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du xvIIe siècle, tout près de ce carrefour. C'est devant cette porte que les condamnés étaient amenés pour entendre la lecture de leur jugement. Il en fut ainsi, en 1697, pour deux voleurs, Soubrier et Terrier, qui y firent amende honorable, nus, en chemise, la corde au col, tenant en leurs mains une torche ardente du poids de deux livres, et qui après avoir été conduits à cette porte durent faire une autre station à la grande, porte du palais abbatial, avec l'exécuteur de la justice criminelle.

Entre 1775 et 1786, d'après Monin (1), qui a dépouillé pour cette période 237 arrêts du Parlement prononçant des exhibitions et exécutions publiques, il s'en trouve trois au carrefour de Sainte-Marguerite et quatre à l'entrée de la Foire Saint-Germain. Le même condamné était d'ailleurs souvent sujet à plusieurs expositions.

Les justices subalternes avaient aussi leurs fourches patibulaires, et il en existait notamment à Issy, à Vaugirard, à Suresnes. Mais ceci sort du sujet que nous nous

sommes tracé.

LES DERNIERS JOURS DU BAILLIAGE.

L'ordonnance de mai 1788 sur la Justice sert de prélude à la Révolution. Sans supprimer les justices seigneuriales, qu'elle maintient encore, et qui, en raison de leur rôle modeste, ne portent plus ombrage aux magistrats royaux, elle en limite encore la compétence et en précise l'objet. C'est l'institution des grands bailliages. Le Châtelet de Paris, assimilé à un grand bailliage, reçoit le rôle de juge d'appel de toutes les juridictions

(1) Monin, État de Paris en 1789.

inférieures sans exception. Les justices intermédiaires, comme celle du bailliage de Saint-Germain, demeurent purement facultatives. Les justices seigneuria es sont déchargées des frais des poursuites criminelles, pourvu que leurs officiers soient exacts à les commencer et à les déférer aux tribunaux royaux. Le Châtelet, par sa section du présidial, est chargé de juger : en dernier ressort, les appels de toute sentence en matière criminelle; en matière civile, tous procès n'excédant pas 20.000 livres, aussi bien ceux dont il a été saisi d'abord que ceux déjà jugés par les juges de son ressort.

: Cette réforme était bonne et constituait un progrès. Mais il semble qu'elle était bien timide et trop tardive. Elle consolidait des institutions surannées, en sanctionnant officiellement, pour prolonger leur existence, des atténuations et des tempéraments que la pratique et l'usage avaient peu à peu établis. Il eût fallu davantage. On aurait dû supprimer complètement les justices féodales, qui n'avaient plus de raison d'être.

A cette époque, la justice du bailliage qui avait été, dans les siècles précédents, une source de profits pour l'Abbaye, lui était devenue onéreuse. Le bailli ne versait rien à l'Abbaye et ne recevait rien d'elle. Les officiers de certaines justices subalternes ne se recrutaient plus qu'au moyen de subventions annuelles. Ainsi il était versé par l'abbé 175 livres par an aux officiers de la justice de Samoreau, 300 livres à ceux de Villeneuve Saint-Georges, 140 livres à ceux de Fresne et Parey, 100 livres au principal huissier du bailliage (1). D'autres officiers payaient un petit loyer de leur office. Le greffe

(1) Hipp. Cocheris, Notes sur l'histoire de Paris par l'abbé Lebeuf. tome III, page 170.

et tabellionage de Suresnes, affermé 120 livre en 1525, 100 livres en 1689, était au même prix cent ans plus tard (1). Le tabellionage d'Issy et Vaugirard était affermé 80 livres en 1631, 100 livres en 1649 et même somme à la veille de la Révolution (2).

Le bailli, le procureur fiscal et le greffier étaient rémunérés par les justiciables. On voit dans les mémoires de frais que les vacations du bailli étaient de 9 livres, celles du procureur fiscal de 6 livres et celles du greffier de 4 livres et demie. Les frais du greffe et de la procédure avaient beaucoup augmenté le long du xvne siècle, et les justiciables s'en plaignaient.

