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Sulpice qui sera tenu de les marier. Elle propose de justifier du consentement de ses parents à elle, et de faire sommation à la mère de son séducteur, qui refuse d'assister au mariage. Le bailli décide qu'il sera ainsi fait, ordonne que le curé de Saint-Sulpice devra procéder à la publication des bans, et marier la réquérante au séducteur, nonobstant l'opposition de la mère de ce dernier, qui sera sommée de venir au mariage. En attendant le sacrement, on prépose le sergent Lejeune à la garde et la surveillance du futur époux, qui semble un peu tiède.

L'année suivante le peintre Anthoine Lebrun, de l'Académie royale, qui s'est mis dans le même cas, se défend mieux et ne se laisse pas marier par ordre de justice. Il a séduit la nommée Anne Sortais et l'a rendue grosse. Elle prétend que le peintre lui a promis le mariage et demande aussi l'exécution de la promesse. Le séducteur réplique par une assignation en mille livres de dommagesintérêts pour dénonciation calomnieuse. Le 7 août 1674, après huit mois d'interrogatoires, dépositions, confrontations et récolements (pendant ce temps l'enfant est né, mais il n'a vécu que huit jours), le bailli rend une sentence où il leur défend à tous deux « de se hanter ni jocqueter à l'avenir, de continuer leur désordre et vye libertine et de causer semblable scandale sous les peines des dites ordonnances, et les condamne pour leur desbauche à chacun dix livres d'amende envers les pauvres prisonniers de ce bailliage. »>

La police de la Foire Saint-Germain occupe aussi beaucoup le bailli.

En 1586, les officiers du Châtelet ayant voulu s'immis

(1) Bibl. Nat. Mss. 7568 f. fr.

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cer dans cette police, un arrêt du conseil le leur défendit. Le bailliage y régna longtemps seul. Il en tirait de gros revenus. Pendant la durée de la foire, l'auditoire de la justice était transféré dans son enceinte.

Puis peu à peu, pour contrôler les mesures de police générale, émanant d'abord du lieutenant civil, et plus tard du lieutenant de police, les officiers du Châtelet:imposèrent leur ministère.

Un arrêt de 1537 avait dit que la visite des boulangers pour vérifier le prix et la blancheur du pain dans l'intérieur de la foire, appartenait au Prévôt de Paris et à ses lieutenants et commissaires. Ce fut la première fissure, bientôt suivie de beaucoup d'autres.

En 1638, les commissaires au Châtelet dont le nombre vient d'être augmenté se mettent à instrumenter souvent dans le faubourg. Ils ont de fréquents conflits avec le bailli et avec les autres officiers du bailliage.

En voici un exemple :

En février 1648, les gardes des merciers font dans la foire Saint-Germain, accompagnés de Hac, clerc d'un des maîtres, une « visitation » des merciers. Ils trouvent des aunes trop courtes et des demi-aunes trop longues, devinant sans peine que les premières servent à mesurer les marchandises qu'on vend, et les secondes celles qu'on achète. Ils veulent les saisir et dresser procès-verbal. Mais ces mesures ont été vendues, paraît-il, aux merciers par les officiers du baillage. Les marchands envoient prévenir ceux-ci en toute hâte, pendant que le sclerc de la communauté des merciers fait prévenir un commissaire cau Châtelet. L'officier et les sergents du bailliage, qui sont plus rapprochés, arrivent les premiers, et mettent en prison les gardes des merciers et leur clerc. Ceux-ci font

appel devant le Châtelet. Ils obtiennent un décret d'ajournement personnel contre le bailli et de prise de corps contre les autres officiers du bailliage. Ces derniers font appel devant le Parlement. L'affaire en resta là et ne fut jamais jugée. Mais deux ans plus tard, presque jour pour jour, le 7 février 1650, elle se reproduisit. Les aunes trop courtes et les demi-aunes trop longues étaient encore en service! Les maîtres de la mercerie ayant voulu, soutenus par un commissaire au Châtelet, les saisir et verbaliser, furent enfermés à l'Abbaye. Le lieutenant civil vint lui-même les délivrer, en faisant violence aú geôlier. Le bailli retourna sur les lieux, dressa des procès-verbaux et des enquêtes et voulut faire remettre les gardes et le clerc en prison. Il n'y réussit pas. Cette fois, après mille incidents de procédure, l'affaire alla jusqu'au bout. Elle dura dix ans. Elle se termina par un arrêt du Parlement du 10 mars 1660, annulant la procédure du bailli, mettant les parties hors de cour, faisant défense au bailliage de troubler les maîtres des merciers, et les confirmant dans leur droit de visite, pourvu qu'ils fussent accompagnés d'un huissier au Châtelet (1).

