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D'après la miniature du Cabinet de M. le Praron J. Pichon

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maitresse reconnue du prince, partageant avec lui les honneurs souverains comme les soucis du pouvoir, tandis que l'épouse légitime, fille du duc d'Orléans, restait à l'écart. Amédée de Savoie était d'humeur bizarre et changeante, tantôt jaloux, sombre, violent, et avare, tantôt tendre, affectueux, et généreux à l'excès. Pendant dix ans elle eut sur lui une influence considérable, mais souffrit souvent des bizarreries de son caractère. En 1691 elle fut gravement malade, et partiellement défigurée par la petite vérole; néanmoins son amant continua de lui témoigner une affection excessive par ses accès de jalousie, au point de la séquestrer dans son palais. Peu à peu Jeanne de Verrue en arriva à désirer reprendre sa liberté, et, en 1699, elle résolut de s'enfuir en France. Elle s'en ouvrit à un de ses frères, le chevalier de Luynes, officier de marine attaché à l'escadre de Toulon, qui avait eu l'occasion de venir à Turin. Pendant plusieurs mois elle combina avec lui les préparatifs de son évasion, et fit passer secrètement en France la riche collection d'objets d'art qu'elle s'était formée en Italie grâce aux libéralités du prince. Enfin, le 4 octobre 1700, profitant de l'absence de Victor-Amédée présidant alors les États de Chambéry, elle décida son départ avec l'aide de son frère. Elle sortit en carrosse comme pour une simple promenade aux environs de la ville, quitta sa voiture et ses gens au coin d'une route, rejoignit rapidement à peu de distance son frère qui l'attendait avec un carrosse de voyage et s'enfuit avec lui en hâte par des chemins détournés. Puis, craignant d'être reconnue, dénoncée et poursuivie, elle se déguisa en cavalier et, galopant à franc étrier, gagna ainsi la frontière par le Mont-Cenis. Elle parvint sans encombre jusqu'à Grenoble où elle tomba malade pendant quelques

jours, épuisée de fatigue. En quittant Turin elle y avait laissé une lettre d'adieu pour le duc. Celui-ci prit galamment son parti. Le 16 octobre il écrivit à son ambassadeur en France de prier le roi « d'accorder protection à Mme de Verrue >> contre son mari et sa famille et, le 23 octobre, il demanda des nouvelles de la fugitive en lui envoyant un baguier qu'elle avait oublié. A la fin d'octobre elle passa d'abord au château de Dampierre pour demander asile à sa famille qui la reçut froidement, puis elle se retira au couvent de Poissy dont l'abbesse était une de ses parentes, mais elle n'y resta pas longtemps. Le comte de Verrue, qui avait quitté la Savoie aussitôt qu'il avait connu l'inconduite de sa femme, et avait pris du service en France, était animé des plus mauvaises intentions à l'égard de l'infidèle et voulait qu'elle fût sévèrement enfermée dans un couvent. Le prince de Soubise s'interposa, et la fit d'abord entrer chez les Filles du Saint-Sacrement de la rue Saint-Louis au Marais. Enfin, au commencement de 1701, avec l'assentiment de son mari, Jeanne de Verrue vint se réfugier non loin de l'hôtel de Luynes dans ce monastère du Cherche-Midi fondé par sa tante Marie-Éléonore de Rohan, et dont sa cousinegermaine Anne de Rohan-Soubise était sortie seulement en 1693 pour devenir abbesse de Chelles. Au mois d'avril 1701, une curieuse convention (1) fut signée par le comte de Verrue demeurant rue Saint-Dominique et sa femme demeurante au Cherche-Midi. Il y était constaté que les deux époux, loin de pouvoir se réconcilier, « étaient encore plus aigris qu'ils ne l'avaient été », et ne pouvaient

(1) Cette convention, découverte par M. de Léris aux Archives de l'État de Turin, a été publiée par lui dans son livre sur la comtesse de Verrue (p. 172).

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