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corps par son propre bailli et emprisonné. Fouquet le fit libérer. Legreffier d'Hirson, moins heureux, fut convaincu de malversations et d'exactions, condamné et banni. La veuve de Louis de Fontenay passa vingt-deux mois en prison. Le siège de bailli fut conquis, perdu, repris et reperdu par chacun des deux adversaires, à coups d'arrêts du Parlement. Du Fresse céda trois fois son office, et trois fois ses acquéreurs furent refusés par l'abbé. Ni la défaite des séditieux, contre lesquels il avait montré beaucoup de zèle, ni le procès de Fouquet qui survint peu d'années plus tard, ne suffirent à assurer la victoire du bailli du Fresse, qui paraît être mort ruiné, sans avoir vu la fin de ces longs démêlés (1).

Voici une liste des procureurs fiscaux de l'Abbaye : . 1580-1595 Jean Doutre, procureur au Châtelet. Lors de la rédaction en 1580 des coutumes de la prévôté et vicomté de Paris, ce Jean Doutre représente à l'assemblée réunie à cet effet, avec Thomas de Rochefort, l'abbé commendataire et les religieux de l'Abbaye.

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1640-1644: Jean Germain, avocat au Parlement. 1659 Antoine Furetière, avocat au Parlement. 1692-1703 Pierre Luce, également avocat.

1715-1729 Denis Coursin.

1731-1737 Pierre Penichet, ancien procureur au Châtelet de Paris.

1738-1739 Louis Formé.

(1) Bibl. Nat. Factums. Fm. in 4° 15.062-2176, in-fo 2076-15.063. Collection Thoisy 176-432. Tallemant des Réaulx qui parle à plusieurs reprises de ce du Fresse ou Beausoleil, le traite de fripon (Voir la Fin troublée de Tallemant des Réaulx par Emile Magne, page 156).

1790 Pierre-Louis Formé, procureur au Parlement et aussi au bailliage du Temple.

Le seul personnage notoire de cette liste est Furetière (1620-1688), qui a laissé un nom dans les lettres et qui fut lié avec Boileau, Racine et La Fontaine. Membre de l'Académie française en 1662, il fut exclu de la compagnie à cause des prétendus plagiats de son dictionnaire, rival de celui de l'Académie. Esprit satirique et combattif, il est assez peu sympathique; cependant ses ouvrages sont précieux pour la connaissance des mœurs de son temps, et son « Jeu de boules des procureurs », son « Roman Bourgeois » donnent sur ses contemporains des observations et des renseignements... comment dirai-je? naturalistes, qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Voici une liste, également incomplète, des greffiers du bailliage:

1595 Jehan Bouyn (il était sans doute de la famille de ce Jehan Bouyn dont nous a parlé M. Léo Mouton qui le premier, vers 1551,fit élever à l'angle du Pré-aux-Clercs une construction que les écoliers de l'Université lui démolirent (1). Ce n'est probablement pas le même personnage car l'acquéreur du Pré-aux-Clercs était chirurgien).

1584-1600 Jehan Lemaire.

1609-1612 Charles Leprestre. 1612-1640 : Jacques Gaudin.

1644 Jean Sauné, écuyer, commissaire ordinaire des guerres; commis-greffier

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d'Hirson. Sauné

(1) L'hôtel de Transylvanie. Bulletin de la Société de juillet 1905.

est

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1674-1692 Interruption de la justice. 1692-décembre 1715 : François Barré.

Décembre 1715-mars 1729 Michel Hermand, premier commis du greffe du Conseil des finances et des commissions extraordinaires du Conseil du roi.

Mars 1729-1751: Thomas Béville. 1752-1767: Pierre-André Roger.

1767-1790: André Cadet.

Tous ces greffiers laissent de la fortune, ainsi qu'on le voit par les inventaires de leurs successions, qui sont dans les minutes de leur greffe.

Jehan Lemaire est sous Henri IV, un bourgeois notable de son quartier. Il possède plusieurs immeubles dont une maison rue du Vieux-Colombier. Il est l'un des quatre dizainiers du Faubourg, et quand le Bureau de ville, le 7 juin 1599, ordonne que tous les habitants devront se cotiser pour la construction du bâtiment de la nouvelle porte Saint-Germain, c'est lui qui va de maison en maison, toucher les taxes et cotisations qu'il doit, sous sa responsabilité personnelle, verser au Domaine de la Ville (1). Ces taxes rentrent difficilement. On réitère plusieurs fois les ordres de paiement, on fait passer au domicile des retardataires les sergents de l'Abbaye, et il faut plus d'un an pour terminer les recouvrements.

