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il figura au musée, dans la «< salle d'introduction », l'ancienne chapelle du couvent des Petits-Augustins. Cette chapelle avec sa haute charpente apparente et les monuments de tous temps et de toute sorte qu'elle renfermait, ne saurait éveiller dans notre esprit un rapprochement quelconque avec la «< salle basse des Mérovingiens ».

Il en est autrement de la « salle du XIIIe siècle » aux voûtes surbaissées, où l'on pouvait voir les tombeaux de Clovis er et Clovis II, la statue de Childebert et un médaillon gravé par Willemin représentant Clovis Ier. Dans cette salle se trouvait également une croix d'orfèvrerie du xve siècle, aujourd'hui au musée de Cluny, provenant du couvent des Carmes de la Place Maubert. Il faut sans doute l'identifier avec la « croix de Dagobert »>, car dans sa description, qui figure sous le n° 37 au catalogue du Musée des monuments français de 1806, Lenoir parle de l'orfèvre saint Éloi que « Dagobert Ier fit son trésorier ». On est en droit de supposer qu'une confusion a pu se produire dans l'esprit de l'enfant qui avait alors dix ou douze ans.

Seule, croyons-nous, la salle du XIIIe siècle a pu être appelée par Michelet « la salle basse des Mérovingiens ». Ce serait donc dans cette salle devenue le bûcher de l'École des Beaux-Arts qu'il aurait senti s'éveiller en lui sa vocation et << reçu la vive impression de l'histoire ».

Georges HUARD.

Sté HISTque DU VIo.

LE SECOURS DE GUERRE DANS L'ANCIEN

SÉMINAIRE DE SAINT-SULPICE

Le dimanche 29 octobre 1922, dans la grande salle de la Société de géographie, boulevard Saint-Germain, une des plus belles œuvres créées pour secourir les misères nées de la guerre, tenait sa dernière assemblée générale, et arrêtait en quelque sorte son testament. Il s'agit du Secours de guerre qui, fondé dès la première quinzaine d'août 1914, fonctionna jusqu'à ces temps derniers dans l'ancien séminaire de Saint-Sulpice, au cœur de notre arrondissement. Sous la présidence de M. le Préfet de Police, l'Assemblée entendit le rapport de son DirecteurFondateur, M. Paul Peltier, approuva les comptes de son trésorier, et désigna les quatorze œuvres de bienfaisance auxquelles elle entendait attribuer le reliquat de 100.000 francs qui lui restait en caisse. Le bulletin de notre Société de 1914-1915 a publié, sous le patronage de notre regretté président M. Félix Herbet, le rapport de M. Bulloz sur diverses œuvres d'assistance fondées dans le VI arrondissement, au début de la guerre; ce rapport signalait que la création du secours de guerre était due à M. Peltier, alors officier de paix des VI® et XIV arrondissements, aujourd'hui commissaire de police du quartier de la Monnaie; et parlant de la vie et de

l'activité qui régnaient dans ces vieux bâtiments de SaintSulpice dès l'année 1915, le rapport ajoutait : « C'est un véritable phalanstère, avec tous ses services; il y aurait à faire après la guerre une étude bien curieuse de la vie de cette œuvre organisée de toutes pièces. » Sans entreprendre cette étude, signalons quelques-uns des traits de cette création qui appartient maintenant à l'histoire.

Dès le mois d'août 1914, sous le choc de l'agression brutale de l'Allemagne, les populations de la Belgique et du Nord de la France fuyaient leurs villes et leurs villages, devant le massacre, le pillage et l'incendie. Elles affluaient dans Paris, et encombraient les gares, les lieux publics et les hôtels. Il fallut improviser des refuges pour ces malheureux. On en installa à la salle Wagram, au Cirque de Paris, au cinéma Raspail. On pensa à l'ancien séminaire de Saint-Sulpice. Des fusiliers marins y étaient logés, appelés par le gouvernement pour coopérer au besoin au maintien de l'ordre. Ils y étaient assez mal campés De ces bâtiments abandonnés on avait arraché tout ce qui pouvait valoir quelque argent, jusqu'aux canalisations de gaz. Les inondés de 1910 y avaient été précédemment recueillis. En vue de l'installation probable du Musée du Luxembourg, les sombres salles du rez-dechaussée étaient remplies de statues et de toiles appartenant à l'État. Sous la surveillance de spécialistes, M. Peltier et ses gardiens de la paix eurent d'abord à ranger ces marbres et ces tableaux dans d'autres parties du Séminaire. Les fusiliers marins ne firent qu'un court séjour et furent envoyés en Belgique. On sait comment ils se couvrirent de gloire à Dixmude. Dès avant leur départ, les gardiens de la paix, stimulés par leur chef, nettoyèrent, réparèrent, remirent en état ces vieux bâtiments

