L'air retentit de ses cris; Et d'une armée intrépide, Qui croyait l'avoir pour guide, On ne voit que les débris.
Les plaines en sont couvertes; Et dans les mêmes sillons La mort étale les pertes De nos meilleurs bataillons. Fière, aux enfers elle envoie L'une ainsi que l'autre proie; Et d'un œil indifférent, Elle voit dans la poussière L'Anglais fermer la paupière Près du Français expirant.
De ce spectacle funeste Loin d'enivrer son orgueil, LOUIS, sensible et modeste, Fortune, y voit ton écueil. Il se souvient qu'il est homme : En gémissant il vous nomme, Guerriers qu'il laisse au tombeau; Et, consterné de sa gloire, Il accuse la victoire
Qui lui coûte un sang si beau.
O victoire! ô vaine idole! Les voilà donc ces autels, Où, d'âge en âge, on immole La jeune fleur des mortels! Est-ce pour plaire à des maîtres Que nos barbares ancêtres Nous ont transmis leur fureur; Et pour flatter quelques princes,
Qui remporta le prix de l'Académie Française en 1746.
Le sujet, donné par l'Académie, était : La gloire de Louis XIV perpétuée dans le roi son successeur.
La France dans nos jours tranquille et florissante, D'un joug qu'elle chérit, jadis impatiente, Fut prête à succomber sous sa propre valeur: Sa funeste vertu servait à son malheur. Le mérite jaloux, inquiet, indocile, Allumait les flambeaux de la guerre civile. Louis-le-Grand parut; les cœurs furent soumis. Il remit la balance et le glaive à Thémis. L'Europe, en l'admirant, craignit d'avoir un maître : Cette crainte annonçait qu'il méritait de l'être.
Il traina sur ses pas les peuples enchaînés, Et demanda la paix aux vaincus étonnés.
O paix heureuse paix! ton olivier fertile Vit fleurir les talents sous son ombre tranquille, L'abondance renaître, et les arts cultivés Dès leur premier essor à leur comble arrivés. Beau siècle! où réunit la nature féconde Les prodiges semés dans les âges du monde.
Mais des mains des mortels, ouvrages inconstants! Sur un cercle rapide entraînés par le temps,
Les empires, les arts, naissent, brillent, s'étendent, S'élèvent à leur terme, et bientôt redescendent. C'est ainsi que la mort du second des Césars Couvrit d'un voile sombre et le trône et les arts; Que sous Léon-le-Grand les muses rétablies Dans la tombe avec lui furent ensevelies.
De l'empire français quel sera donc le sort? Louis meurt; quel espoir nous reste après sa mort? Les lys que cultiva la main de ce monarque Vont-ils être abattus sous la faux de la parque ? Non, ils sont immortels, la tige des Bourbons, Florissante et féconde en dignes rejetons,
Sans cesse, en vieillissant, de rameaux se couronne, Prompte à les remplacer quand le temps les moissonne.
France, tourne les yeux sur ton maître nouveau; De son aïeul auguste, auprès de son berceau, Contemple le génie attentif et fidèle:
Il veille autour de lui, le couvre de son aile.
La vérité dès-lors commence à l'éclairer :
Temps heureux! où sans crainte elle ose se montrer. Bientôt soutenant seul le poids du diadême, Au destin de l'État il préside lui-même ;
Et, rival du héros dont il maintient les lois, Il est l'appui, l'exemple, et le vainqueur des rois. Comme lui, peu jaloux de la funeste gloire Que sur ses pas sanglants amène la victoire, L'aveugle ambition n'a point armé son bras: Juste, ami de la paix, content de ses États, Il veut les rendre heureux, et non pas les étendre. Je vous atteste tous, peuples qu'il sut défendre, Remparts qu'il renversa, trônes qu'il a donnés; Parlez, Belges soumis, Bataves consternés, Répondez, fiers Anglais, qu'irrite sa puissance.
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