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l'abbé et aux religieux, à l'encontre des prétentions du Grand Voyer de France et de son commis; il fait défense à ceux-ci de troubler le voyer des religieux, Claude Vellefaux, par assignations, exactions, concussions ni autrement, à peine de 400 livres d'amende.

Mais cinquante ans plus tard, un autre arrêt (25 janvier 1661) réduit la possession de l'Abbaye à la petite voirie, proclamant que la grande voirie fait partie de la police générale, qui appartient au roi seul; et que les voyers royaux ont seuls droit de juger des alignements, périls imminents, saillies, balcons, chemins encombrés, places vagues et vides, clôtures, travaux fermés, etc. Tout en reconnaissant que la ville de Saint-Germain des Prés est une ville particulière, en dehors de Paris, l'arrêt fait défense de faire aucun bâtiment dans les fossés de cette ville sans lettres patentes du roi.

Déjà le 12 septembre 1595, une sentence du Châtelet avait défendu de bâtir dans le faubourg, sans avoir l'alignement du voyer royal, et il était de notoriété publique soixante ans plus tard que la rue du Bac, la rue Cassette, la rue du Petit-Vaugirard et autres, avaient été construites sur l'alignement du grand voyer, et que depuis longtemps l'abbé de Saint-Germain n'entretenait plus le pavé des rues.

Cependant un revirement se produit le 10 septembre 1674. Un arrêt du Parlement, qui paraît empreint d'une grande complaisance, en faveur de la puissante abbaye défend aux trésoriers de France, aux grands voyers et a leurs commis, de prendre ni exiger aucun droit de voirie dans l'étendue de la terre et seigneurie de SaintGermain des Prés.

Les corporations ont depuis longtemps dans le fau

bourg leurs statuts particuliers. Certains de ces statuts, comme ceux des boulangers, des épiciers et des apothicaires, sont homologués par le Parlement (arrêts de 1611 et 1659). Un registre du bailliage, spécial à l'année 1644 (1), nous fait connaître quelles sont les corporations alors régulièrement organisées dans le faubourg. Voici celles que nous avons relevées :

Chandeliers, couvreurs, menuisiers, boulangers, potiers d'étain, brodeurs, maçons, couroyeurs, charpentiers, cuisiniers, rôtisseurs, tourneurs, passementiers, bouthonniers, apothicaires, frippiers, paveurs, cordonniers, tailleurs d'habits, bouchers, charcutiers tueurs de porcs, savetiers, tapissiers, paulmiers, marchands de vin.

Et sans doute y en a-t-il d'autres.

L'industrie des chasubles et ornements d'église était déjà répandue à cette époque dans le faubourg.

En 1667, le bailli de Saint-Germain, pour attirer les brodeurs et chasubliers, donne aux ouvriers en drap d'or et de soie des statuts qui sont différents et même tout à fait contraires aux statuts royaux des chasubliers parisiens. Il leur est permis de travailler à la grande navette et à la petite navette, tandis que dans Paris, les deux procédés correspondent à deux communautés distinctes, et ne peuvent être employés tous deux par le même maître, sous peine d'amendes et de confiscations. Rien de si fréquent alors que les conflits entre métiers et corporations.

En janvier 1644, les gardes ou jurés de chaque communauté font des visites chez tous les maîtres du faubourg, ils examinent les marchandises, saisissent celles

(1) Arch. Nat. Z2 339.

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qui sont défectueuses, appellent devant le bailli les délinquants. Il y a audience presque tous les jours. On confisque à un savetier des chaussures neuves et du cuir neuf, qu'il n'a pas le droit de détenir. On saisit, rue du Four, entre les mains d'un garçon tailleur, anglais de nation, un pourpoint et un haut-de-chausses de drap de Hollande, qu'il allait livrer, « et ce par entreprise sur le métier des tailleurs ». C'est un contrebandier.

Souvent à l'audience, il y a contestation sur le caractère de la marchandise ou sur son mode de fabrication, les parties nomment des experts, et suivant leur rapport, la saisie est ou non maintenue.

