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l'époque, en 1907, où ils furent expropriés presque entièrement pour le percement du boulevard Raspail. Le n° 31 a disparu complètement. Du no 29 il reste une petite maison d'encoignure, dont le rez-de-chaussée fort exigu est occupé par un marchand d'antiquités. Le premier étage, très peu élevé, a l'apparence d'un entresol, ce qui permet de croire que c'était là le logis où la marquise de Charry recevait le conventionnel Osselin, et dont le commissaire Stanley, perquisitionnant le 1er mai 1793, disait que le premier étage était «< plutôt un entresol ».

Au no 31, depuis la Révolution, peu de personnages marquants nous ont été signalés. On cite seulement en 1820, le capitaine Charbonnel, ingénieur géographe; — de 1820 à 1832, le docteur Nolette dont nous avons parlé à propos du no 2; en 1850, Jean Gauchard, graveur sur bois qui a exposé souvent au Salon; - et en 1857, Théodore Villenave, homme de lettres, frère de Mélanie Waldor, qui a publié de 1826 à 1847 de nombreuses poésies, et est mort en 1866.

P. FROMAGEOT.

(A suivre.)

sté Hque DU VI.

1912.

QUELQUES SOUVENIRS SUR L'ANCIEN

XIe ARRONDISSEMENT

Les travaux en cours d'exécution pour la construction du colossal échafaudage, nécessaire aux importantes réparations qui doivent être effectuées à la tour nord de l'église Saint-Sulpice, m'ont rappelé certains faits dont j'ai été témoin. Ils remontent à une époque déjà bien lointaine, à 1848, et tous, ou presque tous, se sont passés autour de ce monument ou de ses abords.

Au moment des journées de juin la maison d'angle des rues Saint-Sulpice et Mabillon, aujourd'hui occupée par un épicier, était loin d'avoir la même importance. Elle n'avait qu'un rez-de-chaussée, un premier étage, avec toiture en cône élevée et terminée par une lanterne fermée, sur ses quatre côtés, par de hautes persiennes. Elle était utilisée pour l'un des postes de police de l'arrondissement, d'ailleurs très peu nombreux, car personnellement je n'en n'ai pas connu d'autres, en dehors de celui de la prison de l'Ab baye et d'un troisième situé place Saint-André-des-Arts.

Les emplacements de ces deux derniers ont disparu, à la suite du percement du boulevard Saint-Germain et de la régularisation de la place Saint-André-des-Arts, lors de la construction de la fontaine Saint-Michel. En temps ordi

naire ils étaient desservis par des soldats de la troupe de ligne.

Celui de la Mairiè installée dans l'ancien Hôtel de Rieux 8, rue Garancière, était confié à la garde nationale. Pendant les journées de juin, le poste en question fut occupé par la garde mobile, dont un fort détachement était logé dans les communs du Luxembourg, 36, rue de Vaugirard, démoli récemment, en vue de nouvelles constructions, et les sous-sols des maisons portant les nos 15 et 17 de la rue Garancière, en face de la vieille fontaine de la princesse Palatine, qui était alimentée par les eaux de l'aqueduc d'Arcueil. Cette fontaine a été comprise dans la démolition précitée; elle doit être réinstallée à sa place primitive lors de la reconstruction des nouveaux bâtiments.

La raison de l'occupation de ce poste par la garde mobile provenait du fait que les gardes nationaux de la XIe Légion participaient aux combats meurtriers qui avaient lieu place Saint-Michel, rue de la Harpe, rue Soufflot et rues avoisinantes pour la prise du Panthéon, véritable camp retranché de l'insurrection.

