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trains, et la foule picaresque et grouillante des réfugiés, mangeant la soupe, buvant, s'agitant, s'interpellant, dans cette grande salle chaude et fumantė.

L'œuvre hébergea aussi des soldats permissionnaires, surtout ceux originaires des pays envahis et des colonies. Une cinquantaine trouvèrent place au début. Plus tard on en reçut jusqu'à plusieurs centaines à la fois. La salle de théâtre organisée pour eux les retenait merveilleusement au logis. Grâce au cinéma et aux chanteurs bénévoles du soir, beaucoup de poilus ont échappé aux dangers de la rue et de l'assommoir. Le Général commandant le V corps a rendu hommage à l'œuvre dans une lettre qui contient ce renseignement typique : « L'enquête des colonels des diverses unités du corps, établit que 28 pour 100 en moyenne des hommes sont malades à leur retour de permission. Cette moyenne est tombée à 7 pour 100 pour les hommes hébergés par la section militaire du Secours de guerre. » « Beau résultat, dit M. Peltier, obtenu par de bien simples moyens : l'inénarrable Valdor nous chantait son Forgeron de la victoire, suivi naturellement de La Madelon, reprise en chœur par les poilus, aussi faux que possible. A dix heures, les débits fermant obligatoirement leurs portes, on levait la séance et nos permissionnaires ne songeaient plus qu'à s'aller coucher >>.

Les mesures de propreté, les méthodes d'hygiène et de prophylaxie avaient une énorme importance dans ces bâtiments occupés par une population de 15 à 1800 personnes se renouvelant sans cesse. Elles furent appliquées sous le haut patronnage de l'Institut Pasteur et sous la direction du docteur Lafosse avec une rigueur scientifique et un soin extrême qui ne se démentirent

jamais. M. Charles Nordmann en a parlé dans un intéressant article de la Revue des Deux-Mondes (1). Quelques cas de typhus furent constatés à un certain moment; sans des consignes impitoyables, qui furent maintenues envers et contre tous, le quartier, qui ne s'en douta pas, eût pu devenir le foyer d'une grave épidémie.

Comment ne pas parler aussi des dames qui ont collaboré effectivement à l'œuvre en s'occupant des enfants, soit à la pouponnière, soit aux écoles? Elles avaient assumé une tâche délicate et s'en sont acquittées avec une compétence et une conscience dignes d'éloges, qui ont évité à l'administration tout souci, toute préoccupation à ce sujet. Trop modestes, elles ne voudraient pas être nommées, mais il faut au moins citer celles qui sont mortes à la tâche ou des suites des fatigues qu'elles s'étaient imposées. On ne peut oublier Mme Jules Coudyser, directrice de la pouponnière, Mlle Élisabeth Cauchy, directrice des écoles de garçons, Mme Flattot, directrice du vestiaire. Inclinonsnous avec émotion devant ces victimes du devoir, patriotiquement accepté et accompli.

Lors des bombardements de 1918, les immenses caves qui se développent sous les bâtiments, sauf sous la façade, avaient été blanchies à la chaux, aménagées avec des tables, et éclairées à l'électricité. Elles servirent d'abris nocturnes non seulement aux réfugiés, mais aussi aux habitants du voisinage. Aussi furent-elles souvent bondées. Le dimanche des Rameaux de 1918, alors que la grosse Bertha faisait rage, M. l'abbé Michel y célébra la messe qui fut suivie par un grand nombre de réfugiés (2). Au cours de son existence de six ans, l'œuvre du Se

(1) Numéro du 15 avril 1919.

