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Dans le Bulletin du VI Arrondissement (1898, p. 122), M. Troubat a situé au n° 28 de la rue du Montparnasse, « l'hôtel du Silène, construit par le comte d'Orléans ».

Dès 1864, Lefeuve (t. IV, p. 726) parlait du « comte d'Orliane », qui avait dessiné l'hôtel lui-même. En 1891, Augé de Lassus (Amis des Monuments, t. IV, p. 14) attribuait l'hôtel à l'architecte Bernard Poyet, pour « le comte d'Orléans ». Enfin, en 1910, le marquis de Rochegude (V1o Arrondissement, p. 149), conciliant les deux versions, donnait comme auteur de l'hôtel le «< comte d'Orléans » lui-même.

Le noble comte ne figure dans aucun recueil nobiliaire, et pour cause. En se reportant au livre de Krafft et Ransonnette (Les plus belles maisons de Paris, pl. 19) et à la Description de Paris, de Legrand et Landon (rre édition 1806-1809, t. IV, p. 38), on aurait vu qu'il s'agissait de l'architecte Dorlian, qui construisit cette maison pour luimême, en 1777; elle fut dite plus tard « Folie-Dorlian». Dans leur 2o édition (1818, t. II. p. 221, 222), Legrand et Landon, qui donnent sur la même planche l'hôtel du peintre Callet (ou Calau), lequel était en face du précédent (au 23), et avait été construit, en 1775, par Poyet, ont interverti dans leur texte les titres des deux maisons : d'où l'erreur commise par Augé de Lassus sur l'architecte. En outre, dans cette même édition de 1818, « D'Orlian >>> est écrit avec une apostrophe: d'où peut-être l'anoblissement ultérieur de l'artiste.

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Plan général et élévation d'une maison Rue du Mont Parnasse.

L'hôtel présentait au centre un grand vestibule ouvert, auquel on accédait par un escalier de quelques marches, orné en façade de quatre colonnes ioniques et surmonté d'un large bas-relief. Une statue de faune, de grandeur nature, mangeant une grappe, occupait le centre d'où le nom d'hôtel du Silène. Au premier étage, le vestibule était orné de colonnes engagées, avec huit autres statues intercalées dans des niches. Les salons du rez-de-chaussée et le boudoir du premier étaient très joliment décorés. L'hôtel a été englobé dans le nouveau collège Stanislas.

* * *

Puisque nous sommes à cette extrémité du VIe Arrondissement, signalons une autre erreur commise sur une voie du voisinage.

Il existe, un peu à l'Est de la rue du Montparnasse, une petite rue de Chevreuse, allant de la rue N.-D.-desChamps au boulevard. Si les frères Lazare (Dictionnaire, 1844 et 1855) et Lock (Dictionnaire, 1855) ont la prudence de déclarer l'origine du nom inconnue, la Nomenclature officielle de 1881 disait : « Commencement du grand chemin de Chevreuse », et celle de 1911, plus explicite, annonce : « Très ancienne voie limitant le fief de l'abbaye Saint-Germain et qui conduisait à Vanves et à Issy. Il en est fait mention, en 1210, mais son origine est beaucoup plus ancienne; ce n'était encore qu'un chemin en 1672. Origine du nom : Autrefois le commencement du grand chemin de Chevreuse. » Enfin, en 1910, le marquis de Rochegude écrit (VI Arrondissement, p. 148) : « Ancien chemin mentionné dès 1210. La rue est située sur l'emplacement d'un ancien hôtel

de Chevreuse et Rohan-Guéménée », semblant ainsi donner au nom de Chevreuse un double motif et le fameux chemin de 1210, qui conduisait à Chevreuse, et un hôtel de cette famille.

J'ai vainement cherché sur quelle autorité se basait la Nomenclature officielle (1). Il existait bien, au XIe siècle, et sans doute au xi, un chemin de Vanves, ou d'Issy, prolongeant la rue de la Harpe et près duquel était situé le château de Vauvert, qui devint, en 1257, la maison parisienne des Chartreux (2). Mais ce chemin, au-delà de l'enclos, passait-il sur l'emplacement de l'actuelle rue de Chevreuse, ou, plus à l'Est, sur celui des rues Joseph Bara et Léopold Robert, qui sont dans l'exact prolongement de la rue de Vanves du XIV® arrondissement? Nous n'en savons absolument rien, car ce chemin ne figure sur aucun des plans que nous connaissons. En tout cas, il ne s'est jamais appelé « de Chevreuse », et la direction de la rue de Vanves (qui doit en être un reste), puis de la rue de Paris au-delà des fortifications, montre qu'il n'allait pas vers Chevreuse, mais vers Issy et Sèvres. La vieille route de Chevreuse passait par Châtillon, Bièvre et Gif, et s'embranchait sur la route d'Orléans, au croisement de l'actuelle rue d'Alésia. Or, cette vraie route de Chevreuse n'a jamais porté le nom de ce village, beaucoup trop éloigné et beaucoup trop insignifiant (1). C'était le « chemin de Châtillon », comme l'autre était le « chemin de Vanves »>, du nom du bourg le plus voisin de la capitale qu'ils

(1) Je ne suppose pas que ce soit sur le Dictionnaire de Pessard (1904), p. 338.

(2) Voir Marquis de Rochegude et M. Dumolin, Guide Pratique du Vieux Paris, édition 1923, p. 385 et croquis 56, page 509.

(3) Cf. Lebeuf, Edition 1883, III, 362 sq.

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