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La raison, l'enjoûment,
En elle tout sera charmant;
Une grâce divine
Toujours se mêlera
A ce qu'elle fera........ ah!

Tandis qu'elle est en peine,
Son voile est déja loin:
De le cacher l'Amour a soin.
Ce fut à Célimène

Que ce dieu l'apporta,
Et ce don lui resta.... ah!

D'abord de son enfance

Il orna le berceau,

Puis il fut mis dans son trousseau.
Vénus de cette offense

Tout de bon se fâcha,

Et l'Amour dénicha.... ah!

Sur les bords de la Seine

Le voyant s'envoler,
Sa mère eut beau le rappeler;

Auprès de Célimène
Lui-même il s'exila.

Il n'a bougé de là.... ah!

VERS

A M. B*** le jour de saint Michel sa fête.

Il fut un temps où le jour de ta fête,
Ami charmant, je priais saint Michel

POUR SA FÊTE.
De t'envoyer quelque jeune conquête,
Belle sans fard, simple comme Rachel.
S'il court, disais-je, après des infidèles,
Et si leur cœur lui voulait échapper,
Beau messager, prête-lui tes deux ailes
Pour les atteindre et les mieux attraper.
S'il rencontrait quelque fière tigresse,
Quelque démon qui ne sût que tenter,
Quelque dragon de vertu, de sagesse,
Enseigne-lui comme il faut le dompter.
Qu'il soit aimé, car c'est là la folie.
Qu'il soit trompé du moins sans le savoir.
Si par Églé, Constance ou Rosalie,
Il est quitté, car il faut tout prévoir;
Pour le sauver d'un cruel désespoir,
Fais qu'il en trouve une encor plus jolie.

Telle autrefois étoit mon oraison;
Mais j'ai changé de style, et pour raison.
Au ciel pour toi désormais je demande
Des plaisirs doux, tranquilles, innocents:
C'est ton verger que je lui recommande,
Tes bois touffus, tes espaliers naissants,
Tels sont les vœux que j'adresse à ton ange;
Ceux-là sont purs, généreux, sans mélange,
C'est pour toi seuls qu'ils lui sont adressés.
Mais en voici de plus intéressés :
C'est qu'au-delà des jours que je dois vivre,
Par la santé les tiens soient prolongés;
Qu'ils soient sereins, paisibles, dégagés
Des noirs soucis que j'ai vus te poursuivre ;
Que de ton cœur les ingrats soient exclus;
Que de ce cœur jamais rien ne m'efface;
Et, s'il se peut, que la première place
Y soit donnée à qui t'aime le plus.

ÉPITAPHE

DU MARÉCHAL DE SAX E.

A Courtrai Fabius, Annibal à Bruxelles,
Sur la Meuse Condé, Turenne sur le Rhin,
Au léopard farouche il imposa le frein,
Et de l'aigle rapide il abattit les ailes.

VERS

Écrits impromptu dans le pavillon du palais Bourbon. sur la table du cabinet.

AINSI Mars descendant du char de la victoire,
Dans les bras de Vénus respirait à Paphos.
C'est la loi du destin favorable aux héros,

Que pour eux les plaisirs soient le prix de la gloire :
Les arts doivent à leur repos

Le même soin qu'à leur mémoire.

VERS

A madame la marquise de M***, chez qui j'avais laissé

DEUX

ma canne.

aveugles vous sont connus.

L'un d'eux va sans bâton, c'est celui de Cythere;

Et qu'il suive M**, ou qu'il suive Vénus,
Il croit toujours suivre sa mère.

Mais quand il aurait ses deux yeux,
Il s'y tromperait encor mieux.
L'autre aveugle, c'est Bélisaire.

Il avait un bâton, qu'à son historien
Il a légué, n'ayant plus rien

Qu'il pût lui donner pour salaire.
Or son imprudent légataire

A laissé ce bâton au palais des plaisirs;
Et la perte n'est pas légère.

Mais comme il emportait des regrets, des désirs,
Le reste ne l'occupait guère.

L'AMOUR VENGÉ,

Vers à madame de M**

L'AMOUR plaisanté par les grâces

Pour un cœur qu'il avait manqué,
De leur mépris fut si piqué,

Qu'à l'instant il cessa de voler sur leurs traces.
J'ai partagé, dit-il, tous mes dons entre vous,
Mes regards, mon sourire, et mon tendre langage;
Mais de ces dons cessez de tirer avantage :

Je n'ai, pour vous punir, qu'à les rassembler tous.
De cette vengeance sévère

Quel fut le fruit? Tu vis le jour.
Églé, qut croirait que l'Amour
T'aurait fait naître en sa colère?

RÉPONSE

A une épigramme de Piron contre Bélisaire.

Le vieil auteur du cantique à P***,
Le cœur contrit s'en allait à la Trape
Pleurer les maux qu'il avait faits jadis.
Son directeur lui dit : Bon métromane,
C'est bien assez d'un plat De profundis (1).
Rassure-toi le bon Dieu ne condamne
Que des vers doux, faciles, arrondis,
Et faits pour plaire à ce monde profane.
Ce qui séduit, voilà ce qui nous damne.
Les rimeurs durs vont tous en paradis.

VERS

Écrits du château de L. T.

Nox, ne croyez pas que la vie
Soit si douce aux lieux où je suis.
On n'y connaît pas les ennuis;
Mais on y connaît bien l'envie!
C'est là le péché favori

(1) Piron venait de faire une paraphrase du De profundis, insérée

dans le Mercure.

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