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Paris formée par l'abbé Bossuet; puis, de 1889 à 1895, il établissait, selon une forme toute nouvelle, les catalogues de livres d'art ornemental, d'architecture et autres ouvrages rares et précieux qui formaient la riche et considérable bibliothèque de l'architecte Destailleur. En 1897, il dotait de notes érudites, le catalogue de l'importante collection de miniatures des xtre-xvi° siècles, formée par Pierre Gélis-Didot. L'année suivante il s'occupait du catalogue de livres consacrés à l'épigraphie et à l'archéologie en général, réunis par Edmond Le Blanc, de l'Académie des Inscriptions et BellesLettres. A l'issue de l'Exposition Universelle de 1900, il enrichissait le rapport officiel de la classe de la Librairie, dû à M. Lucien Layus, d'une nomenclature de tous les ouvrages anciens ayant figuré à l'exposition rétrospective du Livre. Entre temps, il collaborait activement à la rédaction des bulletins et répertoires de la librairie Damascène-Morgand (1888-1896). De 1897 à 1899, il fut chargé de préparer deux publications de grand luxe : le Paris dansant, de Georges Montorgueil, illustré de gravures imprimées en couleur d'après les aquarelles d'Adolphe Willette; les Amours de Psyché et de Cupidon, de La Fontaine, réimprimées dans l'esprit du XVIIIe siècle et enrichies de gravures en couleurs d'après les exquises compositions qu'avait exécutées Borel, vers la fin du règne de Louis XVI.

En 1901, à la demande du baron Georges d'Anthès de Heeckeren, Henri Masson se rendait en Alsace où il séjournait plusieurs mois, afin de mettre en ordre les archives du château de Soultz. Dans la suite (1913-1914), il devait aussi dresser sur titres originaux, une généalogie de la maison Le Tonnellier de Breteuil qui a donné sous l'ancien régime plusieurs hommes remarquables dans la magistrature et la diplomatie. De retour à Paris, au début de 1902, il entrait comme bibliothécaire-archiviste chez le baron de Bethmann, qui possédait l'une des plus riches, sinon la plus riche collection privée d'incunables, en même temps que de très importantes séries des XVIIe et XVIIe siècles, sur les BeauxArts et, en particulier, sur l'Architecture et l'Ornement. Henri Masson eut à classer, cataloguer, entretenir tous.

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ces monuments précieux et, notamment à les réinstaller dans un local construit exprès pour eux et répondant à toutes les exigences de la bibliothéconomie. Étant donné la situation du collectionneur qui recourait à lui, il semblait devoir trouver là une sorte de situation quasi définitive où il pourrait utiliser ses connaissances étendues en même temps qu'il aurait le plaisir de vivre parmi les plus rares monuments de l'imprimerie. Mais surtout, il se faisait une fête de pouvoir, dans l'établissement du catalogue dont il était chargé, utiliser tous les renseignements, toutes les observations que son érudition avait accumulés. Ce labeur, il ne l'interrompait que vers le soir, quand son riche patron, qui avait véritablement le goût des livres et possédait lui-même un savoir certain, venait passer une ou deux heures dans cette cité des livres. Alors les propos les plus curieux, les observations techniques les plus nouvelles étaient échangés.

Quand la guerre éclata, en 1914, le catalogue critique préparé avec tant de science et d'amour par Henri Masson était prêt à être imprimé. Les événements douloureux que la France allait traverser firent ajourner cette réalisation, puis, le possesseur de ces trésors étant décédé après avoir connu des revers de fortune consécutifs des événements, ce fut le destin de cette bibliothèque si précieuse, d'être dispersée au feu des enchères publiques. La chose a nécessité à cette heure, cinq ventes successives.

Libéré de tout emploi, Henri Masson comptait bien consacrer les dernières années de sa vie à des études et à des travaux qui avaient eu et qui avaient encore, pour lui, un attrait particulier : les recherches des difficultés historiques. C'est ainsi qu'il reprit et compléta les notes qu'il avait recueillies en vue d'établir d'une manière certaine et irréfutable la concordance des numérotages successifs des maisons de Paris: numérotage royal, numérotage sectionnaire usité à l'époque de la Révolution, numérotages impérial et subséquents, s'attachant spécialement à la rive gauche et dans celles-ci, aux vie et viie arrondissements où se trouvaient ses quartiers de prédilection. Il avait, à cette intention, dépouillé une foule d'annuaires. Puis, confrontant ses notes et la topo

graphie des lieux, il était arrivé à des résultats probants. Et avec quel libéralisme il mettait à la disposition de chacun le résultat de ses recherches! Tous ceux qui se sont adressés à lui, connaissant la sûreté de ses renseignements et de ses conseils, savent quel empressement il mettait à les satisfaire. L'art héraldique et la science généalogique qui, par tant de côtés, se rattachent à l'histoire, l'avaient aussi attiré. Il avait établi un armorial très complet de l'Episcopat français, com. prenant les armoiries avec notes biographiques, de tous les cardinaux, archevêques, évêques et grands aumôniers de France depuis l'an 1500 jusqu'à 1790. Il avait aussi constitué comme annexe à ces recherches héraldiques, une importante collection d'ex-libris.

