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Du rivage de Vaucluse
Fit retentir les échos:

« O toi, qui plains le délire
Où Laure a plongé mes sens,
Rocher, qu'attendrit ma lyre,
Redis encor ses accents.

En répondant à mes plaintes,
Échos, vous avez appris

Quels sont les vœux et les craintes
D'un cœur tendre et bien épris.
N'oubliez pas ce langage;
Et si Laure quelquefois
Vient rêver sur ce rivage,
Imitez encor ma voix.

Dites-lui que de ses charmes
Tous mes sens sont occupés,
Dites-lui que de mes larmes
Tous mes vers seront trempés.
Ma voix ne chantera qu'elle,
Mon souvenir ne sera
Qu'un miroir toujours fidèle
Où l'amour me la peindra.

Dites-lui que son image
Me suivra dans le sommeil,
Et recevra pour hommage
Le soupir de mon réveil :
Que mon oreille attentive
Croira sans cesse écouter
Les airs que sa voix plaintive
Vous fit cent fois répéter.

Jurez-lui qu'en vain les grâces

Viendraient pour me consoler,
Que les amours sur mes traces
Loin d'elle auraient beau voler.
A leur troupe enchanteresse
Je dirais dans mes douleurs :
Rendez Laure à ma tendresse,
Ou laissez couler mes pleurs.

Insensible à tout loin d'elle,
Rien ne flatte mes désirs.
Je me croirais infidèle
De goûter quelques plaisirs.
Sur une rive étrangère,
Où le destin me conduit,
Une espérance légère

Est le seul bien qui me suit.

Mais si Laure m'est ravie,
Si je ne dois plus la voir,
Je perdrai bientôt la vie
Quand j'aurai perdu l'espoir.
Puisse la Parque appaisée
Me laisser, après ma mort,
Préférer à l'Élysée

Les ombrages de ce bord. »

LA BERGÈRE DES ALPES,

ROMANCE.

Sous ces gazons, depuis deux ans, repose

Mon seul appui, mon amant, mon époux.
De ses malheurs c'est moi qui fus la cause.

Je l'aimai trop; le ciel en fut jaloux.
De mille pleurs tous les jours je l'arrose;
Et ce sont là mes plaisirs les plus doux.

Quand ses drapeaux volaient à la victoire,
Je le retins dans ce fatal séjour.
C'est dans mes bras qu'il oublia sa gloire:
Pour s'en punir, il s'est privé du jour;
Et son trépas, présent à ma mémoire,
Expie en moi le crime de l'amour.

VERS

Imités d'une idylle de Kleist, poëte allemand.

ELLE fuit; un espace immense

Dérobe Thémire à mes yeux :
Ici même, ô cruelle absence!
Ici j'ai reçu ses adieux.

Viens-tu d'auprès d'elle, ô Zéphire?
Oui, sans doute, elle t'attirait.
Viens, approche, et que je respire
Le souffle qu'elle respirait.
Ruisseaux, sur les pas de Thémire
Coulez à flots précipités,
Et dites-lui que tout soupire
Dans les vallons qu'elle a quittés.
Dites-lui que de la prairie
Son absence a séché les fleurs,
Que des bois la feuille est flétrie,
Que je languis, que je me meurs.
Quel heureux vallon ma bergère

Mélanges.

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