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ne commence à le voir qu'au xvre siècle, partageant avec le prévôt l'administration de la justice, le prévôt connaissant des causes en première instance, et le bailli jugeant en appel.

L'article 24 de l'ordonnance de Roussillon du mois de janvier 1563 ayant prescrit qu'il n'y aurait qu'un degré dans les juridictions seigneuriales, et que les seigneurs seraient tenus dans le délai d'un mois d'opter entre les officiers existants, le Cardinal de Bourbon, alors abbé commendataire de Saint-Germain des Prés, opta le 26 décembre 1563 pour l'office de bailli et supprima la Prévôté.

Le bailli bientôt fut assisté d'un lieutenant qui le substituait en cas d'absence.

Le procureur fiscal, après avoir été le défenseur des intérêts matériels de l'Abbaye, et tout en continuant de remplir cette fonction, prit peu à peu le rôle d'avocat de la société, de ministère public.

Toutes ces charges étaient confiéès le plus souvent à des avocats en parlement et à des procureurs.

Voici une liste des baillis, avec l'indication de l'époque de leurs fonctions; le tout est loin d'être complet :

1580-1605 Thomas de Rochefort, avocat en parlement, échevin de la ville de Paris. C'est au cours de ses fonctions qu'elles paraissent avoir été érigées en titre d'office.

1605 Pierre Balthazar, avocat en parlement, d'abord lieutenant du bailli.

1620 Jacques Plantin, avocat en parlement.

1640-1648 Louis de Fontenay, écuyer, sieur de l'Hermitière.

Années suivantes de la Clergerie, exerçant la charge

de bailli par commission, pendant le long procès que soulève l'office de bailli.

Avril 1659-1674: Claude Le Febvre, en même temps substitut du procureur général au parlement de Paris. 1674-1692 interruption de la justice.

1692-1716: Nicolas Auvray, avocat au parlement, lieutenant en l'élection de Paris, précédemment procureur au bailliage.

1718 Alexandre Brisset, avocat au parlement.

1719-1737 Jean-Louis Pelet, avocat au parlement, conseiller en l'hôtel de ville et échevin de Paris.

1737-1768: Claude Nicolas Lherminier, avocat au par

lement.

1768-1790 A. B. Laget-Bardelin, avocat au parlement depuis 1735.

Le bailli de Rochefort est le personnage le plus marquant de cette série. Outre ses fonctions de bailli, que l'augmentation de la population du faubourg à cette époque rendait assez importantes, il était conseiller de ville sous Henri III, et briguait l'échevinage. Lors du siège de Paris en 1589, sa maison du faubourg fut pillée, il fut emmené prisonnier avec un de ses frères par les soldats de Henri IV et dut payer 800 écus de rançon. Accusé néanmoins par les gens de la Ligue, et spécialement par Louchard, l'un des membres les plus fanatiques du conseil des Seize et l'un des auteurs de la mort du président Brisson, d'être dévoué à la maison de Bourbon et partisan secret d'Henri IV, il eut à se défendre au Conseil de ville en octobre 1591 contre ces accusateurs (1). Peu de temps après, Louchard et trois de ses complices, arrêtés

(1) Registres du Bureau de Ville, tomes 9-10 et 11. Voir aussi Journal de l'Estoille, t. V, p. 126.

sur l'ordre du duc de Mayenne, furent étranglés dans leur prison, ce qui porta un grand coup à l'ardeur de la Ligue. Le bailli de Rochefort fut élu échevin quelques années plus tard (1), sous Henri IV. Il prit part aux négociations et aux formalités relatives à la réouverture de la porte Saint-Germain en 1598, ordonnées par lettres patentes du roi, à la demande des habitants du faubourg, pour leur donner le courage et le moyen de réparer leurs maisons démolies et ruinées pendant les troubles, et dont ils ne se décidaient pas jusque-là à relever les ruines, « ne pouvant en trouver aucun louage ».