(2) Renseignements donnés par M. Lesage.

cours de guerre, ne recueillit pas moins de 5.945.792 francs. A la fin de 1920, le nombre des journées d'hébergement s élevait à 2.611.640. D'après le registre des entrées, les admissions ont presque atteint le chiffre de 200.000. Combien cela représente d'efforts! Combien aussi d'abnégation et de soucis et de tracas vaincus par les dirigeants! Il est juste de dire qu'ils recurent, d'autre part, des encouragements. Les journaux de toute opinion ont maintes fois donné à l'oeuvre des éloges et des témoignages de sympathie (1). De hautes personnalités l'ont soutenue, félicitée et visitée, notamment le Roi et la Reine des Belges, M. Poincaré, M. Clémenceau, le Cardinal Amette, le Général Pershing. M. Léon Bourgeois fut son président d'honneur et M. Barthou son parrain et son premier protecteur.

En ce moment (2) l'ancien séminaire de Saint-Sulpice est en pleine période de transformation. Les derniers réfugiés sont partis en décembre 1921, et le Ministère des Finances a commencé en janvier 1922, à occuper les locaux vides. Au fur et à mesure que les menuisiers et les peintres ont remis en état un étage, les fonctionnaires de l'enregistrement en prennent possession. Le bâtiment éclairé sur la place et celui donnant sur la rue Férou sont déjà en grande partie transformés. Au rez-de-chaussée, à gauche, la galerie intérieure porte encore en grandes lettres l'indication : « Galerie des États-Unis ». Sur les hautes portes de la plus vaste salle, du même côté, sont peints les mots : « Bibliothèque. Cercle. Les civils ne sont pas admis sans être accompagnés »; et au-dessous un écri

(1) Voir notamment, dans la Revue hebdomadaire du 3 juillet 1915, un article de M. Alfred Dumaine, ambassadeur de France.

2) Octobre 1922.

teau récent porte : « 26° bureau des huissiers », et plus loin «< Bureau des actes sous-seing privé synallagmatiques». Dans les larges corridors des étages supérieurs, où les familles logeaient dans des chambres séparées, on lit encore en passant: « Galerie du Pas-de-Calais ». « Galerie de Meurthe-et-Moselle », et des injonctions comme celleci: «< Tout malade qui recevra des vivres sans autorisation sera envoyé à l'infirmerie ». Dans un grand hall vitré, au fond de l'immeuble, qu'on termine pour en faire un dépôt d'archives, se trouve encore une des belles affiches en couleurs que nous avons vues longtemps dans le quartier et qui représente un brigadier de gardiens de la paix, accueillant des vieillards et des enfants au Secours de guerre (1). Cette image symbolise parfaitement l'œuvre qui vient de disparaître, et dont il importe de garder le souvenir.

F. FOIRET.

(1) La principale figure est le portrait du gardien Trécourt.

ACTES D'ÉTAT CIVIL

DELACROIX (EUGÈNE), artiste peintre, membre de l'Académie des Beaux-Arts.

Extrait du registre des Actes de Décès

du VI arrondissement de Paris pour l'année 1863.

No 1804. - Du quatorze août mil huit cent soixante-trois, à trois heures et demie de relevée.

Acte de décès dûment constaté de Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix, artiste peintre, membre de l'Institut, commandeur de la Légion d'honneur décédé en sa demeure, rue de Furstenberg, no 6, le treize de ce mois, à six heures du matin, âgé de soixante-cinq ans, né à Charenton Saint-Maurice (Seine), célibataire; sur la déclaration faite par MM. François-Honoré de Verninac, président du tribunal civil de Tulle (Corrèze), y demeurant, chevalier de Légion d'honneur, âgé de cinquanteneuf ans, et Eugène-François-Charles Legrand, avoué près le tribunal civil de Paris, âgé de trente-quatre ans, demeurant rue de Luxembourg, no 45, qui ont signé après lecture, avec nous Dutertre-Jacques Delaine, adjoint au maire du sixième arrondissement de Paris, officier de l'état civil. Signé: VERNINAC.E. LEGRAND.

DROZ (GUSTAVE), romancier.

DELAINE.

Extrait du registre des Actes de Naissance
du XI arrondissement de Paris pour l'année 1832.

L'an milhuit cent trente-deux, le onze juin à onze heures du matin. Par-devant nous Marie-Joseph Gillet, chevalier de

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