Dès la seconde journée, un certain nombre d'insurgés ayant été faits prisonniers, furent provisoirement dirigés sur la caserne de la rue de Tournon, vide de troupes. Ils étaient enfermés dans les écuries du bâtiment donnant sur la rue Garancière, et une compagnie de la XI® Légion, dont mon père faisait partie, venait d'être désignée pour les garder. Le troisième jour leur nombre atteignit le chiffre de 800 à 900, et ils ne tardèrent pas alors à être dirigés vers la prison de la Force et le souterrain de la terrasse des Tuileries. J'assistai à leur départ et en conservai une profonde impression; - leur nombre devait être considérable, puisqu'ils occupaient toute la chaussée de la rue de

Tournon, passé même la rue Clément. Ils avaient les mains liées et étaient encadrés par des soldats.

La XI Légion, qui paya si largement son tribut dans ces sanglantes journées, avait pour colonel Boulay de la Meurthe, devenu plus tard vice-président de la République. Il habitait l'hôtel Kervessan au 58 de la rue de Vaugirard. Cet hôtel n'a subi depuis aucune notable modification, et son jardin possède toujours ses grands arbres. Le capitaine de la compagnie du quartier était M. Pigeon, négociant tenant un magasin de lingerie, au coin des rues de Tournon et Saint-Sulpice, occupé actuellement par l'orfèvre Robert-Degeresme, qui alors demeurait en face.

Mes parents avaient quitté le n° 4 de la rue Clément en 1845 maison où je suis né en 1841, pour venir habiter, 29, rue Saint-Sulpice. Le rez-de-chaussée de cette maison était déjà occupé par le magasin d'imagerie religieuse, ouvert cette année même par Mme veuve BouasseLebel. Un marchand de vin, à l'enseigne du roi David, ayant nom Doudeau, était installé dans la partie formant l'angle des rues Saint-Sulpice et Garancière.

Pendant le règne de Louis-Philippe, les boutiques du quartier étaient des plus modestes, avec leurs fermetures à volets séparés; celles des marchands de vin, bouchers et charcutiers étaient seulement protégées par de fortes grilles. Il y a trois ou quatre ans, il en existait encore une au coin des rues Clément et Monfaucon qui, en outre de sa grille, avait conservé des feuillages de vigne avec grappes de raisin, ainsi que des pigeons et des arcs et flêches. Une maison de rapport, en style plus ou moins moderne, a remplacé celle qui datait du xvi siècle.

La maison Bouasse-Lebel inaugura un magasin à large devanture avec glaces et montants en fonte de

fer; elle fut suivie dans cette nouvelle mode par PetitDigeon, marchand charcutier, rue Lobineau et rue Félibien. Cette dernière est restée à peu près telle qu'elle fut transformée vers 1852.

Le propriétaire du 29 de la rue Saint-Sulpice était M. Lefebure de Fourcy, professeur de mathématiques à la Sorbonne, dont la sévérité était légendaire à l'égard des candidats aux écoles Polytechnique et Saint-Cyr. Il habitait au 14 de la rue d'Enfer, dont toutes les maisons portant les nos pairs avaient le curieux privilège, comme celles du haut de la rue de Madame, d'avoir une sortie sur le jardin du Luxembourg.

Pendant les journées des 27, 28 et 29 juin, la vie ordinaire avait subi de profondes modifications, et si l'on vivait toujours dans l'intérieur des maisons, qui la plupart avaient de grandes cours, l'on passait aussi une certaine partie de la journée en dehors. Partout d'ailleurs on était occupé à faire de la charpie pour les blessés et on allait la déposer à la Mairie.

La chaussée de la rue Saint-Sulpice avait été dépavée pour élever des barricades à la jonction des rues de Seine et du Petit-Lion. Il n'y avait pour ainsi dire, comme habitants, que des vieillards, des femmes et des enfants. Et c'était à qui voulait avoir des nouvelles, car le canon et la fusillade ne cessaient de se faire entendre, surtout lorsqu'on se rapprochait de la rue de Tournon. Or, le matin du 28 juin, je vis un rassemblement très animé, devant la pâtisserie Robert (aujourd'hui Lamoureux) portant ses regards vers le haut de la tour du nord. En même temps on entendait, sans interruption, de violents coups de marteau provenant du sommet de cette tour, où était installé le télégraphe aérien de Chappe. A chaque ins

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