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NOTES SUR L'HISTOIRE DE LA MAISON

SITUÉE 17, RUE GUÉNÉGAUD,

D'APRÈS LES ANCIENS TITRES DE PROPRIÉTÉ, ET QUELQUES

AUTRES DOCUMENTS.

AVANT-PROPOS.

Cette étude, qui avait été présentée l'année dernière, sous sa forme primitive, à la Société Historique du VIe arrondissement, doit son origine et tout le début de sa progression à une suite de hasards concordants. Disons simplement que le propriétaire actuel, notre parent, a bien voulu nous confier tout un dossier de vieux papiers; que la chance d'une conversation nous a fait identifier le possesseur le plus notable de cette maison, et rencontrer ses descendants. Par la suite, l'aide bienveillante de Messieurs Léo Mouton et Masson a permis de reprendre le travail et de le compléter. La curiosité, l'attrait des évocations, et le plaisir de pénétrer un peu dans la vie du passé ont fait le reste.

La principale source de renseignements utilisée a été la liasse de titres anciens, de 1656 à 1853. Malgré les pertes qui ont pu se produire, il existe dix chemises contenant en tout soixante et une pièces : actes de vente et d'achat, déclarations pour le cens, quittances, partages, un mémoire, un brouillon, des dessins, un état de lieux en 1816, des plans de travaux, et deux lettres. Un certain nombre de détails complémentaires proviennent de

recherches faites dans les bibliothèques, aux Archives Nationales principalement.

«

La maison en question ne présente pas, au premier coup d'œil, le caractère de vieille demeure qui pourrait frapper le passant; on remarque surtout qu'elle fait grand » à côté de ses voisines. C'est une bâtisse régulière, dont on voit quatre hauts étages, le dernier mansardé. Elle a cinq baies sur la façade. La première du côté de la Seine, au rez-de-chaussée, est la porte cochère. La quatrième est également une porte, d'allure vaguement monumentale, établie après coup pour donner accès dans le local qui se trouve derrière. Les détails pouvant marquer l'ancienneté sont ici peu nombreux; on le regrette moins, quand on s'aperçoit que chaque époque a laissé dans l'immeuble des transformations particulières, en sorte qu'il s'y trouve à la fois des vestiges de l'œuvre ancien, et une trace des modifications que les possesseurs successifs jugèrent bon d'y apporter.

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La rue Guénégaud a pour origine le lotissement à la suite duquel fut bâtie la maison qui nous occupe. On lui accorde généralement comme date de naissance 1641. A cette époque, en effet, la veuve de Charles de Gonzague, duc de Nevers, aurait obtenu des lettres patentes l'autorisant à vendre des matériaux et des terrains provenant de l'Hôtel de Nevers (1). Cette demeure et ses dépendances

(1) Dictionnaire des rues de Paris, par les frères Lazard (1855), p. 398.

s'étendaient, on le sait, sur l'emplacement du Grand Nesle. Ici les vieux papiers apportent une précision. Un acte du 5 juin 1656 (achat du terrain) indique que : par acte du 29 janvier 1646, passé devant Crespin (1) et Lemercier (2) notaires, Messire Henry de Guénégaud, seigneur de Plessis-Fresne, baron de Plancy et autres lieux, et haute et puissante dame Elisabeth de Choiseul, son épouse, et messire Hiérosme de Sanazard, représentant Charles de Gonzague second du nom, duc de Mantoue, d'autre part, les premiers s'étaient rendus acquéreurs de l'hôtel de Nevers et des jardins. Le 20 mai 1648, un contrat passé devant Saint-Waast (3) et Cousinet (4), entre les Guénégaud et François de Nerly comte de Valde représentant le duc de Mantoue, l'achat de 1646 fut ratifié. La rue n'existait alors qu'à peine, et voici ce qui nous l'apprend. Parmi les pièces se rapportant au XVIII° siècle figurent, sur une feuille volante, deux notes autographes d'Armand-Gaston Camus. Les premiers mots qu'on dira ici sur ce personnage seront pour invoquer son autorité comme archiviste. D'après les registres plumitifs de la Généralité de Paris, il indique :

1° - 3 avril 1647 enregistrement de lettres patentes de mars 1647, portant permission de loture au sieur de Guénégaud, à la charge d'alignement par le Bureau, et de laisser 30 pieds de large sur le rivage de la rivière, pour le tirage des bateaux (reg. 56, fol. 27).

2° 19 mars 1648: Itératives défenses de continuer à travailler à l'ouverture d'une rue sur le terrain de l'hôtel de Nevers, et ajournement personnel pour violence

(1) Aujourd'hui M. Salats.

(2) Aujourd'hui Me Chavane.

(3) Aujourd'hui Me Laurent (Aug.-Marie).

(4) Aujourd'hui M⚫ Houdart.

faite à l'huissier du bureau lors de la signification de ladite ordonnance (reg. 57, fol. 55).

Un autre habitant du quartier (1) Racine, nous a montré ce que cela rapportait de frapper un sergent, quand on s'appelait Chicaneau; il paraît que cela n'était pas gratuit non plus quand on était de Guénégaud. La rue en question apparaît pour la première fois sur le plan de Jacques Gomboust, en 1652; mais sans nom, ainsi que sa transversale, la rue de Mantoue, mentionnée sur des dessins antérieurs (1), et qu'on ne trouve plus sur le plan de Jouvin de Rochefort, en 1675. En 1652, le mur d'enceinte termine la rue Guénégaud au sud, et les jardins de Nevers la bordent à l'ouest.

II.

ACHAT DU TERRAIN A LA FAMILLE DE GUénégaud.

Par acte passé devant Ogier (2), qui a gardé la minute, et Debeauvais (3), le 6 juin 1656, eut lieu l'achat d'un terrain mesurant 15 toises sur la rue Guénégaud, et 14 toises 1/2 jusqu'à la rue de Nevers.

Cet emplacement, d'une superficie de 212 toises carrées 1/2, fut payé 28.832 livres tournois, à raison de 136 livres la toise carrée, ce qu'on peut évaluer en monnaie actuelle à 35 francs le mètre carré environ. C'est là que furent bâties les deux maisons portant maintenant les numéros 15 et 17. Il y eut deux acquéreurs, qui firent l'affaire en commun; l'un, Jean Sibour, conseiller secrétaire du Roi, Maison et Couronne de France,

(1) B. Nat. Estampes, Topographie de la France, Paris, VIe_Arr., 21 quartier. Va 261. Plan, signé Hébuterne, avec une note sur le Grand Nesle, avec la référence « St-Victor, tome III, p. 822 ».

(2) Aujourd'hui Me Père.

(3) Aujourd'hui M. Delestre.

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