Les marchandises saisies sont d'ailleurs « ramendées », c'est-à-dire que les objets saisis, quand ce ne sont pas des comestibles falsifiés ou nuisibles, sont laissés à leur propriétaire contre une somme à peu près égale à leur valeur, à payer par lui en plus de l'amende et des frais du procès. Ainsi en est-il des victuailles qu'au mois d'octobre 1644, les jurés des rôtisseurs, accompagnés d'un sergent du bailliage rapportent de leurs visites aux cabarets du quartier :

Deux chapons, un poulet et une douzaine d'alouettes trouvés chez Abraham de Rozé, cabaretier, rue des SaintsPères;

Un poulet d'Inde, trouvé au cabaret de la RoseBlanche, rue de Bourbon, près de l'hôtel de Metz ;

Deux poulets trouvés au cabaret de l'Espérance, rue de Bourbon, au Pré-aux-Clercs;

Encore des poulets au cabaret des Trois-Rois, au Préaux-Clercs, chez Claude Sebert;

Un oyson et deux poulets d'Inde trouvés à l'étalage de Bonnet, à la taverne de l'Épée. Celui-ci s'oppose à la

saisie: ses poulets ne sont pas rôtis! il lui faut un rapport d'experts; le rapport est fait, et on le condamne un peu plus sévèrement..

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Chez Orion, tavernier, rue du Cœur-Volant, à l'enseigne du Juste Couronné, la femme du débitant fait rébellion, en présence de son mari,, et menace les jurés des rôtisseurs de coups de bâton. On lui emporte néanmoins ses poulets et ses bécasses, et elle endosse une amende de 4 livres pour le pain des prisonniers et les frais des jurés.

Tous ces poulets sans doute n'étaient pas rôtis suivant les règles, par de simples cabaretiers!

En 1673, la communauté des maîtres paumiers de Saint-Germain fait condamner un sieur Michelon à la confiscation de dix grosses et cinq douzaines de balles non réglementaires, dont la saisie est déclarée: bonne et valable, et qui seront néanmoins ramendées en la manière, accoutumée. La sentence du bailli enjoint à Michelon d'être plus circonspect à l'avenir en l'observation des statuts et règlements de la communauté, et pour la faute commise, le condamne à 6 livres d'amende et 10 livres de dépens, non compris le coût de la sentence qui sera exécutée sans préjudice de l'appel (1)..

Chez François Gaspard l'aîné, maître-paumier à SaintGermain des Prés, rue Mazarine, au jeu de paume du Ro d'Angleterre, la visite des jurés ne fait rien découvrir de suspect.

M. de Lespinasse a publié il y a quelques années les statuts et les armoiries que donna le bailli de SaintGermain à diverses corporations du faubourg (2)..

(1) Arch. Nat. Z2 3602.

(2) Métiers et corporations de Paris, par René de Lespinasse.

Dans un ouvrage de 1668 (1), se trouve l'historique de la constitution du Bureau des pauvres honteux de la paroisse Saint-Sulpice, auquel était attaché un bureau d'arbitrage pour régler les difficultés entre gens du peuple. Le règlement de cette sorte de Secrétariat du peuple est inséré dans l'ouvrage. « Cette institution fut approuvée, dit l'auteur, par le bailli de Saint-Germain, qui est seul juge dans ce faubourg-là » (2).

La police des mœurs tient une grande place dans les occupations des officiers du bailliage.

Le bailli De Fontenoy, stimulé par le curé Olier, fait la guerre aux filles de mauvaise vie. Sa jurisprudence comporte, pour chaque délit de racolage, quinze jours de prison au pain et à l'eau. En outre, il confisque tout ce que la femme a dans sa chambre, et quand elle sort de prison, « elle est hors d'état de faire le mal jusqu'à ce qu'elle se soit pourvue de nouveaux ajustements » (3). Le curé Olier s'était donné pour mission de purger sa paroisse des filles de mauvaise vie qui y étaient nombreuses; il mit sept ans à y parvenir, dit son biographe. Le bailli ne plaisantait pas avec les séducteurs.

Le 23 novembre 1673, Olive Maillet, fille majeure, originaire de Sens, se plaint qu'Anthoine Delamare ait abusé d'elle et l'ait rendue grosse. Elle présente requête au bailli de la ville de Saint-Germain où Delamare est venu loger depuis plus de trois mois, pour que celui-ci soit condamné à exécuter une promesse de mariage qu'il lui a faite, et à se présenter à cet effet devant le curé de Saint

(1) L'Arbitre charitable, par le Prieur de Saint-Pierre (Alexandre de la Roche); Paris, chez Raveneau, 1668.

(2) Communication gracieuse de M. Depoin.

(3) Vie de M. Olier, par l'abbé Faillon.

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