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demeurait rue des Mauvaises Paroles, près de la rue des Bourdonnais; l'autre, Jean Lasseré, Secrétaire des Finances de Mer le duc d'Orléans, habitait rue Baillet, paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois. Le même jour et par les mêmes notaires, un acte d'association fut dressé entre les deux preneurs, qui semblent surtout désireux de faire une opération avantageuse. On y voit que. Sibour avait versé seul le prix aux vendeurs, et que Lasseré promet de s'acquitter, avec les intérêts, avant six mois. Des neuf articles du contrat de société, deux traitent de l'achat et de son règlement, un autre du cas de partage. Les cinq suivants se rapportent à l'exploitation du terrain, soit qu'on le revende avec bénéfice, ou que l'on fasse bâtir ensemble pour louer ou céder les « logis » édifiés. Le neuvième et dernier mentionne qu'en cas de différend entre les associés on recourra à l'arbitrage d'un commis du sieur de Guénégaud. L'acte d'achat et le contrat furent passés à l'hôtel de Nevers. A ce moment, une seule maison est indiquée dans la rue celle que fait élever le sieur Esmery Giron ou Gillon, conseiller du Roi, contrôleur des dîmes du diocèse de Meaux; elle touche, du côté de la Seine, au terrain nouvellement vendu; il en sera encore question.

III. ACHAT PAR GUILLAUME MENGUY.

En marge du contrat d'association se trouve une quittance constatant que Lasseré avait acquitté sa dette dès juillet 1656, soit dans les six semaines; la société, d'ailleurs, devait durer peu.

Fait imprévu le 24 février 1657, par acte passé de

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vant Ogier et Le Vasseur (1), qui a gardé la minute, Lasseré vend, au prix coûtant, 14.416 livres tournois, - sa part de terrain. Le preneur est Guillaume Menguy, «<escuier, sieur des Tertres, Conseiller et Secrétaire du Roi, Maison et Couronne de France, et de ses finances, advocat ès conseils de Sa Majesté », demeurant rue du Cimetière et paroisse Saint-André-des-Arts. L'acte est passé chez Lasseré, qui demeure alors rue des Prouvaires, paroisse Saint-Eustache. Il est convenu que l'acquéreur recevra son emplacement suivant l'article 3 du contrat de société, qui prévoyait un tirage au sort. Mais le sieur Menguy, pressé d'entrer en possession, trouve devant lui un Sibour qui ne veut rien savoir, peut-être parce qu'il voyait l'affaire projetée prendre une tournure inattendue. Menguy avait fait transporter des matériaux de construction; Sibour les renvoie ainsi que les ouvriers. Trois sommations restent sans effet. Alors Menguy emploie les grands moyens, et l'huissier ordinaire des requêtes de l'hôtel du Roi est chargé d'instrumenter. Le 21 mars 1657, il se présente chez Sibour, où un valet de chambre le reçoit; puis chez Lasseré où c'est la servante. Tous deux promettent de remettre à leurs maîtres un exploit dans lequel il est dit : que Sibour est mis en demeure de constituer un expert pour effectuer le partage, et de payer sa part du mur de séparation; cela sous peine de dommages et intérêts; que Lasseré devra s'employer à appuyer son acquéreur. Celui-ci a fait valoir que « la saison est favorable pour bastir, que les ouvrages pressent, que le demandeur désire bastir une maison pour

(1) Il existe plusieurs Le Vasseur à cette époque; deux peuvent correspondre à ce nom, les titulaires actuels des études étant Me Fleury et M. Bisson.

son logement, qu'il y a mesme des ouvriers qui travaillent ». Le 8 avril, les maîtres des requêtes ordinaires de, l'hôtel du Roi rendaient une sentence ordonnant qu'on procédât au partage. Il eut lieu le 5 mai 1657, devant Delaballe (1) et Le Vasseur, qui a gardé la minute notaires. Étaient présents Sibour et Menguy, et les experts Jean Poullain, maître maçon à Paris, et François Levé, juré du Roi ès œuvres de maçonnerie. On toise le terrain, on le divise en deux par une droite joignant les milieux des façades. Après vérification et approbation, on tire au sort avec des billets de papier. Voyons plutôt le récit : « desquelz a esté escript premier lot du costé de la maison du sieur Gillon et lautre du costé des murs de la ville. Lesquelz deux billetz ont esté mis dans le chapeau de Louis de Bar, jeune enfant passant par la rue. Lesquelz ayant esté par lui remuez et esté donnez un au sieur Sibour et lautre au sieur des Tertres par le sort desquelz le premier lot, du costé du sieur Gillon est advenu au sieur Sibour, et le second du costé des murs de la ville au sieur des Tertres. Pour en jouir en chacun sa personne comme de choze lui appartenant. » Un acte fut aussitôt dressé, dans la maison Gillon. Guillaume Menguy, refusant toute association avec Sibour, et déclarant vouloir agir seul, à cause de tous les dépens et retards qu'il avait dû subir, y dit qu'il ne consentira à aucune servitude; l'arbitre désigné à l'article 9 dų contrat, alors présent, paraît lui avoir donné raison.

