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8 avril 1681. Elle fut inhumée dans la chapelle de ce monastère du Cherche-Midi qu'elle avait fondé, et, sur sa tombe, fut gravée une longue épitaphe composée par Pellisson pour glorifier les vertus de la défunte. Lors de l'anniversaire du décès, le prince de Soubise fit faire, le 11 avril 1682, en grande pompe, un service solennel dans l'église du couvent. L'abbé Anselme, qui devait peu de temps après devenir prédicateur ordinaire du roi et membre de l'Académie des Inscriptions, prononça une oraison funèbre célébrant à son tour les éminentes qualités de l'abbesse. Enfin la Communauté institua, «< à perpétuité une grand'messe de Requiem à dire tous les trois mois en l'honneur de Mme de Rohan « qui avait fondé et établi ce monastère tant au spirituel qu'au temporel, par son crédit, sa piété et ses soins ».

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La Mère Françoise de Longaunay, déjà Prieure perpétuelle, succéda à Mme de Rohan. Puis, après elle, de 1695 à 1712, la Supérieure du couvent fut sa sœur Charlotte de Longaunay qui avait été d'abord maîtresse des novices.

Durant cette période de trente ans environ, quelques personnes de qualité nous sont signalées au ChasseMidi. En 1684, une certaine comtesse de Paimbrock nous est révélée par sa femme de chambre et son maître d'hôtel à propos d'un vol commis dans son logis au couvent (1). Vers 1689, parmi les jeunes pensionnaires, était la fille du marquis de Lassay, Marie-Adélaïde de Madaillan de Lesparre (2), qui, âgée de quinze ans, en 1690, épousa le comte de Coligny dont elle devint veuve en 1694. Un

(1) Arch. nat., Y. 10.723. Papiers du commissaire Bourdon. (2) Recueil de différentes choses, par le marquis de Lassay, t. II, p. 160.

peu plus tard, une fort jolie et riche orpheline y séjourna pendant une ou deux années, c'était Marie-Anne de la Trémoille, marquise de Royan. Elle demeurait en 1693 chez sa tante la duchesse de Bracciano (plus tard princesse des Ursins) en compagnie de sa cousine, Angélique de Cosnac, petite-nièce de l'archevêque d'Aix, elle aussi orpheline riche et jolie. Saint-Simon raconte que MTMe de Bracciano donnait de petits bals auxquels il allait fréquemment, et que des projets matrimoniaux avaient été ébauchés pour lui avec l'une des deux héritières (1). Mais, pour un motif que nous ignorons, la duchesse jugea à propos de séparer les deux jeunes filles; elle mit M1le de Cosnac au Panthemont, rue de Grenelle, et Mule de Royan, au Chasse-Midi (2). Elle disait pourtant de celle-ci : <«< Ma nièce est jolie et n'a pas l'esprit monacal (3). » Pour sortir du couvent, elle consentit en effet, à épouser PaulSigismond de Montmorency-Luxembourg, resté infirme par suite d'une grave blessure reçue à Nerwinde, mais honoré par le roi du titre de duc de Châtillon avec pairie héréditaire. Le mariage eut lieu le 6 mars 1696, et la jeune duchesse alla demeurer tout près de son couvent, dans l'hôtel de son époux (no 15 actuel), où nous l'avons déjà rencontrée.

A la fin de mars 1700, le marquis d'Hauterive mourut subitement dans des circonstances étranges rapportées ainsi par Saint-Simon (4).

Toute sa vie il fut galant, jusque dans sa vieillesse; il y a

(1) Mémoires de Saint-Simon avec Notes de M. de Boislisle, t. II, p. 260. (2) Mémoires de Daniel de Cosnac, t. II, p. 156.

(3) Lettre de la Princesse des Ursins à la duchesse Lanti, de Paris le 2 mars 1693. (Lettres inédites de la princesse des Ursins, publ. par Geffroy, p. 25).