En 1668 autre conflit.

Les nommés Archambaud, Hiérôme Artus et NicolasFerou, danseurs de corde et joueurs de marionnettes, ont présenté, suivant l'usage, au lieutenant de police récemment institué au Châtelet, une requête pour être autorisés à danser et jouer en public pendant la Foire Saint-Germain. Ils ont obtenu la permission et se sont installés. Cependant quelques jours après, ils sont cités au bailliage « à cause qu'ils n'avaient pas pris la permission

(1) Bibl. Nat. Mss. 7568 f. fr.

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du bailli et donné dix louis d'or comme les années précédentes. » Ils sont condamnés par le bailli et expulsés de la foire. Leur logeur Cercilly, maître du jeu de paume du Lys, qui a été condamné en même temps à une amende et a refusé de la payer, est emprisonné à l'Abbaye, ainsi qu'un de leurs garçons, un danseur de corde nommé François Bodinière. Ils font appel au Châtelet. Le lieutenant de police les reçoit appelants et ordonne la mise en liberté, par mesure provisoire, des deux prisonniers. Le geôlier de l'Abbaye refuse aux commissaires Gazon et Baudelot leur élargissement. C'est le lieutenant de police qui est obligé de venir lui-même les faire sortir de prison. Le bailli ouvre alors une information pour bris de prison et adresse au Parlement une plainte violente contre ce qu'il appelle un monstrueux scandale. Il fait de ce prétendu bris de prison une affaire d'État. Pendant que les deux commissaires au Châtelet continuent d'informer avec une hâte extrême, entendant les Brioché, les Artus et tous les bateleurs de la Foire, qui tous, ont de vieux griefs contre le bailli de Saint-Germain, jusqu'à trente-deux témoins en un seul jour, et un dimanche, — le bailli, lui, fait agir le duc de Verneuil, abbé de Saint-Germain des Prés. Ce puissant personnage obtient le 27 février, un arrêt du Parlement défendant au lieutenant de police de continuer la procédure; le lendemain un arrêt du Conseil renvoyant sa requête au Parlement et défendant d'attenter à la justice de l'Abbaye jusqu'à ce que le Parlement eût statué; enfin le surlendemain 1er mars des Lettres d'État qui furent signifiées le jour même au lieutenant de police pour qu'il n'eût à faire aucune poursuite devant aucune juridiction au préjudice de M. de Verneuil. La justice était prompte

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pour les grands, et lente pour les petits. Chacun des combattants, d'ailleurs, se proclama vainqueur (1).

Entre temps, en 1657, Brioché, le fameux joueur de marionnettes, coutumier de toutes les insolences, réclama contre le bailli au lieutenant de police. Mis en prison par ordre du bailli, il ne put obtenir son élargissement du Châtelet et s'adressa au Parlement, qui le renvoya devant le bailli sans l'entendre.

En 1663, un commissaire au Châtelet est trouvé par le bailli de Saint-Germain, revêtu d'un déguisement dans la maison d'un agonisant et se disposant à apposer les scellés. C'est une opération qu'on faisait alors souvent avant le décès. Le bailli fait arrêter ce commissaire, travesti et pressé, par ses sergents, et informe contre lui. Le Châtelet soutient son commissaire et la communauté des commissaires intervient au procès. Le Châtelet décrète contre le bailli et les sergents, mais un arrêt du Parlement défend de mettre ce décret à exécution, et condamne la communauté des commissaires aux dépens (2).

Ce qui paraît surtout choquer les commissaires, c'est que le bailli statue lui-même comme juge, sur l'exécution des ordonnances de police qu'il a rendues comme chef de la police du faubourg.

La guerre fut vive pendant une trentaine d'années entre les officiers du Châtelet et ceux du bailliage, au sujet de la police. On lit dans un mémoire du bailliage que les deux commissaires au Châtelet, alors établis dans le quartier, Gazon et Baudelot « sont toujours comme en sentinelle dans le bailliage ». On peut donc fixer aux

(1) Bibl. Nat. Mss. 7568 f. fr.
(2) Bibl. Nat. Mss. 7568 f. fr.
Sté H¶uc DU VIo. — 1923.

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