Ils gémissaient surtout (ne s'en plaint-on pas encore?) de la lenteur des procès et du formalisme excessif. Devant le bailli de Saint-Germain, en 1752, un manœuvre, Pierre Le Roux, comparait pour avoir volé quatre pains de quatre livres dans la hotte d'un garçon boulanger, posée un instant le long de l'escalier du palais abbatial. Il est condamné simplement à être admonesté en la chambre d'audience par le bailli qui lui défend de récidiver et le fait mettre en liberté. Mais il est resté dans la prison de l'Abbaye du 13 décembre 1751, jour où il a été arrêté et où il a avoué de suite son larcin, jusqu'au 30 juin 1752, jour de la sentence, il a donc attendu six mois et demi. Et la prison de l'Abbaye n'était pas un lieu de délices, surtout pour un homme qui n'avait pas un sol dans sa poche.

Les dernières audiences du bailliage, qui se tiennent à nouveau le mardi, sont peu remplies. Le siège est occupé par le lieutenant de bailli Pucelle, qui substitue

(1) D. Anger, ouvrage cité.

(2) Arch. nat. LL. 1145.

le bailli Laget-Bardelin, avocat au parlement depuis 1735 et qui, par conséquent ne peut guère avoir moins de quatre-vingts ans (1). Parmi les procureurs qui se présentent le plus souvent devant lui, on remarque le nom d'un Cavaignac, qui a laissé des descendants marquants dans l'histoire du xix siècle. Le bailliage est alors établi depuis au moins soixante ans, rue Cardinale, dans une maison qui porte aujourd'hui le no 4 de cette rue. Au rezde-chaussée, était la salle d'audience, peu spacieuse; (jusqu'en 1674 cette salle avait été au rez-de-chaussée du bâtiment des prisons); au premier étage se trouvaient le greffe et le logement du greffier. Les autres officiers, la plupart avocats ou procureurs au Parlement et au Châtelet, habitaient en dehors de l'Enclos. Seuls un ou deux huissiers habitaient dans la clôture de l'Abbaye. Les habitants de l'enclos formaient une paroisse dont la Chapelle Saint-Symphorien était l'église. Ils formaient aussi une communauté d'habitants se groupant à la manière traditionnelle usitée dans bien des régions de l'ancienne France, ils avaient, outre les officiers de justice, un syndic chargé de leur représentation et de leur défense. Le rôle de ces syndics était devenu peu à peu presque nul. On ne se dérangeait plus pour les élire. En 1789, les gens du quartier ont les yeux tournés vers des élections autrement graves et sensationnelles, et c'est par 4 citoyens, qui se sont seuls dérangés, qu'est nommé le dernier syndic de l'Enclos, l'épicier Champfort.

1. Laget-Bardelin fit partie du conseil juridique du Cardinal de Rohan, dans l'affaire du Collier qui passionna toute la France, et passionne encore les historiens. Le Conseil du Cardinal comprenait les maîtres du barreau parisien : Target, de Bonnières, Laget-Bardelin, Tronchet, etc.

La dernière cérémonie à laquelle assistent les officiers du bailliage est la fête de saint Vincent, premier patron de l'Abbaye, célébrée depuis un temps immémorial, et qui en janvier 1790, réunit une fois encore, les divers dignitaires de Saint-Germain des Prés. Il existe à cette époque dans l'Abbaye quarante-cinq religieux bénédictins, dont trente-trois prêtres, sept diacres et cinq sous-diacres, étudiants en théologie. Après la procession solennelle qui se déroule dans l'église, les officiers de justice, précédés des huissiers audienciers et des gardes du Prévôt de Paris, viennent tenir une audience solennelle de pure forme. Ils ont pris une ordonnance pour rappeler, comme ils le font depuis un siècle, à M. le Curé de Saint-Sulpice, qu'il doit se trouver à la procession comme tous les officiers et habitants de l'Abbaye. Ils proclament qu'ils sont réunis pour entendre les plaintes qui pourraient être faites par les habitants contre qui que ce soit et pour y donner satisfaction. Puis ils procèdent suivant l'usage aux distributions de gâteaux et d'argent aux suisses, aux bedeaux, aux enfants de choeur, portiers et autres personnes, auxquelles il est d'usage d'en donner.

La dernière audience est du 21 décembre 1790. Le dernier plumitif du bailliage est rempli par la copie des dɛcrets de l'Assemblée nationale, rendus en 1789 et 1790, et qui doivent être publiés dans toutes les juridictions du royaume.

La loi du 25 août 1790 établit, comme on sait, dans Paris six tribunaux de district. Le tribunal du VI arrondissement judiciaire eut pour ressort la moitié de la rive gauche, c'est-à-dire des territoires correspondant à peu près au VI, VII, XIVe et XVe arrondissements actuels, plus Bourg-la-Reine, Issy et Châtillon. Les juges furent élus

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