(4) Mémoires de Saint-Simon, t. VII, p. 44.

lieu de juger qu'il en mourut: il se trouva fort mal après avoir mis une paire de gants, et mourut brusquement avec des symptômes qui persuadèrent qu'il avait été empoisonné. Il était mal avec sa femme depuis assez longtemps, qui vivait fort obscure.

Si le marquis mourait par suite d'une vengeance féminine, il n'était pas possible d'en soupçonner sa femme légitime, car, cinq ans auparavant, elle avait multiplié ses instances et ses démarches jusqu'auprès du roi pour obtenir la découverte et la punition de l'auteur d'un attentat analogue dont son mari avait failli déjà être victime. Mme d'Hauterive survécut d'ailleurs peu de temps, car elle mourut dans son hôtel de la rue du Cherche-Midi le II mai 1701, à l'âge de soixante-seize ans. Elle n'avait pas d'enfants, et avait, par testament, disposé de sa fortune surtout au profit d'œuvres charitables. Les Religieuses bénédictines qu'elle affectionnait n'avaient pas été oubliées par elle. La Communauté recueillit tout de suite les 10.000 livres qui lui avaient été promises, sur le produit de la vente des objets d'art accumulés dans l'hôtel, laquelle eut lieu le 28 juin suivant.

Les Religieuses se trouvaient, par ce décès, rentrer en possession de l'important immeuble loué à vie aux d'Hauterive, et transformé par eux en une élégante habitation avec une longue galerie admirablement disposée pour recevoir des tableaux et des curiosités. Cette installation dut séduire une femme ayant le goût des objets d'art, possédant déjà une collection importante et désireuse de l'agrandir la célèbre comtesse de Verrue, logée déjà au couvent à la suite d'aventures qu'il est intéressant de rappeler (1).

(1) Une histoire détaillée de la comtesse de Verrue a été publiée en

Jeanne-Baptiste-Geneviève d'Albert de Luynes, née à Paris le 18 janvier 1670, était une des nombreuses filles du duc de Luynes marié en deuxième noces avec Anne de Rohan, sœur de la fondatrice du Cherche-Midi, dont elle était par conséquent la nièce. Elle avait été élevée à Port-Royal ainsi que ses sœurs, et y avait contracté comme elles, écrivait plus tard Mme de Simiane, une telle austérité qu'emmenée à l'Opéra pour la première fois, elle « ne tourna jamais les yeux sur le spectacle (1) ». Mais elle était fort jolie et dotée de 150.000 livres par son père, si bien qu'à l'âge de treize ans, elle fut demandée en mariage par un jeune officier de bonne famille et dé belle tournure, Mainfroy-Jérôme de Scaglia comte de Verrue, âgé de vingt-deux ans. Il était connu à la cour où il avait même figuré dans un ballet, et était apparenté au prince de Condé qui se chargea de présenter sa demande au duc de Luynes.

Le mariage fut célébré à Saint-Sulpice le 25 août 1683, et les deux très jeunes époux partirent pour Turin, car le comte de Verrue, d'origine française par sa mère, était savoisien par son père, et colonel de dragons au service de la Savoie. Le ménage fut parfaitement uni pendant quatre ou cinq ans, malgré l'humeur sombre du mari et l'influence détestable de la belle-mère. Mais, vers 1688, le duc de Savoie Victor-Amédée II devint passionnément amoureux de la jolie Mme de Verrue. Après quelque temps de vertueuse résistance, la comtesse devint la

1881 par G. de Léris, avec de nombreux documents (1 vol. in-12 de 260 p.). Antérieurement, Alexandre Dumas en avait fait l'héroïne d'un roman médiocre et incomplet intitulé: La dame de volupté.

(1) Lettre de Mme de Simiane à d'Héricourt du 19 février 1757 (Lettres de Mme de Sévigné, de sa famille et de ses amis, t. XI, p. 273.

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