Jehan Lemaire a parfois la main lourde quand il réclame les frais de procédure. Un arrêt du parlement du 27 mars 1609, rendu sur la dénonciation de l'abbé de Saint-Germain des Prés, le condamne pour réclamation abusive à 80 livres parisis d'amende et lui enjoint de se contenter <<< de sallaires raisonnables pour le fait de sa charge »,

(1) Registres du bureau de ville, tome 12, page 132,

1

notamment de 16 sols par peau de parchemin et de 25 sols du rôle pour les expéditions sur papier, 85 sols parisis pour porter les procès au greffe du Châtelet et 45 sols pour les productions qui sont portées des juridictions inférieures au greffe de son bailliage (1).

Le greffier Gaudin, qui n'exploite pas lui-même son greffe, possède plusieurs autres offices: il est lieutenant de robe courte au bailliage de Chaumont, vendeur de cuirs en la ville de Pontoise, il possède quatre maisons à Paris, rue du Four, rue des Boucheries, rue du Colombier et rue des Carmes; il a à Saint-Cloud des maisons, des vignes, une exploitation rurale avec des bestiaux, des chevaux, des bateaux; il prête sur gages et ses coffres sont pleins de bijoux, de diamants, de joyaux, de vaisselle d'argent, sur lesquels il a fait des prêts aux seigneurs et bourgeois du quartier (2). Bien avant M. Benoîton, il donne à ses contemporains le grand exemple de la for

tune.

Le greffier Michel Hermand, qui meurt jeune et laisse trois enfants en bas âge, possède notamment un fief acquis de Lamoignon de Basville, le Basville des dragonnades.

Au bailliage de l'Abbaye sont encore attachés des procureurs, des sergents, un geôlier.

Les procureurs sont en nombre illimité, ce sont pour la plupart des procureurs au Châtelet de Paris, qui joignent cette fonction accessoire à leur principal office.

Au XVIIIe siècle, les procureurs au Parlement et les procureurs au Châtelet sont tous, sans distinction, admis à

(1) Arch. Nat., LL 1145.

(2) Inventaire du 12 août 1644.

1

plaider devant la justice de l'Enclos. Les audiences ont lieu les mardi et vendredi, à 3 heures.

Les sergents sont en principe au nombre de 12 qui remplissent aussi pour la plupart d'autres fonctions et ne sont pas astreints à la résidence dans le faubourg. Quelques-uns d'entre eux sont audienciers, et l'un d'eux est priseur-vendeur de meubles. En 1674, lors de la suppression de la justice il existe 26 sergents. En 1692, après le rétablissement de la justice dans l'Enclos, les sergents font place aux huissiers qui sont au nombre de 3 ou 4.

Enfin comme auxiliaires de la justice, on peut encore citer des experts en écritures et des médecins, maîtres chirurgiens et sages-femmes, que le bailli charge souvent de faire des rapports, des expertises, des « visitations ».

Le geôlier des prisons de l'Abbaye est chargé de la garde des prisonniers. C'est un fonctionnaire assez fruste et brutal, si l'on en juge par un incident du mois de septembre 1599. Deux sergents du bailliage, Noël Mauvoisin et Pierre de la Rivière, passant ensemble un soir au carrefour, devant le Pilori, sont arrêtés à la porte de la prison par une femme qui pleure et se lamente. Ils s'informent. Elle leur raconte que son mari soupe chez le geôlier avec des filles et qu'elle n'a pas de pain à la maison. Ils appellent le geôlier qui vient ouvrir la porte et les laisse entrer chez lui. Ils y trouvent nombreuse compagnie, notamment le mari en question et deux femmes suspectes. Ils se mêlent, assez indiscrètement d'ailleurs, de vouloir faire sortir le mari, ce qui déchaîne une tempête. Une rixe générale s'engage. Le geôlier voyant que la lutte va tourner contre lui et son hôte, ouvre la porte de ses prisonniers et les appelle à son aide. Ils accourent tous, et grâce à eux, les deux sergents, fort maltraités,

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