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NÉCROLOGIE

HONORÉ CHAMPION.

Honoré Champion, l'éditeur de tant de publications sur l'histoire parisienne et l'un des libraires les mieux pourvus en ouvrages anciens concernant le vieux Paris, est mort depuis la publication de notre dernier Bulletin.

Il avait été l'un des premiers à adhérer aux statuts de la Société historique du VIe arrondissement; c'est donc un ami des heures de début que nous perdons. C'était aussi une physionomie curieuse, entre toutes les particulières physionomies de libraires de cet arrondissement qui en compte tant. Né le 13 janvier 1846, Honoré Champion entra à treize ans à la librairie Dumoulin. En 1872, il s'installait à son compte au no 15 du quai Malaquais (petit hôtel de Bouillon), dans un local occupé auparavant par le libraire France. Celui-ci y avait vivoté (1) tout en surveillant certain garçonnet son fils, dont l'assiduité à l'étude ne le satisfaisait pas complètement. Cependant, et il s'en émerveillait, car l'enfant ne restait jamais inoccupé. C'est que, plus que l'enseignement du collège, les livres rares, les pièces curieuses entassées par le libraire France et à la lecture desquels son fils s'attardait, devaient influer sur l'auteur futur du Crime de Sylvestre Bonnard, du Lys rouge, de l'Orme du mail, de la Vie de Jeanne d'Arc.

Exproprié à l'occasion des agrandissements de l'École des

(1) Son domicile particulier était deux maisons plus loin, au no 19 actuel.

Sté Hque DU VI. 1912.

I I

Beaux-Arts qui engloba le petit hôtel de Bouillon et le bel hôtel de Chimay, Honoré Champion alla s'installer quai Voltaire, 9, dans un immeuble cher aux bibliophiles, puisqu'il a abrité deux célèbres bibliothèques celle de Mme de Chamillart et celle de M. de Mosbourg.

Mais le quai Malaquais devait reconquérir Honoré Champion, qui, profitant du départ d'un de ses confrères, y vint occuper, en 1905, l'une des boutiques du no 5. Il appartient ainsi complètement au VIe arrondissement, ayant magasin à deux pas de l'Institut et logis rue Jacob.

Et, bien indifférents aux aspects et aux physionomies caractéristiques de certains quartiers de Paris, de celui de la Monnaie notamment, auraient été ceux qui, passant par les rues Bonaparte, de Seine ou des Saints-Pères, n'auraient pas remarqué la personne de notre libraire, rendue un peu pesante par l'âge, le bien-être, mais éclairée par une physionomie souriante, haute en couleur, encadrée par des cheveux flottants. Derrière cette façade il y avait un homme adroit, très actif, connaissant admirablement son métier. Aussi sa librairie, doublée d'une maison d'édition aux doctes publications, était-elle devenue une des plus prospères de Paris.

Le nom de Champion ne périra pas du fait d'un décès survenu le 8 avril 1913. Les deux fils sont là pour affirmer, dans la librairie et l'érudition, la perpétuité de l'effort paternel; l'un, Édouard, prend la direction de la maison, tandis que l'autre, Pierre, l'historien de Charles d'Orléans, augmentera par des travaux personnels le renom familial.

Charles SAUNIER.

LOUIS LE ROUX, PEINTRE-GRAVEUR.

Robert Dumesnil décrit deux estampes intitulées, l'une, Proserpine enlevée par Pluton, l'autre, Bains (sic) de Diane, qui portent toutes deux cette inscription: Peint, inventé et gravé par L. Le Roux. A Paris, chez l'auteur, rue Saint-André des Arcs au coin de la rue Contrescarpe (rue Mazet).

Cet artiste, qui nous appartient par son domicile et qui éditait lui-même ses travaux, est resté profondément inconnu. Voici l'article du dictionnaire de Louis Auvray qui semble lui être applicable : « Leroux (Louis), peintre en miniature, né à Paris, agréé à l'Académie le 28 juin 1687, n'est pas devenu académicien. C'est là jusqu'à présent tout ce que nous avons trouvé sur cet artiste .»>< Cette notice plus que brève doit être complétée par celle que lui consacre Robert Dumesnil dans le 8° volume du Peintre-Graveur français; il décrit 26 pièces appartenant à Le Roux, dont 25 sont des paysages animés par des personnages mythologiques; la 26° est la reproduction d'une scène de la comédie La Foire de Bezons, que Dancourt venait de faire représenter à la Comédie française le 13 août 1695 avec un très grand succès. A cette date, Louis Le Roux n'habitait plus le quartier; il avait

transféré son domicile place aux Veaux, au bout du pont Marie, à l'image Sainte-Geneviève. Nous croyons en effet que les estampes mythologiques ont dû précéder celles qui rappelaient des événements contemporains et qui sont plus nombreuses que ne l'a dit Robert Dumesnil.

Nous trouvons, dans la Collection Henin, d'autres planches de notre artiste, inspirées par le théâtre : ainsi, La Baguette de Vulcain, sans doute une scène de la Comédie de Dancourt intitulée La baguette, non imprimée, représentée le 4 avril 1693; Les Vendanges de Suresnes, également de Dancourt, représentée le 15 octobre 1695.

Enfin Louis Le Roux n'a pas dédaigné de fixer sur le cuivre quelques menus faits de l'histoire. Le Vomitif des marchands de blé (?) 1695; L'Ambassadeur de Maroc dîne à Paris, servi par quatre esclaves, 6 février 1699; Réjouissance de MM. les Maîtres Passeurs qui ont tiré l'Oie sur la Rivière de Seine, au sujet de l'érection de la Statue équestre de Louis le Grand, en 1699, avec la représentation du feu d'artifice; Distribution du pain du roi au Louvre, 1709; Visite de l'ambassadeur de Perse aux Gobelins, 18 août 1715 (1); Mort de M. le prince de Conti, 4 mai 1727; La Naissance de Mesdames de France à Versailles, le 14 août 1727. La plupart de ces pièces, qui faisaient partie du fond de Fontette, sont aujourd'hui perdues.

Leroux ne manquait pas de talent. Le repos de Diane que j'ai sous les yeux indique un bon élève de Lebrun, déjà touché par la grâce du XVIIIe siècle. Le paysage lumineux, les personnages bien dessinés, ne décèlent un peintre de miniature. La pensée d'employer son talent

pa s

(1) Vente R. D. du 11 mars 1856.

à reproduire les scènes éphémères du théâtre et de la vie contemporaine, mérite d'être louée, et Le Roux, à ce point de vue, nous apparaît comme un précurseur de G. de Saint-Aubin, qui, lui aussi, a gravé une foire de Bezons.

Nous avons une double raison pour nous intéresser à cet artiste, omis par Béraldi, dans ses Graveurs du XVIIIe siècle: d'abord il était habitant du quartier, peutêtre même y était-il né; de plus, les scènes de comédie qu'il a reproduites ont été jouées sur le Théâtre français, pendant qu'il était établi dans la rue dite aujourd'hui rue de l'Ancienne-Comédie. On nous pardonnera donc d'avoir évoqué son souvenir.

F. HERBET.

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