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dans les Arch. s. trad. pop. VIII, p. 225. Dans ses détails, l'usage, abandonné dans beaucoup de contrées, varie de lieu en lieu. A Leysin (Vd), l'époux saute la chaîne tendue devant la porte de l'église, paye la rançon ou offre du vin aux garçons pour leur faire enlever la chaîne et laisser passer l'épouse. Dans cet endroit, chantă la tséna est devenu synonyme de se marier. Souvent les garçons offrent une petite collation et adressent quelques paroles de félicitation aux époux en échange du cadeau d'argent qu'ils vont recevoir. (Ce sont eux aussi qui se chargent des coups de feu mentionnés au § 7). La rançon payée, le ruban est coupé ou enlevé, l'obstacle ôté, et le cortège continue son chemin.

Le rite du barrage a dans beaucoup de contrées dégénéré en jeu d'enfants, qui tendent un ruban pour avoir leurs bonbons, cfr. § 9.

Par confusion, les termes désignant la rançon et le barrage sont souvent pris les uns pour les autres. Pieds de bœuf est aussi le nom d'une chanson que les garçons de l'Ajoie (B) vont encore chanter devant le domicile de l'époux, la veille de la noce ou le soir du mariage. C'est un petit dialogue d'amour dont on trouve le texte dans les Chants patois jurassiens de M. Rossat, Arch. s. trad. pop. V, p. 222 ss. Dans les Alpes vaudoises, la jeunesse donne souvent une sérénade à l'époux, ce qu'on appelle dzui lé-j óbarde (« aubade »). Sur le barrage comp. Daucourt, Arch. s. trad. pop. 1, p. 97; E. HoffmannKrayer, Knabenschaften und Volksjustiz in der Schweiz, ib. VIII, p. 97 ss.; van Gennep, o. c. p. 43 ss., où sont rapportées les réponses de différents correspondants savoyards à un questionnaire ad hoc; Blavignac, Empro gen., p. 168; E. Samter, Geburt, Hochzeit u. Tod, p. 162 ss., où il est question de coutumes analogues dans les divers pays d'Europe, l'Inde, etc.

11. Il ne reste pas grand'chose chez nous du rite de rapt anciennement très répandu chez tous les peuples. Le doyen Bridel raconte que quelques jeunes gens cachés dans une grange située sur le parcours du cortège nuptial s'efforçaient d'enlever l'épouse, défendue par les tsèrmalāi. M. Gabbud

cite de sa contrée (V Bagnes) la coutume de cacher la mariée, qui se prête de bonne grâce à ce jeu, mais qui est toute contente d'être retrouvée par son conjoint (Arch. s. trad. pop. V, 49). Pour le Jura bernois, M. Daucourt relate le remplacement de l'épouse par une vieille femme postée dans la demeure de l'époux et qu'il faut enlever de force (ib. I, 97). Comp. làdessus Samter, o. c. p. 98 ss. (la fausse épouse doit tromper les mauvais esprits qui se rabattent sur elle).

12. Au banquet de noce, on sert les mets les plus friands du pays: jambon fleureté et enrubanné, merveilles, crotelles, etc. Le beurre était souvent façonné en forme d'église. La rǝtya (< rôtie ») était un potage légèrement capiteux où l'eau était remplacée par du vin blanc, mets spécial du matin d'un jour de noces (Vd Ormonts). On a conservé le souvenir de repas extraordinairement plantureux, entre autres d'un qui dura trois jours, en Gruyère (1695, cfr. Valais romand, 15 févr. 1897); le premier jour fut pour les vieux, qui banquetèrent pendant huit heures, le second pour les jeunes, le troisième pour les pauvres, au nombre de 75! Dans le canton de Neuchâtel, l'épouse offrait une collation, appelée tarya-fær (litt. « tirée-dehors ») à ses parents et amis avant de se rendre à l'église.

13. Pendant le repas et après qu'ils se sont retirés, les mariés étaient souvent en butte à toutes sortes de taquineries: allusions à leur premier enfant, on démonte leur lit, coud les draps, et autres grossièretés du « bon vieux temps », mais ce qui pouvait leur arriver de pis, c'était qu'on les forçât à manger l'ofa ou la soupa forays. Les tsèrmalai pénétraient de force dans la chambre nuptiale et leur offraient un potage au vin, très épicé. Malheur à ceux qui essayaient de se soustraire à cette épreuve. La coutume ne nous est attestée que pour le canton de Vaud, où elle doit encore se pratiquer secrètement, malgré les interdictions réitérées, sur lesquelles cfr. J. Olivier, Cant. de Vaud, p. 356-357; Cérésole, Nos fêtes de jadis (Au foyer rom. 1899, p. 147; il y est aussi question des charivaris, p. 153 ss.). M. van Gennep, o. c., y voit un rite fécondateur. La coutume existe aussi dans les pays allemands (Brautsuppe).

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14. Croyances et usages divers. Cadeaux: En Valais, l'épouse paye quelquefois la rançon à ses compagnes de jeunesse en leur donnant un mouchoir. Parmi les dons que faisait l'époux à sa conjointe à Neuchâtel mentionnons l'ancienne boîte de senteurs appelée civette. Après la cérémonie, la mariée mettait mystérieusement dans la main de ses amies un ou deux quarterons d'épingles, en retour de quoi elles lui donnaient une pièce d'argent (J. Olivier, Canton de Vaud, I, 357). Les époux donnent deux épingles à tous leurs amis, en outre un mouchoir à leurs parrains et marraines (V Champéry). Le tour de noce, avant la construction des chemins de fer, était une rareté. Depuis, il devient de plus en plus commun. Les couples catholiques se rendent de préférence à Einsiedeln. Au dîner de noces, on présentait le gouzənyon (entamure du pain) à celui qu'on présumait être l'époux suivant, et le papè è Xindre (bouillie mêlée de cendres) à ceux qu'on estimait trop jeunes pour faire l'amour (F). Il ne faut pas se marier au mois des chats (février, Vd Blonay). Revenir sur ses pas, c'est-à-dire revenir de l'Eglise par le même chemin, porte malheur (ib.), de même de rencontrer un enterrement en route ou un cercueil à l'église (passim). Pour s'assurer le bonheur, il faut casser quelque chose dans la maison, le jour du mariage (Blonay). Si l'épouse chante, si on entend des pleurs d'enfants, il n'y aura pas de progéniture. La bise annonce que le mari mourra d'abord, le vent que ce sera la femme, ou vice-versa. La bise assure en outre le pouvoir à monsieur, le vent à madame. La pluie indique la prospérité du nouveau ménage: il aura des enfants, de bonnes vaches laitières, etc. Si l'un des cierges brûle plus vite que l'autre à la messe nuptiale, la vie du conjoint. le plus rapproché de ce cierge est menacée. Il est néfaste d'essayer le voile et la couronne avant la noce, l'époux doit se garder de cracher dans le cendrier avant de se marier. Marcher sur la traîne d'une dame signifie qu'on sera invité à sa noce (G, N).

Pour ce qui concerne le trousseau, voir tròsi; pour les expressions par lesquelles mari et femme se désignent mutuellement, voir mari; pour mégère, voir fena; pour l'épouse de mai, voir me. L. GAUCHAT.

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