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LE BAILLIAGE DE L'ABBAYE DE

SAINT-GERMAIN DES PRÉS

1563-1674 et 1691-1790.

L'Abbaye de Saint-Germain des Prés avait, au nombre de ses privilèges les plus anciens, le droit de haute, moyenne et basse justice. Ce droit féodal, dont le fondement remontait à des lettres patentes de 1272, citées dans un arrêt du Parlement de Paris du 3 juillet 1537, qui ne sont sans doute pas les premiers titres, s'est perpétué jusqu'à la Révolution, après avoir subi bien des restrictions successives, et même une éclipse totale au XVIIe siècle. Nous nous proposons de grouper ici quelques notes sur cette justice, tant d'après des renseignements épars dans divers ouvrages anciens et modernes, que d'après les papiers du greffe se trouvant aux Archives nationales. Les dossiers et registres de la juridiction de l'abbaye conservés aux Archives sont au nombre de 380 (1). Nous ne les avons pas tous compulsés. Mais ceux qui nous ont été communiqués nous permettent de nous faire une idée du fonctionnement de cette justice pendant les deux derniers siècles de son existence.

Bien entendu il ne s'agira ici que de la juridiction ordinaire de l'Abbaye, c'est-à-dire de sa justice civile et criminelle, s'exerçant sur les habitants de son domaine, et (1) Série Z 2

3264 à 3643.

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Plan extrait de l'Histoire de l'Abbaye royale de Saint-Germain des Prez par Dom Bouillart (1724)

nullement de la juridiction religieuse qui, sans doute, dans un passé très lointain, put être confondue avec la première, mais qui s'en distingua de bonne heure. Celleci était exercée par l'official, tandis que la justice ordinaire était rendue par les officiers de l'abbaye. On sait que la juridiction religieuse, après avoir appartenu à l'abbé de Saint-Germain, ne relevant que du Saint-Siège, fut revendiquée au XVIIe siècle par l'archevêque de Pa ris; et que, par une transaction du 20 septembre 1668, confirmée par lettres patentes du 11 octobre suivant, elle fut réduite à l'enclos de l'abbaye, tout le surplus du faubourg Saint-Germain devant rentrer dans la juridiction de l'archevêque de Paris, même l'étendue de la grande paroisse de Saint-Sulpice, sur laquelle l'abbé ne conserva que des droits honorifiques. Ainsi se manifestait dans la juridiction spirituelle la tendance à l'unité, à l'uniformité, que nous verrons s'imposer peu à peu dans le même siècle, dans le domaine que nous avons en vue, celui de la justice civile et criminelle.

L'histoire du bailliage de l'Abbaye à partir du début du xvire siècle, c'est en effet l'histoire de ses démembrements successifs, de ses diminutions continuelles, au profit des officiers royaux. Ces démembrements sont de deux sortes, les uns concernant les matières donnant lieu à jugement, les autres le territoire de compétence. La juridiction royale qui profite de ces réductions est le Châtelet, dont le Prévôt de Paris est le chef nominal jusqu'à la Révolution, dont les chefs véritables sont le lieutenant civil, le lieutenant criminel et le lieutenant de police. Nous envisagerons successivement :

Le ressort topographique du bailliage de l'Abbaye et les modifications qu'il a subies;

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Le personnel judiciaire : bailli, procureur fiscal, greffier, sergents, etc.;

La compétence du bailliage, les conflits de juridiction notamment avec le Châtelet de Paris;

Les justices subalternes de l'abbaye;

Le tabellionage de Saint-Germain des Prés et ses démêlés avec les notaires au Châtelet ;

Les lieux d'exécution des peines.

Nous terminerons par quelques renseignements sur les derniers jours du bailliage.

RESSORT TOPOGRAPHIQUE.

Le bailliage de Saint-Germain des Prés avait, comme toutes les hautes justices, une compétence personnelle et territoriale. Au point de vue des personnes, il exerçait ses droits sur tous les habitants de la seigneurie, sur tous les justiciables domiciliés dans l'étendue du fief. Au point de vue territorial, tous les immeubles compris dans la mouvance du fief, quels qu'en fussent les possesseurs, composaient son ressort topographique. Dom Jacques Du Breul, qui écrivait au commencement du xvire siècle et qui énumère les seigneurs ayant dans Paris justice et censive, dit que l'abbaye de Saint-Germain a justice et censive sur 30 rues (1). Cela doit s'entendre des rues comprises dans l'enceinte de Philippe-Auguste. En dehors du Paris d'alors, le territoire de l'Abbaye s'étendait au sud de la Seine jusqu'à Issy, Vaugirard et Meudon, mais entre ces limites extrêmes, il existait des enclaves importantes, qui le restreignaient sensiblement et qui relevaient

(1) J. Du Breul Histoire de Paris.

d'autres seigneurs (1). Pour ce qui concerne le VI arrondissement, les limites de la justice de l'Abbaye sont bien claires, son territoire y était entièrement compris, à la seule exception de l'enclave des murs des Chartreux et du Palais du Luxembourg, c'est-à-dire le triangle s'étendant entre la rue de Vaugirard, la rue d'Assas et la rue de la Harpe.

Le patronage des cures de Saint-André-des-Arts et de Saint-Côme était passé de l'Abbaye à l'Université, dès le x siècle, mais ces paroisses étaient restées dans la censive, et par suite dans la justice de l'abbaye.

La justice et la censive, qui ne se confondaient pas forcément dans toutes les seigneuries, coïncidaient ici exactement, car tout ce domaine faisait partie du patrimoine originaire de l'abbaye.

Le 22 novembre 1691, un bornage est opéré entre les abbayes de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain des Prés, en vertu d'une transaction qui règle les limites réciproques de leurs seigneuries.

Cet arrangement porte non seulement sur le domaine de l'Abbaye dans Paris et dans le bourg Saint-Germain, mais encore sur les limites de ses seigneuries voisines d'Issy et de Vaugirard.

Un beau plan daté de 1735, fait en exécution de ce bornage et conservé aux Archives nationales, précise le dernier état de la censive de l'abbaye dont les limites sont alors, en dehors des murs, à partir de la rue de la Harpe, la rue de Vaugirard, les murs de clôture du Luxembourg

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(1) L. Tanon, Histoire des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris. Cet ouvrage contient un chapitre substantiel sur la justice de l'Abbaye. Il ne s'étend guère au delà du XVe siècle.

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