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de l'all. knappsack. Au point de vue géographique, l'explication satisfait entièrement pour le Jura, le mot allemand étant bien attesté pour l'allemand soleurois et bernois1.

Le second mot intercantonal est:

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2. moué, s. m., apparaît en Suisse dans des régions peu cohérentes: Plaine du Rhône, Montana, Gros-de-Vaud, Genève. Mais la carte 1285 de l'Atlas ling. nous apprend que le mot, au sens général de tas', est couramment employé dans les deux dép. de la Savoie, dans la vallée d'Aoste et dans le dép. de l'Ain. C'est un terme franco-provençal dont l'origine n'est guère douteuse. Deux formes de la Haute-Savoie, mwèl, ainsi que de nombreux dérivés verbaux en Suisse comme mouilā, inmouèlā, demouèlă, etc., montrent clairement que é remonte à -ellus. Quant au radical, ce ne peut être que le latin modus, s.m., mesure, manière', d'où proviennent par des voies diverses les mots français moule (dérivé populaire de modulus), module (dérivé savant) et modèle (emprunté à l'italien modello). Quant au développement du sens, il faudra supposer que modellus a servi à désigner un tas (de foin, de blé, etc.), soigneusement construit d'après un modèle', une forme déterminée dans le genre des meules de foin et servant peut-être en même temps de mesure. (Cf. aussi le heinzi du canton d'Uri, qui consiste en une espèce de chevalet formé de plusieurs bâtons croisés, auquel on fixe le foin pour le préserver de l'humidité du sol.) La preuve que les mots pour, modèle, forme' peuvent prendre le sens général de tas, nous la trouvons dans l'inappréciable Atlas de Gilliéron, dont la carte 1285 traduit tas de fumier', entre autres, par moudelo (m., Haute-Vienne et Corrèze) et form (Maine) 2.

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Les termes cantonaux proprement dits sont peu nombreux :

1 Quant au Valais, il fait difficulté, le mot étant inconnu, par ex., à Münster et à Morel (Haut-Valais allemand). Il n'est pas probable que le mot ait été introduit en Valais par l'intermédiaire du canton de Vaud.

2 Ajoutons que la même carte donne mouloun pour la Provence, mot qui représente un modulonem.

3. moul, s. m. (Neuchâtel) correspond sans doute au français moule, cité plus haut, et illustre une fois de plus le passage sémantique de modèle' à, tas '1.

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4. monsé, s. m. (Jura bernois) et isolément mouché (sic), s. m. (Saint-Luc, Valais), correspond à monceau, répandu au sens général de tas dans les dép. de la Haute-Saône et du Doubs. Enfin quelques termes isolés :

5. avoulya, s. f. (Vallée du Rhône, de Chamoson à Yvorne). Le nom provient de la perche appelée, aiguille' au moyen de laquelle on transporte ces tas de foin;

6. vayiə, s. f. (Mage, Valais);

7. rez, s. f.? (Clos du Doubs).

A ces deux listes, il faut en ajouter une troisième, celle des termes insuffisamment déterminés.

koutsè, s. m. (La Côte, Vd.), kuvè (Genève), français popu laire cuchet, se retrouve en ancien français cuchet, cuchon, tas de foin (Godefroy)2. Le mot signifie aussi, sommet, extrémité' (Bridel). (Se rattacherait-il à gutsch, gütsch de la Suisse allemande, qui signifie, petit monticule, mamelon '?); fortcha, s. f. (Vaud, Fribourg, Genève), propr., fourchée'; mounton, s. m. (Haut-Valais romand), terme général pour tas, dérivé de mont3 (Godefroy connaît le mot au sens de troupe'); doblè, s. m.

1 moule désigne aussi une ancienne mesure pour le bois (25 pieds cubes, Bridel) dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud, et en Savoie. Cf. Littré, Supplément. De là peut-être le sens de grand tas en général, puis gros tas de foin.

2 Le mot est sans doute de la même famille que le provencal moderne encucha, entasser, mettre en meulon (Mistral); kutson, '956; kutchoun, 980; kuson, 818, 912; koson, 924; koutchoun, 889; peut-être aussi kichon, 920; kitchoun, 971; toutes ces formes d'après la carte tas de fumier' de l'Atlas de Gilliéron.

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3 Mont seul signifie tas' dans beaucoup de patois gallo-romans (Pas-de-Calais, Tarn, Aude, etc.). Les dérivés en sont nombreux : monceau, montet, montel, mountchou (Provence), toujours au sens de tas (Atlas linguist., carte 1285).

