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Vó-z-éta an-n-èpraga! kauǝta don vitaman!
70. Lè vouala tx à chāsè, lé-z-ờyə yi viran.
Ā vinègra, à vinègrə! vitə di brintəvin,
Vou bin èportề yi lè tchannata di văn l
Sigan.nyiǝ-lè gèyè : lə malėjɔ lè tūɔ.

Toua, koua vita à liin pò i èpòrtè di brūa.
75. Txǝ tɣétɣün älə pi lə dòktòr chòcha-m'i !
Portè lè chu son yé! mèdèmə an vè mæri.
I grəmə djè lé dan, son vézèdjə à tchindjia.
Loulé ! d'in virə-min i vè étra viria !
Elè! mon dua, elè ! i tīra lé dəriǝ.

80. I é djè la rinkouaya; i pè pò l'ātra viǝ.
Vin kouālin èprè lé djintỵ an l’étèrnitè,
Efin də rəmèrkè də tɣé kótè i ādré.

I tīrə dəvoua lə sīə; vouayan sə i antrǝré.

A. ROSSAT.

Vous êtes comme une souche! courez donc vite!
70. La voilà qui est pâmée ! les yeux lui tournent.
Au vinaigre, au vinaigre! vite de l'eau-de-vie,
Ou bien apportez-lui la burette du vin!

Secouez-la vigoureusement: le malaise la tue.

Toi, cours vite à la cuisine pour lui apporter du bouillon. 75. Que quelqu'un aille chercher le docteur Souffle-m'y! Portez-la sur son lit! Madame en va mourir.

Elle grince déjà des dents, son visage est changé.
Parbleu! en un tour de main elle aura défunté (litt. elle
va être tournée).

Hélas! mon Dieu, hélas! elle est à l'agonie (litt. elle tire
les derniers).

80. Elle a déjà le râle, elle part pour l'autre vie.

Allons doucement après elle jusqu'à l'éternité,
Afin de remarquer de quel côté elle ira.

Elle se dirige vers le ciel; voyons si elle y entrera.

Vōz-ét an.n « épraga » (è ou à bœyi)! fut don vitə

70. Lè voèla k'a syāsè! léz-æy yi viran.

Ā vīn.nègr3, ā vīn.nègr! vit di brantəvin,

Vou bin èpotchè-yi lè tchan.nať di vin !

[man!

« Sigan.nyia »-lè (ch3kout-lè) gèyè : lo malèjɔ lè tuɔ. Tòè, fu (ou rit3) vit an lè tyæjin.n2 po y'èpotchè di bruə. 75. Kə kékün alə tyri lo doktær xoəx3-m’i (xoəx3-mə-yi) ! Potchè-lè chu son yé! Mèdèm an væ mæri. Èl grəm3 djə lé dan, son vizèdj à tchīndjiə.

« Loula » (poèdé !) d'ïn vir3-tè-mīn èl væ étr3 viria! Ele! mon Dua, élè! èl tir lé d'ria.

80. Èllé djǝ lo rinkaya; èl pè po l'ătr2 við.

Vin koualin èpré lé djink an l'étèrnitè,
Èfin də rəmèrtyè də ké san èll'ādré.
El tir d'va l'si; voèyan s'èll'antrǝré.

F. FRIDELANCE.

ÉTYMOLOGIES

-

1. Val. bisse, s. m., « canal d'irrigation ».

Le nom des fameuses conduites d'eau du Valais n'est pas si énigmatique qu'il semble l'être au premier abord. Ce n'est pas autre chose qu'une variante phonétique du mot français bief, qui provient du germanique bed (lit de ruisseau) 1. Le mot est répandu dans toute la Suisse romande, et prend entre autres les formes suivantes: bis' (Evolène, indéclinable), bay (Bas-Valais, Vaud), be (Fribourg), bi (Montagnes neuchâte-. loises), bia (Berne). Il signifie canal, petit ruisseau, torrent, et se rencontre, comme de juste, fréquemment parmi les noms de lieu. Ceux qui prétendent que les Arabes ont introduit les

1 Pour le sens, cfr. les dérivés de fosse, val, avec le sens de ruisseau sur la carte 1175 de l'Atlas linguistique de la France.

bisses en Valais, ne seront pas satisfaits de cette étymologie; car une chose arabe ne saurait porter un nom germanique.

Reste à expliquer la forme bis', qui a passé dans la langue des touristes et qui a par là acquis droit de cité en français. Généralement les patois romands confondent les voyelles latines ē et è accentuées en syllabe libre; ainsi les mots tēla et lepore offrent aujourd'hui dans le Gros-de-Vaud les formes tayla et layʊra. Les patois des cantons de Neuchâtel, