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environs de l'année 1650, l'installation dans notre quartier des premiers commissaires au Châtelet.

Ces conflits étaient inévitables en raison de la coexistence des deux polices. Un arrêt du Parlement du 22 décembre 1666 décidait que le Prévôt de Paris (premier magistrat du Châtelet) possédait « la police générale dans la ville et les faubourgs, privativement à tous autres, sans préjudice de la police particulière qui devrait être exécutée cumulativement et à l'ordinaire par les officiers du Châtelet et par ceux du bailliage de Saint-Germain dans l'étendue de ce bailliage.

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La difficulté était de distinguer ce qui était de la police générale de ce qui était de la police particulière. Les règlements portaient souvent sur les mêmes points, et les envisageaient différemment. Parfois les prescriptions étaient contraires. Un habitant était pour le même fait condamné par le bailliage et absous par le Châtelet. Il semble que le Châtelet étant le juge d'appel du bailliage aurait dû réduire assez promptement celui-ci à l'obéissance. Il n'en est rien. La chicane offrait des ressources au bailliage qui en usait largement et ne se laissa jamais accabler. Il s'adressait au Parlement qui le ménageait. Les magistrats du Châtelet durent souvent s'appliquer à mettre le bailliage devant le fait accompli pour en triompher. Et on a vu, par les coups de force du lieutenant de police, sur les prisons, qu'il n'hésitait point, pas plus que certain président de la République voulant devenir empereur, « à sortir de la légalité pour rentrer dans le droit ».

La suppression du bailliage en 1674 mit fin à la dualité des polices. Son rétablissement, quelques années plus tard, ne lui conféra qu'une vie précaire.

A partir de 1702, de nouveaux commissaires au Châtelet s'établissent dans le faubourg qui forme deux nouveaux quartiers de Paris, le Luxembourg et SaintGermain des Prés. Paris est ainsi divisé en 20 quartiers dont 5 sur la rive gauche de la Seine. Il comporte 46 commissaires, dont 4 installent leurs bureaux rue du Four, en face la rue Princesse, rue Sainte-Marguerite, rue Saint-Benoît et rue des Mauvais-Garçons.

La police du bailli ne s'exerce plus que dans l'enclos de l'Abbaye. C'est une sorte d'îlot considéré comme propriété particulière et privilégiée. Ses fossés ont disparu peu à peu au cours des xvre et XVIIe siècles. Au midi la rue des Fossés qui n'a encore vers 1630 qu'un rang de maisons voit un nouveau côté se construire et devient dans les dix années suivantes, la rue Sainte-Marguerite, bâtie en partie sur l'emplacement des Fossés. La rue Cardinale et la rue de Furstenberg, bâties sur les jardins de l'Enclos, sont terminées en 1700. La rue Childebert et la rue Sainte-Marthe sont construites en 1715 et années suivantes. Si l'Enclos n'a plus de fossés, il a encore ses clôtures, percées seulement de deux grandes portes. Au xvIIe siècle trois nouvelles portes y sont ouvertes. Une ordonnance du bailli en date du 3 décembre 1770, confirmant des usages anciens, prescrit que les portes de l'Enclos seront fermées, celles de la rue du Colombier, de la Petite-Boucherie et de Saint-Benoît, à, 10 heures du soir, celles de Bourbon-le-Château et de Sainte-Marguerite à minuit; que les habitants de l'Enclos devront être rentrés à cette heure sous peine d'amende; et que ces prescriptions devront être surveillées par les portiers de l'Abbaye et les principaux locataires des maisons de l'Enclos, les portes ne devant s'ouvrir la nuit

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qu'en cas de maladie grave et pour les secours spirituels (1).

Dans les minutes du greffe au XVIe siècle, qui sont peu nombreuses, on trouve des ordonnances de police, des enquêtes et informations sur des délits et des crimes, mais aucune sentence criminelle; des avis de parents et des organisations de tutelle, des appositions et levées de scellés, comme dans les greffes actuels des justices de paix; quelques petits procès civils; on y rencontre aussi des informations de bonne vie et mœurs, en vue de nominations à des fonctions publiques et des procès-verbaux d'enlèvement de corps des prétendus réformés, français et suisses, habitant l'Enclos, dont l'inhumation était autorisée par le bailli, sous la surveillance d'un huissier du bailliage, à 9 heures du soir, dans le chantier du sieur Moreau, au port au Plâtre, faubourg Saint-Antoine (2).

