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LA TRILOGIE DE LA VIE

Série d'articles-spécimens du Glossaire romand

sur la naissance et le baptême,
le mariage, la mort et l'enterrement.

Il n'y a pour l'homme que trois événements: naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir et il oublie de vivre. LA BRUYÈRE.

I

Nèsansə, s. f. naissance.

Très peu usité, emprunté à la langue française. Le e est quelquefois allongé: nésansɔ ou nèsansa (V, N, B)1; épaississement habituel de l's: nèchanchè (V Salvan, etc.), nèsanchǝ (B Malleray); finale en (2) ou è, selon les patois.

Noutra viya s'èkgolè onkòr ruido intrè lyao dou-z instan dɔ la nésansa è da la mòr, notre vie s'écoule encore rapidement entre ces deux instants de la naissance et de la mort (Vd Ormont-dessus). Aveuglo dè nèsansə (V Lourtier). Li pour safron di la nésansa tinkè a la mó, les pauvres souffrent depuis... (V Leytron). Dè touppa sur on lit eill avant preis nessanhe, sur un lit de mousse ils (deux agneaux) avaient pris naissance (Python, Egl. I, p. 23 de l'éd. Moratel). Son djò d'näsans, anniversaire (Rossat, Develier, B).

1. La rareté du mot s'explique par son inutilité. Pour annoncer une naissance, on se sert plutôt des mots pour naître ou accoucher (voir sous nétra, akutsi), ou de périphrases: il y a

1 Les cantons romands sont désignés par les sigles suivants : Vd: Vaud, G: Genève, V: Valais, F: Fribourg, N: Neuchâtel, B: Berne.

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du nouveau, du frais; y'é zu du béton ané « j'ai eu du béton (colostrum) cette nuit (Vd Leysin). Rare: la venya (au monde) =naissance (Vd Penthalaz, Rougemont).

2. Autrefois on attachait une grande importance aux << signes (du zodiaque) sous lesquels l'enfant naissait. Il fallait venir au monde sur une bonne < planète »; voir les restes de ces superstitions sous plyanèta.

3. Aux enfants indiscrets qui s'informent de l'origine de notre espèce, on répond qu'on les a trouvés dans un chou, sous une feuille de chou, dans une courge, qu'on les a achetés à la foire, à Genève (se dit dans les villages genevois), que la sage-femme les a apportés (elle en possède une chambre noire toute pleine, V Praz-de-Fort), rôle attribué parfois aussi à la cigogne (Vd isolément, par ex. Penthalaz, Ormont-dessus, cette explication paraît être d'origine allemande). A Leysin (Vd) la cigogne, qui n'existe pas dans la contrée, a été remplacée par une pie. A Lourtier (V), on raconte que l'enfant a été découvert dans un coin de la maison d'habitation ou du grenier, finement emmaillotté et coiffé d'un bonnet blanc. On y dit aussi qu'il est descendu du ciel ou par la cheminée. Dans plusieurs endroits, on a recours à des traditions locales: les enfants naissent sous un gros bloc de granit, la « Pierre à bourdons à Praz-de-Fort (V), la « Pierre-à-Bot » à Neuchâtel; ils sont trouvés dans des cavités d'accès très difficile nommées l'Aiguë roche (l'Agua ròtch), au N-E des villages de Plagne et de Vauffelin. La sage-femme seule en connaît exactement l'entrée. Elle va les prendre dans la Ba.n-Bokyat (Baume Bequillette), grotte qui se trouve dans une forêt à l'Est du village de Charmoille. A Champéry (V), ils sont apportés par La Besse, femme qui vient de la Savoie; à Grimentz (V), par l'ermite, etc.

4. Au val d'Anniviers (comme dans le Haut-Valais), on avait coutume de mettre un fromage de côté, quand un enfant naissait. Des traces de cet usage existent ailleurs. Au canton de Neuchâtel, c'était du vin qu'on conservait jusqu'au mariage de l'enfant; voir l'anecdote rapportée sous le titre Le vin de bap

téшe par le Conteur vaud. 1897, n° 22. Ailleurs encore, il arrive qu'on plante un arbre au verger en mémoire de la naissance de l'enfant.

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5. L'accueil souvent très différent fait à l'arrivée d'un garçon ou d'une fille se manifeste diversement dans notre vocabulaire. Lorsqu'un garçon paraît, c'est un «héritier », « on dzorai (bûcheron, V Vollèges), on brantṛrə» (porteur de < brante », Vd Penthalaz), « on chudd » (soldat, F), ‹ on kòyu » (porteur de c......., Vd). Phrase notée à Bernex (G): mon kouzain Jòzon payǝ a bār a tò lə mond', al è kontä, sa fè̟nå a fé on gǝlyon, mon cousin Jozon paye à boire..., il est content, sa femme a fait un guillon» (verge). L'expression la plus répandue est on bats pour un garçon et on ou on.na dəmi-bats pour une fille. (Nombre de patois ne connaissent plus que le dernier terme). En voici l'origine: Lors du baptême, les parrains et marraines remettaient autrefois aux parents d'un garçon une étrenne d'un batz (env. 10 centimes), à ceux d'une fille seulement un demi-batz. De là l'usage de dire: ā-tou zu on bats obin on.na dəmi-bats pour: as-tu eu un garçon ou une fille ? Dans le Bas-Valais, la naissance d'un descendant mâle est appelée une journée entière, d'une fille une demi-journée. « Il a perdu sa journée », dit-on également d'un père, en ce dernier cas, à Noiraigue (N). A Plagne (B), un garçon non encore baptisé est désigné comme gran də byä (grain de blé), une fille gran d'avain.n (gr. d'avoine). A cet usage se rattache le terme de grain de café pour une fille à Savigny (Vd). Le mot le plus courant pour déprécier une fille est sòflya-fu (souffle-feu, Vd, V, F); isolément on rencontre: kazənçirə (cuisinière, V Vollèges), késeta (caissette? V Mage), « encore une du tablier > (V Vernamiège). L'expression « ce n'est qu'un subyè » (sifflet, Vd, V), semble rappeler la coutume d'accompagner le baptême d'une fille de coups de sifflets. Les jeunes gens, écrit M. Isabel, se cachaient près du temple et faisaient de grosses sifflées avec les doigts, pour mortifier le père. La même habitude nous est rapportée de Leysin. Les tournures obscènes ne manquent pas :