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On a quelques détails par une pièce datée du 5 mai 1659, relative au paiement des travaux; c'est un acte

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dressé par Debeauvais et Le Vasseur. D'après ce document, un devis et marché furent passés devant Dupuys (1) et Le Vasseur entre Guillaume Menguy et Jean Poullain, maître maçon, bourgeois de Paris, demeurant rue Phelippot, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, expert lors du partage pour la construction. Celui-ci a fait la plupart des travaux, mais a cédé son entreprise, le 21 décembre 1658, à Claude Nivert Laisné, maître maçon, rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Germain -l'Auxerrois. Le toisé fait pour le paiement de la bâtisse par un sieur Rondelet, secrétaire du Roi aux ouvrages de maçonnerie, a été reconnu inexact, et rectifié d'un commun accord; et le prix fixé à 25.000 livres tournois. Les acomptes déjà versés, se montent à 18.000 livres, le mode de règlement du solde est indiqué, et, à la fin, se trouvent les dernières quittances. Cette pièce parle de deux maisons, l'une rue Guénégaud, l'autre rue de Nevers (de ce côté, la sortie toujours existante porte maintenant le n° 16). On apprend, en outre, que les deux maisons voisines se construisent, puisqu'il est question de murs élevés par Menguy, et devenus mitoyens. Sibour avait dû vendre aussi son terrain, car l'un des voisins se nomme Passart, conseiller du Roi, maître ordinaire en sa chambre des comptes; l'autre est un sieur Subtil, auditeur en la chambre des comptes de Normandie (2). Enfin les entrepreneurs, après certains travaux dans le « cloaque maison, n'ont plus rien à exécuter, et demeurent seulement assujettis aux garanties d'usage.

(1) Me Bucaille, aujourd'hui.

(2) Un des plans dessinés par A.-G. Camus (1765), dont il sera parlé plus loin, et que MM. les membres de la Société Historique ont pu voir, le 14 décembre 1923, porte les noms des voisins sur les murs mitoyens: M. Jame, au no 15 actuel, au lieu de Passart.

M. Boudet, au n° 19 actuel, au lieu de Subtil.

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Ce qu'était l'immeuble sortant de leurs mains, nous ne le savons pas au juste; le plan dit de Turgot (1734) est peut-être le seul document qui donne une idée de la maison dans son premier siècle d'existence. La silhouette, d'ailleurs, se rapproche beaucoup de ce que nous voyons actuellement. La porte cochère se trouve juste au-dessus du a de « Guénégaud ». ». Les trois premiers étages sont complets, le quatrième a des mansardes. Parfois, se fiant à la disposition de l'escalier, certains ont cru que la construction primitive ne s'élevait que jusqu'au second. Nous n'avons trouvé aucune précision sur ce point. Seule, une phrase de l'acte de 1659, examiné ci-dessus, stipule que les voisins paieront leur part pour la dépense des murs << depuis les fondations jusqu'au comble; et l'on constate que ledit comble est sensiblement au même niveau dans les trois immeubles, ce qui démentirait l'opinion d'une surélévation après coup. Le premier acte mentionnant les étages date de 1745; l'état de lieux qui l'accompagnait a été perdu. La maison telle qu'elle y est décrite se présentait à peu près ainsi :

1o un bâtiment sur la rue Guénégaud, élevé de quatre étages sur le rez-de-chaussée;

2o un bâtiment sur la rue de Nevers, avec trois étages, sur rez-de-chaussée également;

3o une galerie en aile, du côté sud, joignant les deux corps principaux, et sous laquelle se trouvaient trois remises à carrosses et une écurie; on n'en indique pas la hauteur, mais sûrement, elle n'atteignait pas le quatrième étage.

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