Les audiences n'ont lieu qu'une fois par semaine, le mardi, et à partir de 1769 le lundi, et parfois le vendredi pour les affaires extraordinaires. Le dernier bailli de l'Enclos, Laget-Bardelin est un homme distingué, l'un des avocats les plus réputés du barreau de Paris. Les affaires provenant des justices des seigneuries de l'Abbaye sont encore assez fréquentes, surtout celles d'Issy et Vaugirard. Ces localités sont encore exclusivement rurales, leurs habitants sont des paysans, leurs officiers de justice sont simples et peu savants. Le greffier de Vaugirard est l'objet d'une vieille plaisanterie, on dit de lui«< qu'il ne peut pas écrire quand on le regarde » (3).

(7) Arch, Nat. Zo 3617.

(2) Minutes de 1752-1753-1768.

(3) Lucien Lambeau, Vaugirard. Paris, 1912.

LES LIEUX D'EXÉCUTION DES PEINES.

La prison de l'Abbaye a une histoire qui est presque entièrement distincte de celle du bailliage, et ne s'y rattache qu'indirectement. Nous essaierons peut-être un jour de la retracer.

Disons seulement que cette prison fut bâtie en 1635, par Christophe Gamard, voyer de l'abbaye après Claude Vellefaux, et premier architecte de l'église Saint-Sulpice; qu'elle fut élevée en façade sur la rue des Fossés, plus tard rue Sainte-Marguerite; qu'après avoir servi pendant quelque temps de geôle au bailliage, elle devint prison. royale vers 1660 et fut affectée plus spécialement aux prisonniers pour dettes et aux gardes françaises, soldats et officiers.

A peu de distance de la prison, au milieu du carrefour formé par les rues de Bussy, des Boucheries, du Four et de Sainte-Marguerite, se trouvait depuis le commencement du xvIe siècle, le pilori qui y resta jusqu'en 1636, suivant Berty (1). Le boulevard Saint-Germain passe aujourd'hui sur son emplacement. C'était une petite tour surmontée d'un toit conique qui figure dans tous les plans de Paris du xvi et du xvii° siècles. Il était le seul pilori existant dans Paris et les faubourgs, en dehors du pilori royal établi aux halles. Il avait remplacé le premier pilori des moines, établi le 22 janvier 1273 devant le pont Saint-Michel, sur la rive gauche, au bout de la rue de l'Hirondelle (2). Celui-ci fut supprimé au xvie siècle, et sur son empla

(1) Berty, Topographie du Vieux Paris.

(2) Registre criminel de Saint-Germain des Prés, publié par L. Tanon, ouvrage cité.

cement fut élevé le pressoir de l'Abbaye, ainsi qu'une cuverie.

Les larrons et les meurtriers, à la même époque, sont pendus aux fourches de Saint-Germain qui se trouvent dans la plaine de Grenelle. Ces fourches, à trois piliers, existaient encore au XVIIIe siècle. Leur emplacement est indiqué sur le plan de La Caille (1714), sur le plan de la censive de l'Abbaye (1735) et sur celui de Delagrive (1760). Elles se trouvaient sur le chemin de la plaine de Grenelle dont actuellement la rue Chevert suit le tracé. Elles étaient un peu au delà, vers le sud-ouest, de l'angle aigu formé par cette rue Chevert et l'avenue de Tourville, près le mur de clôture nord-est de l'École militaire. Ce gibet fut sûrement utilisé jusqu'à la suppression de 1674. Servit-il encore postérieurement au rétablissement de la justice restreinte à l'Enclos? Nous n'en avons trouvé

aucune trace.

L'exécution des peines capitales eut lieu parfois ailleurs qu'à cet endroit.

En 1551, un meurtrier est condamné à mort et la sentence ordonne l'érection d'une potence pour l'exécution dans la rue Saint-Sulpice. La même année une exécution semblable a lieu devant la porte de la Foire (1).

La fustigation avait lieu le plus souvent au carrefour du pilori. Il semble bien que ce soit là qu'en 1586, Bernard Palissy, condamné au bannissement, fut d'abord fouetté, à quelques pas de l'emplacement où s'élève aujourd'hui sa statue*(2).

L'auditoire du bailliage avait sa porte, jusqu'à la fin

(1) Tanon, Ouvrage cité.

(2) Weiss, article sur Bernard Palissy, dans le Bulletin de l'histoire du protestantisme français. Janvier-février 1902.

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