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tant l'on s'attendait à le voir s'effondrer sur la place et l'on redoutait les plus graves accidents. Quelques minutes se passèrent ainsi. Enfin, nous vîmes arriver le concierge de la tour et le sonneur; ils venaient demander l'assistance de gardes mobiles pour les aider à faire descendre les insurgés, habitants de la rue des Canettes, qui s'acharnaient à déboulonner le télégraphe, prétendant qu'on en avait fait manœuvrer les bras pour demander du secours aux troupes ou aux gardes nationaux cantonnés sur la rive droite de la Seine. Le sergent, un vieux troupier, comprenant l'imminence du danger, prit immédiatement une. décision énergique : il donna l'ordre à la sentinelle de tirer dans la direction du sommet de la tour, et fit de même. Puis il accompagna le concierge et le sonneur avec quelques hommes. Le résultat prévu ne se fit pas attendre longtemps les coups de marteau cessèrent.

Dans le courant de la journée, je sus que les trois ou quatre insurgés avaient été amenés au poste, et que l'on attendait une patrouille pour les conduire à la prison de l'Abbaye où ils n'auraient pu être délivrés qu'en cas de retour offensif de leurs camarades.

Ce poste cessa d'exister en 1851 lorsque les sergents de ville furent réorganisés et qu'ils remplacèrent la troupe. Il fut transféré dans les locaux de la Mairie, à l'angle de la rue Mézières où il est encore...

Dans le courant des mois de mars et d'avril 1848, le peuple de Paris procéda à la plantation de nombreux arbres de la Liberté, sur les places publiques.

La place Saint-Sulpice eut aussi le sien, et par hasard j'assistai à son inauguration. Il y avait alors au no 6 de la rue du Petit-Lion une modeste institution, dirigée par M. Millet sergent-major de la compagnie dans laquelle mon

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père était garde; en raison de leurs rapports je fréquentais cet établissement; or, dans les derniers jours du mois d'avril, vers 4 heures, une personne du quartier, Mme Amaury, dont le mari était chocolatier, au no 3 de la rue de Tour(aujourd'hui maison Coiffier), vint chercher son fils et en même temps me ramena à la maison. A la sortie de l'école j'avais remarqué des ouvriers, une douzaine environ, portant sur leurs épaules un grand arbre. Chemin faisant j'entendis dire que c'était un arbre de la Liberté qu'ils avaient été chercher au bois de Vincennes pour le planter sur la place Saint-Sulpice.

En apprenant cette nouvelle plusieurs personnes manifestèrent l'intention d'aller voir ce qui se passait sur la place et je les accompagnai. Pour couper au plus court, on traversa l'église où quelques personnes se dirigeaient déjà vers le péristyle. A notre arrivée nous aperçûmes l'arbre de la Liberté déjà planté, à une dizaine de mètres, sur le terre-plein de la place, face au grand portail. Un groupe était là, composé des ouvriers, du curé de la paroisse, M. Collin, assisté du sacristain avec la croix, du bedeau et d'un enfant de chœur. Les ouvriers étaient tous tê:e découverte devant M. Collin, qui procéda à la bénédiction de l'arbre. Cet arbre était un peuplier, et il resta à cet endroit jusqu'aux premières années de l'Empire. Une fois la cérémonie accomplie nous regagnâmes notre domicile, en passant par la rue Palatine.

La place Saint-Sulpice d'alors n'avait pas la régularité qu'elle comporte aujourd'hui. La fontaine était encore entourée de planches, à cause de la mise en place des statues. La mairie actuelle était en construction et sa façade. commençait à s'élever sur la rue du Pot-de-fer, devenue rue Bonaparte. La maison, formant l'angle de cette rue

avec celle du Vieux-Colombier, n'était pas occupée au rez-de-chaussée par les magasins Biais, un marchand épicier était là, et y resta encore longtemps. Vis-à-vis s'élevait un important immeuble isolé sur ses quatre faces, dont l'une avait seule deux boutiques d'alimentation. Cet immeuble avait quelque chose de triste, il rétrécissait la rue et l'assombrissait; il fut démoli lors de l'installation définitive de la Mairie.

Tous les arbres de la Liberté n'eurent pas d'existence aussi calme que celui de la place Saint-Sulpice, et plus d'un eut une fin tragique. Tel celui planté rue Soufflot, au milieu de la chaussée, entre l'École de Droit et la Mairie du XII arrondissement. Dans la journée du 29 juin de l'artillerie ayant été amenée au bas de la rue, on canonna furieusement la façade du Panthéon, et un boulet le coupa net à quelques mètres de hauteur. D'autres criblèrent la grande porte en bronze, la défonçant, d'autres encore abatirent la grande statue qui occupait le fond de l'édifice.

Pendant tout le temps que dura la lutte finale, une véritable pluie de fer n'avait cesse de balayer la vaste place; la plupart des barreaux de la grille centrale étaient hachés et tordus, comme à la suite d'une violente explosion. Les larges marches de l'escalier n'existaient pour ainsi dire plus.

D'après les conversations que j'eus l'occasion d'entendre, un autre arbre de la Liberté se voyait sur le côté gauche de la place du Panthéon au droit de la rue d'Ulm, immédiatement après le transept.

C'était, autant que je m'en souviens, un acacia, datant disait-on de 1830. Il avait dû subir certains accidents; l'étendue de son feuillage n'étant pas en rapport avec

son tronc assez volumineux. Pendant toute la durée du second Empire, il est resté en cet endroit, n'apportant aucune gêne à la circulation de la population du quartier, qui, pour ses besoins journaliers, empruntait plutôt les rues Mouffetard, de l'Estrapade et des Fossés-SaintJacques. Il disparut peu après la guerre de 1870, par suite de vieillesse, ou peut-être bien parce que la Compagnie des omnibus, dont le bureau était placé au pied du grand réservoir des eaux de la Ville, prétexta avoir besoin d'un emplacement pour le relayage des chevaux qui remorquèrent pendant de si nombreuses années le légendaire omnibus Panthéon-Courcelles, remplacé il y a quelques jours seulement par le rapide mais trop bruyant autobus...

Y.-E. BARRÉ.

ANALYSE DE QUELQUES DOCUMENTS INTÉRESSANT LE VI ARRONDISSEMENT

Dans le fonds si varié des Domaines, aux Archives de la Seine, dont M. Lazard a fait l'Inventaire, j'ai trouvé plusieurs documents qui m'ont paru intéressants pour l'histoire du VI° arrondissement.

Le premier (137-3783), est relatif aux Petites Écoles de la rue des Aveugles. Ces petites écoles avaient été instituées au cours du xvin siècle, et correspondaient à peu près à nos écoles primaires.

Je pense qu'elles furent supprimées au début de la Révolution, soit par manque de fonds, soit par défaut de personnel enseignant. Les objets mobiliers qu'elles contenaient furent estimés le 2 Prairial an III par le citoyen. Daubanel, et transférés au « Dépôt national »>, maison La Guiche, 972, rue de Vaugirard.

Quelque temps après, le gardien des petites écoles étant mort sans héritiers, on transporta également au Dépôt du domaine son mobilier personnel.

Le 12 Fructidor an IV, l'agent des domaines, accompagné d'un greffier, et du citoyen Violette, demeurant rue du Vieux-Colombier, 751, commissaire désigné par la

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