négligés depuis dix ans

et incroyablement délabrés. Beaucoup d'agents ont pratiqué un métier dans leur jeunesse ils reprirent les outils du peintre, du maçon, de l'électricien pour installer un gîte aux malheureux. Ils se cotisèrent aussi. C'est avec 300 francs réunis entre eux qu'ils eurent l'admirable témérité de commencer à recevoir et installer des réfugiés. Bientôt des commerçants du quartier se joignirent à eux, les aidèrent, organisèrent une association, réunirent des ressources, et ils ne cessèrent pas de les seconder avec un dévouement inlassable. Leur honorabilité contribua à inspirer confiance aux souscripteurs et aux donateurs. Au premier rang il faut citer M. Mainguet, président du conseil d'administration, M. Lacôte, secrétaire général, et tous les membres du bureau, dont plusieurs comme M. Lesage, M. Merle, M. Boudreaux, font partie de notre Société. Peu à peu, les dons en argent, en literie, effets et vieux meubles atténuèrent la misère des premiers jours. On eut bientôt 500 lits. Dès le mois de février 1915, 14.500 réfugiés avaient déjà passé par les dortoirs et les chambres de Saint-Sulpice. Après les Belges, d'abord les plus nombreux, étaient venus les habitants de Maubeuge, d'Arras, de Lille, de Reims, souvent les éléments les plus misérables de la population. Qui n'a été témoin de ces défilés lamentables, les pauvres gens débarquant tous chargés de paquets, apportant avec eux les épaves des leur modeste fortune, parfois leurs lapins et leurs poules; de nombreux enfants attachés aux jupes de leurs mères; parfois des malades et des infirmes ayant peine à se traîner. Et tous, fatigués, déprimés, anxieux de l'accueil qui leur serait fait, et inquiets du lendemain. Il fallait mettre quelque ordre dans la cohue des arrivants, identifier les entrants, soigner les malades,

les blessés, isoler les contagieux, procurer à chacun la nourriture, un lit, des vêtements.

Peu à peu, aux moyens de fortune du début, se substitua une véritable administration. Au réfectoire on servit jusqu'à 3.000 repas par jour. On créa des dortoirs, des logements de famille, un vestiaire, une bibliothèque, une école, des ateliers, une pouponnière, sans parler de l'orphelinat du Grand Val, près Sucy en Brie, où tant d'enfants débiles ont retrouvé, en même temps que les forces, une seconde famille (1).

Le Secours de guerre utilisa ses pensionnaires valides, au profit de la défense nationale. Lors de la bataille de la Marne, il réunit un grand nombre de terrassiers que réclamait le général Galliéni.

Il s'occupa constamment de trouver à chacun un travail en rapport avec ses aptitudes. Son bureau de placement. rendit beaucoup de services.

Il simplifia toujours et réduisit à leur strict minimum les formalités d'admission et d'hébergement, de manière à ne jamais rebuter les malheureux qui échouaient à sa porte. Pour ma part j'y ai conduit un soir d'hiver, en 1918, une mère de famille des environs de Lille, rapatriée d'Allemagne par la Suisse avec ses 6 filles de huit à vingt ans. Les fils étaient à la guerre, j'en connaissais un qui avait indiqué mon adresse à sa mère. Je procurai un modeste gîte à la campagne à cette intéressante famille. Elle fit d'abord escale à Saint-Sulpice où, sans hésitation, on accueillit toute la smala pour une nuit. Je me rappellerai toujours l'aspect de l'immense réfectoire le matin, avant le lever du jour, à l'heure du départ pour les premiers

(1) La plupart de ces renseignements sont tirés du Rapport de M. Peltier à l'assemblée générale définitive du 29 octobre 1922.

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