A l'assemblée de la police générale de Paris, tenue le mardi 13 février 1596, en la salle Saint-Louis, au Parlement, le bailli de Rochefort eut un débat mémorable. Ayant été amené à se plaindre d'une taxe extraordinaire mise par le lieutenant civil au Châtelet de Paris, Séguier, sur le revenu de l'abbaye, il fut pris à partie par le frère de celui-ci, l'avocat du roi Séguier. Il émit des doutes sur la possibilité de payer double taxe après les malheurs et les ruines que les habitants du territoire de l'Abbaye venaient de subir. L'avocat du roi répliqua par la lecture d'un nouveau règlement qu'avait fait son frère, pour contraindre les quarteniers, cinquanteniers et dizainiers de la ville, même par voie d'emprisonnement, à communiquer leurs rôles d'impositions aux commissaires du Châtelet, officiers royaux. Le bailli de Rochefort fit quelques remontrances, afin de conserver les droits de la ville et pour défendre les habitants de son quartier extramuros. Sur quoi l'avocat du roi lui imposa silence, lui disant qu'il n'était qu'un petit avocat, fait échevin depuis

(1) Le 16 août 1595, en même temps qu'Omer Talon.

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trois mois, qui n'avait jamais bougé de cette ville, et n'était même pas bon serviteur du roi, qu'il le ferait bien obéir, que les prisons de la Conciergerie n'étaient pas encore pleines, et ajoutant d'autres propos d'homme en colère. Rochefort fit le surlendemain le récit de cette scène sin

gulière à l'assemblée de la ville, convoquée exprès pour l'entendre; elle lui donna raison, le maintint dans ses fonctions d'échevin, dont il voulait se démettre, et lui promit son appui dans sa plainte au parlement contre l'avocat du roi. Le parlement ne paraît pas, d'ailleurs, avoir jamais eu à statuer sur cette affaire. Il est probable que cette altercation n'eut pas de suites judiciaires.

Les mémoires du temps donnent çà et là d'autres détails concernant le bailli de Rochefort. Dans le journal de l'Estoille, on lit à la date du 5 février 1602 : « Ce jour s'en alla rendre capussin (se faire capucin) le fils de M. le baillif de Rochefort, jeune homme de grande expérience et de bel esprit, et dont il avait jà fait preuve au palais, telles religions (communautés religieuses) ne servant plus que de retraite aux rebellions des enfants contre leurs père et mère ».

Quant au bailli Balthasar, aussi contemporain de Henri IV, il apparaît dans une satire du temps, dont nous parlerons plus loin.

Au décès du bailli Louis de Fontenoy, survenu le 19 mars 1649, une série de difficultés et de procès s'engagent entre sa veuve, l'acquéreur de l'office Melchior du Fresse, sieur de Beausoleil, et toute une légion de créanciers et de sous-acquéreurs. Il serait fastidieux de les raconter, ils durèrent plus de quinze ans, donnèrent lieu à plus de cent arrêts du Parlement, et entretinrent une armée d'avocats dont les copieux mémoires n'ont pas tous

disparu, car il en reste bien une douzaine de dimensions respectables parmi les factums de la Bibliothèque nationale. Voici comment on peut résumer l'affaire en peu de mots :

Louis de Fontenay étant bailli, obtint en 1641 suivant les mœurs du temps (l'édit de la Paulette est de 1604) la survivance de son office pour sa veuve Catherine Coiffier, moyennant le versement de 7.200 livres à l'abbé de Saint-Germain. Quand il mourut, huit ans plus tard, celle-ci céda l'office de son mari, moyennant 48.000 livres, à un vieux capitaine en retraite Melchior du Fresse, peu apte aux fonctions de juge, mais alléché par le produit de l'office qui était d'environ 10.000 livres par an (1). Il paya son prix d'achat à la veuve sans se préoccuper des créanciers de la succession. Or, dans l'ancien droit, les offices avaient le caractère immobilier, et étaient susceptibles d'hypothèque; il fut donc bientôt en butte aux réclamations des créanciers dont l'office était le gage. D'autre part, l'abbé de Saint-Germain refusa de nommer bailli ce vieux militaire, bien qu'il eût réussi à se procurer des attestations de capacité de huit ou dix conseillers au parlement. L'abbé nomma bailli un avocat, Buridan, qui avait pour protecteur un personnage puissant, le surintendant Fouquet. Pendant les troubles de la Fronde, les deux baillis rivaux cherchèrent des appuis dans les deux partis opposés. Le bailliage se divisa en deux camps ennemis, très acharnés l'un contre l'autre ; le désordre et la confusion paraissent avoir été extrêmes pendant plusieurs années. Le procureur fiscal Furetière, auteur de libelles contre Mazarin et la reine-mère, fut décrété de prise de

(1) Au moins 50 à 60.000 francs d'aujourd'hui.

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