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LA RUE DU CHERCHE-MIDI

ET SES HABITANTS

(Suite.)

Nos 26 et 28 (anciennement n° 69-70, 286-287, 26-26 bis.)

Philippe Rochet.-Pierre Mareschal.- Léonard Laudouin. Thérèse Laudouin. — Claude De la Fontaine. Michel Duchesne. - Docteur Chappon.. Lerambert. M. et Mme Michaud et leurs descendants. - Pancrace Bessa. Malmain. Tardif.

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L'emplacement des trois maisons qui ont porté en dernier lieu les nos 26, 28 et 30, formait à l'origime une seule propriété appartenant, à la fin du xvie siècle, à un sieur Philippe Rochet mentionné dans le cueilleret de l'Abbaye dressé en avril 1595 (1). Un peu plus tard, ce propriétaire étant mort, le fermier du cens rectifiait son cueilleret, en ajoutant en renvoi maison aux hoirs ou ayants cause de Philippe Rochet. De 1628 à 1645, ceux-ci sont remplacés, peut-être en partie par Jehan Prevost, et plus sûrement par Pierre Mareschal, secrétaire du roi, qui figure de même en 1675 sur le Plan figuré de Claude Du

(1) Arch. nat. S. 3058.

Bairieu (1). En janvier 1689, le Rôle de répartition des taxes pour Saint-Sulpice (2) nous apprend que c'est la veuve de Messire Mareschal qui est devenue propriétaire des deux maisons contiguës édifiées peut-être par lui, et louées toutes deux à une veuve Legrand. Mais, peu de temps après, le 14 mai 1689, par contrat passé devant Le Vasseur, notaire, ladite dame Marie Langlois, veuve de Pierre Mareschal, vend ses deux maisons aux sieurs Léonard Laudouin maître-maçon, et Pasquier Dubois maître à danser, qui font conjointement cette acquisition. Puis, tout de suite, ceux-ci font procéder par experts à l'estimation de ces deux immeubles et à un partage signé devant le notaire Le Vasseur le 6 juillet 1689. Désormais Pasquier Dubois devient seul propriétaire de la maison du futur nos 30 dont nous aurons à voir l'histoire séparée, tandis que l'emplacement des futurs nos 26 et 28 reste en la possession de Léonard Laudouin. Ce second lot ne comporte pas deux maisons mais une seule, en laquelle s'installe, au premier étage, la famille Laudouin.

Les cueillerets de 1692 et 1696 mentionnent uniquement entre la maison de Claude Person que nous avons vue au no 24, et celle du maître de danse Pasquier Dubois, la maison appartenant à Léonard Laudouin (3). En outre, trois quittances de paiement du cens délivrées à ce dernier en 1709, 1716 et 1727, par le Receveur général de l'Abbaye puis par son fermier, et, la dernière, par le fondé de procuration du Cardinal de Bissy, portent la même désignation (4).

(1) Arch. nat. KK. 1015.

(2) Bibl. nat. mss. f. fr. 11.695.

(3) Arch. nat. S. 3062-3063.

(4) Coll. pers.

En 1728, Laudouin retiré des affaires, ne se disant plus maître-maçon, mais seulement bourgeois de Paris, se préoccupe, avec sa femme Marie Heurtault, d'assurer l'avenir de sa fille Marie-Thérèse, pour laquelle ils ont tous deux une affection particulière. Le 12 mars, par acte authentique passé devant le Prevost notaire (1), donation entre vifs, sous réserve d'usufruit, est faite par les époux Laudouin à leur fille, de la maison où ils demeurent ensemble rue des Vieilles-Tuileries (ancienne appellation) vis-à-vis le couvent du Cherche-Midi. La propriété ainsi donnée a une façade de onze toises ou environ, une porte cochère, deux corps de logis dont l'un sur la rue, l'autre en aile sur la cour avec petit jardin au bout de ladite aile, et un autre jardin plus grand. Le contrat relate soigneusement les origines de l'immeuble en mentionnant que les donateurs y ont fait d'importantes réparations et augmentations.

