt-deux religieuses restées dans le couvent payent encore leurs impositions et leur quote-part de la contribution patriotique.

Mais, en juillet 1792, les sections jacobines du quartier dénoncent sans doute les Bénédictines, et exigent leur expulsion. La Prieure, Louise Bourgeois, et ses religieuses sont donc chassées de leur vieux monastère. Elles avaient pour unique serviteur, depuis trente-cinq ans, un brave homme, nommé Étienne Milet qui est expulsé en même temps, et se trouve sans ressources. Elles lui donnent le certificat suivant pour qu'il obtienne quelque secours (2):

J

Nous, soussignées, ci-devant Religieuses du Chasse-Midy certifions que le citoyen Étienne Milet a servi très fidèlement notre ci-devant communauté pendant trente-cinq ans en qualité de domestique, logé, nourri et gagé de 100 livres par an, qu'il est resté jusqu'au jour de la suppression du couvent, et qu'il a été payé de ses gages jusqu'au mois de juillet dernier et qu'il n'a aujourd'hui aucune autre ressource pour vivre que celle qu'il espère de votre justice.

(1) Arch. nat., Q2 118.
(2) Arch. nat., S. 4.591.

A Paris, ce 16 novembre 1792, l'an 1er de la République

française.

(Signé) Louise BOURGEOIS, Prieure du Chasse-Midy, M. C. M. FORMAGER, Secrétaire du Chapitre, Marie VINCENT, Économe,

A. BEAURAIN, Sacristine,

Etc...

Le « Chasse-Midy » avait cessé d'exister. On voulut en effacer jusqu'au souvenir en détruisant les inscriptions gravées sur les murs de la chapelle et sur les tombes des anciennes Prieures. Le citoyen Scellier, sculpteur-marbrier, fut chargé, par ordre du Département, de procéder à ce travail, par << des tailles faites à la gradine et à la boucharde (au ciseau et au marteau) dans la salle du Chapitre sur six tombes en pierre de liais, dans l'avant-choeur sur trois autres, dans le sanctuaire sur une seule » (peut-être était-ce celle de la fondatrice illustre, Marie de Rohan?). Certaines sculptures ou inscriptions étaient, parait-il, difficiles à atteindre. Il fallut, pour y arriver, dresser un échafaudage pour lequel le citoyen Basin, charpentier, réclama 1.450 livres 13 sols 4 deniers (1).

Cependant l'Administration du Domaine ne tirait pas grand profit de son acquisition. Une seule des anciennes. locataires des Religieuses semblait être restée dans les dépendances du couvent, c'était la vieille demoiselle de Gouzeville, retirée là depuis 1778 et dont on retrouve mention jusqu'en 1807. Les autres avaient disparu et les vastes locaux devenus vacants n'étaient occupés que par de petits artisans, un marchand de vin, deux tailleurs, un receveur des loteries, un ancien cuisinier, la plupart d'une solva

(1) Arch. nat., F13 968, nos 471 et 531.

bilité douteuse (1). Parmi eux on remarque un artiste, Charles Lepeintre, de l'Académie de Saint-Luc, dont un tableau, exposé au Salon de 1774, avait valu à l'auteur le titre de peintre du duc de Chartres. En mai 1794, le pauvre homme, logé au couvent du Cherche-Midi, était appelé devant le commissaire pour une Note de tailleur de 66 livres.

Ainsi se terminait l'histoire non pas de la Communauté, qui avait cessé d'exister depuis 1792, mais du monastère qu'elle avait occupé pendant un siècle et demi.

En 1796, le Domaine mettait définitivement en vente les six lots formés de l'ancienne propriété des Religieuses.

DEUXIÈME PÉRIODE

(Ire partie)

No 23, 25, 25 bis (anciennement nos 107 à 114, puis 791 et 792, puis 23, 23 bis, 23ter, 23 quater).

Jean Duchesne. - Marquise de Bourbonne veuve Chartraire. - Quenedey. Pierre Albert. - Mme Reydet.

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Royer. Mme Catineau-Laroche. — Au

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MM. Poupard père et fils. Luminais.

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Auguste

Le projet formé dès 1790 pour mettre en valeur les terrains de fond de l'ancien couvent avait été adopté. Il

(1) Arch. de la Seine. Enregistrement-Décès; et Registre du commissaire de police de la Section du Luxembourg pour l'année 1793 (Coll. pers.).

fallait percer une rue leur donnant un accès commode et une façade avantageuse. En conséquence, parmi les six lots mis en vente, il y en eut un, très grand, d'une superficie de 3 arpents 22 perches, auquel fut imposée la condition de l'ouverture d'une rue de douze mètres de largeur passant sur l'emplacement de la chapelle pour se diriger en droite ligne vers la rue de Vaugirard. Ce grand lot fut adjugé le 15 brumaire an V (5 novembre 1796) (1), moyennant 54.000 francs, au sieur Jean Duchesne, maître menuisier, que nous avons déjà vu acquérir plusieurs immeubles de l'autre côté de la rue du Cherche-Midi. Il s'empressa d'ouvrir la voie nouvelle qui sépara en deux parties les terrains du couvent, et le laissa possesseur de plusieurs lots en façade à droite et à gauche. Mais on va voir que presque toute la première moitié du domaine des Religieuses à gauche de la rue d'Assas, devait revenir finalement à un seul propriétaire.

Un premier lot (no 23 actuel) comprenait l'ancienne porte du couvent avec le bâtiment à gauche de la cour d'entrée occupé, moyennant un loyer de 3.100 livres, par Mme de Montmirail jusqu'au moment où elle s'enfuit à l'étranger. Il fut estimé par les experts 55.000 livres et adjugé le 24 vendémiaire an VI (15 octobre 1797) moyennant 400.000 livres (en assignats) à Mme veuve Chartraire, cidevant marquise de Bourbonne, dont nous avons dit l'histoire et le curieux procès à propos de la maison portant le no 14. Se croyant sans doute en 1797 assurée de rentrer en possession de sa fortune, elle dut acheter l'hôtel confortablement installé par Mme de Montmirail pour en faire sa propre habitation, mais elle le revendit, peu d'années

(1) Arch. de la Seine. Sommier foncier. Biens nationaux.

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