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Avec leur brillant étalage,
Et mes coqs-d'inde sont l'image
De leurs pesants imitateurs.
De vos courtisans hypocrites
Mes chats me rappellent les tours;
Les renards, autres chatemites,
Se glissant dans mes basses-cours,
Me font penser à des jésuites.
Puis-je voir mes troupeaux bêlants,
Qu'un loup impunément dévore,
Sans songer à des conquérants

Qui sont beaucoup plus loups encore?

Lorsque les chantres du printemps
Réjouissent de leurs accents.

Mes jardins et mon toit rustique,
Lorsque mes sens en sont ravis,
On me soutient que leur musique
Cède aux bémols des Monsignis,
Qu'on chante à l'Opéra-comique.

Quel bruit chez le peuple helvétique!
B** arrive; on est surpris:
On croit voir Pallas ou Cypris,

Ou la reine des immortelles;

Mais chacun m'apprend qu'à Paris On en voit cent presque aussi belles.

Je lis cet éloge éloquent

Que Thomas a fait savamment
Des dames de Rome et d'Athène :
On me dit partez promptement,
Venez sur les bords de la Seine;
Et vous en direz tout autant
Avec moins d'esprit et de peine.

Ainsi, du monde détrompé

Tout m'en parle, tout m'y ramène : Serais-je un esclave échappé,

Qui porte encore un bout de chaîne? Non, je ne suis point faible assez Pour regretter des jours stériles, Perdus, bien plutôt que passés, Parmi tant d'erreurs inutiles.

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RÉPONSE.

DE MARMONTEL

A VOLTAIRE.

(1774.)

AINSI par vous tout s'embellit;

Ainsi tout s'anime et tout pense :
Divine et féconde influence

Du beau feu qui vous rajeunit!

Pour vous l'âge n'a point de glaces; Les fleurs sont de toute saison : Enfant, vous orniez la raison; Vieillard, vous couronnez les Grâces.

Quand vous parcourez vos hameaux,
La joie avec vous se promène,
Par-tout, dans votre heureux domaine,
Vos semblables sont vos égaux :
Le soin de soulager leur peine
Vous fait oublier tous vos maux;
Et pour mieux égayer la scène,
Vous observez vos animaux
Avec les yeux de La Fontaine.

Oui, le monde est tel à-peu-près
Que vous en tracez la peinture :

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Elle a de sublimes erreurs;

Et l'art n'a que de vains caprices.
Elle est si belle en ses horreurs !
Et l'art est si laid dans ses vices!
Croyez-moi, vos renards, vos loups,
Sont bien moins cruels que les nôtres;
Et nos chiens, soit dit entre nous,
Sont moins vigilants que les vôtres.

De La Ruette et de Clerval
Grétry fait briller le ramage;
Mais le rossignol, leur rival,
De leurs chansons vous dédommage.

Ne croyez pas tous les récits.
De Thomas, les traits adoucis,
Ont eux-mêmes flatté nos dames.
Près de N** il était assis

Lorsqu'il fit de si belles ames:
Sur la Vénus de Médicis

Il nous a peint toutes les femmes.

Des B***! ah! qu'il est loin

Le temps où l'on en comptait mille!
Notre pays, j'en suis témoin,
N'est plus en beautés si fertile.
On est plus jolie à-présent,
Et d'un minois plus séduisant
On a les piquantes finesses;
Mais du beau les temps sont passés.
De nymphes, il en est assez;
Mais nous n'avons plus de déesses.

Mélanges.

Cependant Paris doit avoir

Pour vous encore assez de charmes ;
Et quand Zaïre, sur le soir,
Le remplit de tendres alarmes,
Il vous serait doux de le voir
Applaudir et verser des larmes.
Ne dédaignez pas les honneurs
Que l'on décernait aux Corneilles;
Venez nos transports et nos pleurs
Sont un digne prix de vos veilles.

Ah! si j'approchais des grandeurs,
Je dirais bien que c'est dommage
Que vous n'adoriez qu'une image;
Qu'il est d'innocentes faveurs
Qu'on peut accorder à votre âge,
Et qu'on devrait changer l'usage
De baiser par ambassadeurs (1).

Mais si Paris, qui vous désire,
Vous demande aux dieux vainement,
J'aurai du moins, en vous aimant,
La douceur d'aller vous le dire.

Oui, j'irai les voir ces heureux
Qui peuplent les lieux où vous êtes;
J'irai vous bénir avec eux,

Et jouir du bien que vous faites.

Du flambeau de la vérité

J'irai ravir quelque étincelle,

Pour éclairer l'obscurité

(1) Une dame en faveur lui envoyait des baisers.

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