une fille est un (garçon) fendu, la sage-femme l'a mis éclater sur le poêle (Alpes vaudoises); katseta də jilè (poche de gilet) pour fille », (Vd Savigny) doit probablement être rangé ici. Bouebou d'avè (garçon d'hiver, F et B) est plus poli. Mais la phrase rapportée par un correspondant de Vermes (B) s'ā în pó pu k ran, « c'est un peu plus que rien », marque le comble du mépris. Voir les variantes phonétiques de ces mots sous bats, sòflya-fü1, etc.

6. Les désignations d'une femme qui à beaucoup ou qui n'a pas d'enfants sont réunies sous fèña.

Netrǝ, v. n. naître.

nétr(è) (Vd, G, Bas-Valais, B); nītrè (Vd Pailly, V Liddes, rare); nätrè (Vd Chenit); nätr (B Develier); něhrè (V Lens); névrè (V Grimentz); néxi (x = fricative vélaire, Lavallaz, Pat. d'Hérémence, p. 229, V, forme suspecte; nitrè de Pailly est également surprenant). Lourtier (V) et M. Courthion (Voc.) indiquent que ce verbe n'a pas d'infinitif. Autres formes: 3o p. ind. prés. è nä (B), i né̟vè (V Grimentz); part. p. né, forme française, presque partout, fém. idem ou néya (Vd); formes anciennes seulement en Valais: nékou (Savièse), néku, f. nékua (Chamoson), natyu (Bagnes), nètyu (Liddes), néxou (Hérémence), remontant à un type latin *nascutus. La forme natus s'est conservée dans les composés marnā, bàrnā; voir sous ces mots.

Itrè né su on bon (krouyou) sinyou, être né « sur » un bon (mauvais) << signe » (Vd Montherond). Mặrna l'òoujéi k’èn pòouro la è né, tòzòr i chè ratré, (tout) malheureux (qu'est) l'oiseau qui en pauvre lieu est né, toujours il revient (Gilliéron, Prov. de Vissoie). È vouèrin k'an vnyin d'nétr― di bon dua faxin l'métr, ils voudraient qu'en venant de naître du bon Dieu (ils) fussent le maître (chanson pop. contre les garçons, Rossat, Arch. s. d. trad. pop. VII, p. 84, no 155, 4).

1 Articles qui figureront dans le Glossaire, comme d'autres auxquels nous renvoyons ici.

1. Ce verbe, très peu usité1, est presque complètement remplacé par l'expression « venir au monde, surtout dans les cantons de Fribourg, de Neuchâtel et de Berne. Principales formes: vani ao mondo (Vd); vənïn, əni u mondo (V); vini ou mondo (F); mni à mónd (B). Immédiatement après la naissance, on dit aussi l'enfant « est là » ou « est arrivé ». Dũa sè bni, èl a li, Dieu soit béni, il est là (B Epauvillers). A noter que le latin parĕre n'a plus de correspondant direct dans nos patois, comme c'est aussi le cas en français. Voir les locutions usitées sous akutsi (accoucher).

Batemo, s. m. baptême.

batemǝ (Vd Alpes, aussi bātèmə), batemo (Vd Vaugondry, V Savièse, F Sugiez), batémou (Vd Montherond), batemə (Vd Sassel), batè̟mo (Vd Penthalaz, V Salvan), batämou (Vd Chenit), bātèmo (Vd Frenières), bātémou (V Praz-de-Fort), bātemo (V Champéry; Jeanjaquet: batèmó), bătaimo (V Bagnes), bātèimo (V Liddes, Isérables), bātimo (V Vionnaz), batiŋmo (V Evolène), batimo (V Anniviers), batin.mo (V Vernamiège, Mage), baotém' (G Aire-la-Ville), båtäm2 (F), bètèm' (N Cerneux-Péq.), batèm' (B), bātèm' (B Develier). Pour N, voir plus loin Hist.

=

Ală in pérè u batèmə, aller « en père» au b. entrer le premier à l'église en qualité de père (Vd Ormont-dessus). La grās' du bātémou (V Praz-de-Fort). Oün batīmo dè plouòzə, ...de pluie (V Grimentz). Parin de bataimo, parrain de b. (V Chable). Lə båtèmə lè lə prəmi dè sakrəman (F Granges-deVesin). Rèzèrva lɔ båtèmə, expression employée quand on com. pare un animal à une personne au point de vue physique (F). Not fa.n a-t èyu mālèt dou moua d'tan, èpà nòt vètch', rèzèrvä I bătèm, ā èchbïn mālèt', notre femme a été malade deux mois de temps, et notre vache, réservé le baptême, est aussi malade (B Develier). Soun.nä in batèm', sonner un b.; tiria în b., tirer

1 Les participes passés valaisans tirés de *nascutus et le dérivé naxon, vulve (Vd et F), de *nascione, prouvent que le verbe vivait autrefois d'une vie plus intense.

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