Six ans plus tard, le 24 décembre 1734, Marie-Thérèse Laudouin, en faisant sa déclaration de propriété au représentant de l'Abbaye, y mentionne à nouveau la donation de 1728 en vertu de laquelle elle est en possession (2). Deux années après, le 26 septembre 1736, le commissaire au Châtelet Charles est informé du décès de dame Marie Heurtault, veuve de Léonard Laudouin, et est requis de venir apposer les scellés à son domicile. La description sommaire de l'appartement où le commissaire constate le décès, révèle une assez luxueuse installation; on y remarque une pièce entièrement tendue de tapisseries anciennes en point de Hongrie, ainsi que les chaises et

(1) Minutes de Me G. Morel d'Arleux, notaire. (2) Arch. nat. S. 2859-60.

fauteuils, et de nombreux tableaux. Les héritiers qui se présentent sont, à côté de Marie-Thérèse, son frère Armand-René Laudouin, bourgeois de Paris, et MarieFrançoise Gobin, nièce de la défunte (1).

Dès lors, la pleine propriété de l'immeuble appartient à Marie-Thérèse Laudouin restée célibataire, qui continue d'y demeurer avec son frère et sa cousine et d'en garder soigneusement la gestion. En 1742, 1743 et 1753, c'est elle qui requiert le commissaire de venir constater le décès de divers locataires occupant des logements aux 3o et 4o étages de sa maison (2). Elle surveille même si attentivement les visites que peuvent recevoir ses locataires, que le 13 décembre 1742 une curieuse plainte est déposée contre elle par Messire Claude-Lazare de Maupin prêtre, docteur en théologie et prieur de Saint-Laurent en Lion, occupant un appartement au rez-de-chaussée. D'après le plaignant, deux dames très respectables, étant venues pour le voir alors qu'il était sorti, et étant restées à l'attendre, Mlle Laudouin heurte violemment à la porte de l'appartement, les injurie grossièrement disant qu'elle va les faire arrêter, et finalement les met dehors (3). Nous n'en savons pas davantage, mais on voit que la maison est sévèrement gardée par la propriétaire.

En 1758, Marie-Thérèse Laudouin mourut vieille fille, laissant sa fortune à des neveux. La maison fut mise en vente sur licitation et adjugée le 19 juillet à la dame Marie-Françoise Gobin, cohéritière, mariée en 1757 à Michel-Charles-Claude De la Fontaine, ancien valet de

(1) Arch. nat. Y. 10.753. Papiers du commissaire Charles.

(2) Arch. nat. Y. 10.756, 10.757 et 14.313. Papiers des commissaires Leblanc et Bouquigny.

(3) Arch. nat. Y. 10.756. Papiers du commissaire Leblanc.

chambre de la reine, puis du duc de Chevreuse (1). Ce personnage, veuf d'un premier mariage, et n'étant plus jeune, avait conservé, de son séjour à la Cour, certaines habitudes de grand seigneur. Ayant daigné accorder sa protection et ses faveurs à une jeune modiste de dixhuit ans, il trouva mauvais que celle-ci se plaignît d'être enceinte de lui et fit constater qu'elle admettait à son intimité d'autres amoureux et notamment un clerc d'huissier. Celui-ci protesta et menaça d'un procès M. De la Fontaine qui, hautement, chargea le commissaire de tancer d'importance le jeune audacieux (2). En même temps, M. De la Fontaine se montrait assidu à l'église, au point d'avoir été volé un jour à Saint-Sulpice où on lui avait enlevé sa montre et sa bourse (3).

De nombreux locataires nous sont connus dans la maison, mais sans offrir grand intérêt c'est un sieur Hamel ancien écuyer pensionné du duc de Chevreuse, occupant avec sa femme un appartement au premier étage sur la rue; la dame Massia, veuve d'Étienne Jourdan de Pellerin, médecin chimiste du roi occupant un appartement donnant sur le jardin; le baron de Taubenheim que nous avons rencontré au no 24, parent de la pseudoprincesse de Montbéliard; — un ancien cuisinier retraité, la veuve d'un gagne-denier, etc... (4) puis, en 1784,

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une demoiselle Bertier, Mme de Nermond et autres.

Les propriétaires avaient continué d'ailleurs de demeurer dans le principal appartement du premier étage occupé précédemment par les Laudouin. M. Claude De

(1) Minutes de Me Breuillaud, notaire.

(2) Arch. nat. Y. 13.786. Papiers du commissaire Thiot, 2 avril 1773. (3) Id. Y. 13.790. Papiers du commissaire Thiot, 2 mars 1775.

(4) Id. Y. 13.774, 13.775, 13.787, 14.328. Papiers des commissaires Thiot et Léger.

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