Tant de soins lui avaient laissé peu de temps pour publier des travaux personnels, qu'il voulait d'ailleurs impeccables. Cependant, à la prière de ses amis de la Société Historique du VIe arrondissement, il avait consenti à donner dans notre Bulletin une liste précise et complète des maires et adjoints de l'ancien XI et du nouveau VIe arrondissement de Paris, première partie d'un travail que devait être complété par une biographie générale des maires et adjoints de ce même arrondissement.

Rappelons que Henri Masson fut de ceux qui, des premiers, en 1896, s'interposèrent pour sauver de la destruction totale, la vieille église paroissiale de Saint-Pierre de Montmartre. Une visite qu'il avait faite sur place lui avait permis de constater qu'à l'encontre de l'opinion émise par les architectes officiels, ce monument pouvait être parfaitement solidifié dans ses assises et, par suite, réparé et restauré. Renseignée par ses soins, la presse parisienne protesta énergiquement contre l'acte de vandalisme qui allait se produire, et la vénérable église fut cette fois sauvée.

Charles SAUNIER.

ALBERT CIM (ALBERT CIMOCHOWSKI, dit)

La Société Historique a fait une autre perte cruelle en la personne de M. Albert Cim (mort le 8 mai 1924). Journa

liste, romancier, auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire littéraire et la bibliothéconomie, Albert Cim, né à Bar-le-Duc, le 22 octobre 1845, avait fourni une belle carrière de lettré et d'érudit. Il appartenait à la presse parisienne depuis 1866 et avait publie un grand nombre de romans et nouvelles inspirés, dans leur presque totalité, par son pays natal, pour lequel il avait une affection profonde, ne manquant jamais d'y aller passer quelques jours, chaque année. Il avait aussi pleinement réussi dans un art difficile, le livre d'enfant, et la librairie Hachette dans ses Bibliothèques << Rose » et « des Ecoles et des Familles » avait édité de lui une dizaine de volumes, dont deux : Grand'mère et Petit-fils, Mes amis et moi furent couronnés par l'Académie Française.

Ce grand labeur littéraire n'avait pas empêché Albert Cim d'avoir une fort honorable carrière de fonctionnaire. Entré dans l'Administration des Postes et Télégraphes en 1866, il en fut le Bibliothécaire de 1896 à la fin de 1908, époque de sa mise à la retraite. Ses souvenirs de fonctionnaire ont paru en volume, sous le titre Bureaux et bureaucrates (1909) et ses souvenirs littéraires sous celui du Dîner de gens de lettres (1903), lisez de la Société des Gens de Lettres dont il était un des membres dévoués, appelé à plusieurs reprises à siéger à son comité qui le choisit par deux fois comme vice-président.

Mais la partie de son œuvre qui lui assurera l'estime durable des amis des Lettres ce sont les volumes qu'il a consacrés à la gloire de celles-ci : Une bibliothèque (1902), Le Livre (1905-1908), l'ouvrage assurément le plus important qui ait été publié à cette heure sur ce sujet, constitué par cinq volumes Historique, Fabrication, Achat, Classement, Usage et Entretien, Petit manuel de l'Amateur du livre (résumé du travail précédent, plusieurs fois réimprimé), Amateurs et voleurs de livres (1903), Mystifications littéraires et théâtrales (1913), les Femmes et les Livres (1920), Récréations littéraires et historiques (1913) et Nouvelles récréations littéraires et historiques (1921), le Travail intellectuel (1924). Il laisse, prêt pour l'impression, un Dictionnaire des citations constitué par 40.000 fiches.

Albert Cim avait été par trois fois le conférencier de nos assemblées générales où il prit pour sujets : Le dîner des Gens de Lettres (1903), Les voleurs de livres (1906), Souvenirs d'un Bibliothécaire (1909).

Il était membre de notre Conseil d'Administration.

LOUIS HUSTIN

Hélas! ces deux deuils ne sont pas encore assez! Il nous faut déplorer la perte de M. Arthur-Louis Hustin, membre du Conseil de notre Société à laquelle il avait donné de multiples marques de sympathie.

Ancien secrétaire particulier de Jules Ferry, chef de cabinet de Challemel-Lacour président du Sénat, et conseiller reférendaire à la Cour des Comptes, il avait occupé pendant de longues années, au Sénat, le poste de Secrétaire général de la Questure. Il avait pris sa retraite à la fin de 1923 et l'honorariat lui avait été concédé en récompense de ses dévoués services.

Comme Secrétaire général de la Questure, Arthur-Louis Hustin s'était beaucoup et très utilement occupé du palais et du jardin du Luxembourg, s'intéressant à leur conservation et à la mise en valeur de leurs œuvres d'art. C'est ainsi qu'il avait publié, en recourant aux pièces d'archives, d'excellents volumes sur le palais un dernier restait à paraître sur les jardins.

Il avait donné à notre Bulletin plusieurs études et notamment un travail que nul n'a oublié sur le Maréchal Ney au Luxembourg, établi à l'aide de précieux documents jusqu'ici ignorés, retrouvés dans les Archives du Sénat.

Très actif, très matinal, Arthur-Louis Hustin trouvait encore le temps de s'occuper d'art d'une façon suivie, soit qu'il peignît, soit qu'il écrivît de précieux articles sur les artistes romantiques et les paysagistes de l'Ecole de 1830. Il fut ainsi, durant de longues années, l'un des principaux collaborateurs du journal l'Art. On lui doit une remarquable monographie de Troyon.

Ch. S.

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