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(Orsières, Praz-de-Fort, Valais); kouè, s. m. (Le Brazel, Neuch.), propr., cours', mot qui dans le Jura bernois désigne le tas à la grange, v. p. 50; mabr, s. m. (Le Brazel, Neuch.), propr. membre', probablement au sens de partie d'un tout, d'une série (cf. le mot suivant); morsey, s. m. (Noiraigue, Neuch.), propr., morceau'.

VIII. Le chargement.

Le soir du second jour approche, le soleil a donné très fort. Le foin est bien sec, il exhale des parfums délicieux, les

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faneurs sont contents, ils attendent le char à ridelles pour y charger le fruit de leurs efforts.

Le char arrive; on ne peut charger partout, il faut choisir son emplacement. Si le terrain est fort en pente où s'il est marécageux, on ne peut y conduire le char, il faut transporter le foin à la place favorable, appelée tserdja, chargeoir' (Frib.) 1. : Bien charger est un art. Voyons en quoi il consiste. Pour

1 Cf. passoir

= endroit (d'une clôture, par ex.) où l'on peut passer.

charger, nous écrit un correspondant genevois, il faut au moins trois hommes: un pour donner, le bailleur, un pour arranger sur le char, le chargeur, et un troisième pour râteler les débris de foin éparpillés autour du char. Le terme le plus commun pour donner, c'est balyi, mais on dit aussi : lèva (Vaud et sporadiquement Fribourg), tindrè (Vionnaz, Valais), tchïnpè jeter' (Franches-Montagnes). La Suisse allemande se sert de uegä, litt. donner dessus, et u gäer, litt. donneur dessus.

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Pour arranger le foin sur le char, travail fort délicat, on dit partout charger, all. lade. Celui qui le fait est le char

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geur ou lader. On trouve aussi charge-foin (Fribourg). Sporadiquement on emploie invoua à Vionnaz, intsana à Saint-Luc, intretsavutiyi (?) en Gruyère.

Passons en revue les opérations du chargement1.

Le char vide est placé le long des, tas à charger'. Le bailleur' pique dans le tas avec sa fourche, et, faisant un effort, présente la fourchée au, chargeur'. On remplit d'abord le char à ridelles jusqu'aux bords. La quantité de foin ainsi réduite et bien serrée s'appelle échellée (Vaud et Berne) ou échelage (Berne). Tout ce qu'on place au-dessus de l'échellée' c'est le lit' (yé, Berne). Il n'est pas facile de bien construire le

1 Je prends pour base le système pratiqué aux Bois (Berne), où j'ai étudié le sujet.

lit'. La première chose qu'on fait, ce sont les quatre, coins', à gauche, à droite, en avant, en arrière. La fourchée placée au coin, qu'il faut plier adroitement, s'appelle kouèna, s. m.,petit coin' ou kar dans le Jura bernois, épōl, à Genève (?). Entre les deux kouèna, on fait entrer de force une troisième grande fourchée, qu'on appelle la serre (sär, les Bois). Voir le croquis p. 49. Ceci fait en avant et en arrière, on introduit les fourchées du milieu en les faisant entrer les unes dans les autres. Une couche ainsi construite s'appelle la levée (Vd, Berne). On en compte quatre à cinq pour un char. Chacune des ,levées' se commence au même bout où l'on a terminé la précédente. Le lit' présente ainsi une série continue de contours. Poser les fourchées sans les rouler se dit à Genève charger à plat; les poser en les roulant pour faire le coin, se dit charger à breta à Genève, plyata en Gruyère, tranplya dans la Broie.

Le char chargé, on pose la presse ou perche, on la fixe au moyen d'une corde, qu'on serre avec le tour à l'arrière du char. Heureux de la bonne récolte, on rentre et l'on engrange (ingrandzi), comme disent tous les patois romands. Isolément on trouve cacher (Valais, Neuchâtel).

IX. Le déchargement.

Le char bien placé sur l'aire de la grange, on commence à décharger'. Pour cela, il faut deux hommes au minimum: 1. celui qui donne, le déchargeur', et 2. celui qui reçoit et dispose les fourchées sur l'emplacement destiné au foin. On l'appelle rtirou, s. m., retireur dans les Franches-Montagnes.

Pour le tas de foin à la grange, en allemand Heustock, la Suisse romande se divise en deux groupes. Le gros des patois dit:

tètsə (tètch, tès, fr. pop., tèche'), s. f., employé partout, sauf dans le Jura bernois. Le mot se retrouve en Savoie et en Franche-Comté. Il se rattache à tas, entasser, anc. fr. tasse" d'origine germanique. Le Jura bernois seul dit ko (kor, kouè, fr. pop. cours'), s. m., compartiment de la grange destiné au

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