Page images
PDF
EPUB

LA

BOUCLE DE CHEVEUX ENLEVÉE,

POËME DE POPE,

TRADUIT DE L'ANGLAIS.

CHANT PREMIER.

D'UNE jeune beauté je chante la colère,
Et les graves effets d'une offense légère.

Muse, adresse à Caril ces vers que je lui doi :
Bélinde les lira, c'en est assez pour moi;

Et la plus haute gloire où mon espoir s'étende,
C'est que l'une m'inspire et que l'autre m'entende.

O déesse, dis-moi, quel démon pétulant
Arma contre une belle un lord tendre et galánt.
Dis-moi par quelle force, encor plus inconnue,
Contre un lord amoureux elle fut soutenue.

Dans un simple mortel que de témérité!
Dans un cœur faible et doux que de sévérité!

Des rideaux le soleil colorant la surface,

Ouvre, en tremblant, des yeux dont la clarté l'efface;

[ocr errors]

Déja, midi sonnant, s'éveillent à demi
Des amants malheureux qui n'ont jamais dormi;
Des sonnettes au loin déja le bruit circule;
Trois fois sur le parquet le talon de la mule
Donne, à coups redoublés, le signal du réveil :
A ce bruit, secouant ses grelots de vermeil,
De sa niche en bâillant le petit chien déloge;
Et la montre répond au doigt qui l'interroge.

Bélinde est seule encore attachée au duvet:
Un sylphe complaisant voltige à son chevet;
Le songe du matin, qu'il a posté près d'elle,
En planant sur son front, l'effleure de son aile:
Bélinde à son côté croit voir un Adonis.

Moins brillants, dans un bal, sont nos jeunes marquis.
Elle rêve et rougit; un songe l'épouvante.
Mais le sylphe, approchant sa lèvre séduisante,
L'applique à son oreille, et lui tient ce discours.
« O toi, dont les attraits font naître mille amours,
Jeune et chaste beauté, sur qui veillent sans cesse
Mille habitants de l'air que ta gloire intéresse;
Si tout ce que l'on dit des sylphes, des lutins,
Frappa, dès le berceau, tes esprits enfantins,
Et jeta la frayeur dans ton ame craintive,
Prête à la voix d'un sylphe une oreille attentive;
Connais-toi, de ta gloire apprends à mieux jouir;
Et des biens d'ici-bas cesse de t'éblouir.
Il est des vérités qu'ignore le vulgaire;
Mais l'oeil de l'innocence en perce le mystère :
Un enfant les pénètre; et contre cet écueil
Un philosophe altier voit briser son orgueil.
Que, fier de sa raison, le rebelle incrédule
Traite ces vérités de fable ridicule,

La timide pudeur, la naïve beauté

Peut seule ouvrir les yeux à leur douce clarté.

D'esprits aériens un fidèle cortége,

Aux spectacles, au bal, t'entoure et te protége.
Pense à ces courtisans à te suivre assidus,

Et ton cercle de lords ne t'occupera plus.

Apprends que ces esprits furent jadis des femmes :
Le ciel, d'un corps plus pur a revêtu leurs ames.
A vos derniers soupirs vos goûts ne meurent pas.
La joueuse aime l'hombre au-delà du trépas:
La duchesse n'a plus ni carrosse, ni pages;
Mais elle suit des yeux de brillants équipages.
Votre esprit, que domine un ascendant vainqueur,
Va chercher l'élément qu'imitait votre cœur.
L'altière en salamandre est métamorphosée,
Et monte, avec le feu, vers la sphère embrasée;
Celle dont la douceur fit des amants heureux
Se glisse dans les flots, et serpente avec eux;
La prude est transformée en maligne gnomide;
La coquette, changée en légère sylphide,
Voltige dans les airs, sans se fixer jamais.

Vois cependant quels dons le destin nous a faits;
Nous pouvons, dégagés d'une chaîne mortelle,
Prendre à tous les instants une forme nouvelle,
Varier notre sexe, et combler les désirs
D'une beauté qui fuit les profanes plaisirs.
D'amoureux vainement une foule l'assiége;
De leurs soins assidus son sylphe rompt le piége.
Rien ne trompe son zèle et son activité :

Coups-d'œil le jour; le soir, et dans l'obscurité,

Petits mots dits tout bas n'ont pour elle aucun charme.

Si de l'occasion le péril nous alarme,

Si la danse l'anime, ou si de doux accents
Viennent trop agiter ou son ame ou ses sens,
A sa vertu son sylphe assure la victoire;

Et l'honneur, vain fantôme, en a toute la gloire.
Parmi vous, il en est que le ciel en courroux
Livre aux soins inquiets d'un vieux gnome jalouz,
On les voit s'admirer, d'elles-mêmes éprises.
Le gnome, d'un rival craignant les entreprises,
Les enivre d'orgueil, et de leurs courtisans
Il leur fait dédaigner les voeux et les présents.
Au séduisant éclat d'une noblesse altière,
A l'aspect de l'étoile ou de la jarretiere,
A l'approche d'un duc, à l'hommage d'un lord,
Le jaloux surveillant fait un nouvel effort,

D'autres gnomes, chargés d'un emploi moins stérile,
Président aux projets d'une coquette habile;

Ils dirigent les yeux d'une tendre beauté,
Donnent à ses regards un air de volupté,

Et quand, près d'un amant, son jeune cœur palpite.
Ils colorent son teint d'une rougeur subite.

De soins plus délicats un sylphe est occupé.
Tandis que le volgare imbecille et trompé
Prend pour l'égarement d'une nymphe timide
Les pas mysterieux du sylphe qui ia guide,
D'un dedale rempi d'amoureux et d'amours,
Il lui fait sans danger parcoure les detours.
¿que vine fablesue.

Ainsi, pour la guerr

D'un objet aussi van D

[ocr errors]

Quelle ingrate beate verrat prenent
Un present magnügte, sier molemmar.
Si d'un rival and latrane gire

N'arrêtait le transport de sa reunassanez.
Et prodigue a jinsi, en vattenw
Neffacat tout lecat on preser etwa
Du jeme Fora quele bane ar
Pourrait sans senter

[ocr errors]

Si près d'elle Damon ne se glissait soudain,

Et, pour la rassurer, ne lui serrait la main?

Tels sont les soins heureux dont un sylphe se pique :
Il conduit ses projets en sage politique;
Pour les femmes toujours attentif et zélé,
Il soutient à propos leur courage ébranlé;
Il combat un blondin par un brun qui l'efface;
à la taille et les airs et la grâce;

[ocr errors]

oppose

Par un faste rival un faste est balancé,

Et par d'autres plumets un plumet éclipsé.

Enfin tout ce qui peut vous séduire et vous plaire
Se trouve combattu par un charme contraire;
Et les faibles mortels nomment légèreté
L'effet prodigieux de notre habileté.

Moi, le chef vigilant de ta garde fidèle,
Je me nomme Ariel, et je te réponds d'elle.
Mais, hélas! dans les airs voyageant ce matin,
De cette heureuse étoile où brillait ton destin,
J'ai cru voir se ternir la clarté rayonnante.
Quelle est cette disgrâce imprévue, étonnante,
Que tu dois éprouver avant la fin du jour?
Je l'ignore; et, malgré les soins de mon amour,
Je ne sais ni par qui, ni quoi, ni quand, ni comme.
Prends garde à toi, crains tout, fuis l'approche de l'homme. »
A ces mots, de Bélinde excitant le réveil,
Mirine saute, aboie, et chasse le sommeil.

Un billet, s'il en faut croire la renommée,
Se présente d'abord à la nymphe alarmée.
Soupirs, chaines, ardeurs, tourments d'un cœur blessé,
Ne sont pas plutôt lus, le songe est effacé.
Alors quittant son lit, tranquille et rassurée,
Elle approche à pas lents d'une table sacrée.
Devant elle rangés, des vases de vermeil,
Des offrandes du luxe, y forment l'appareil.

« PreviousContinue »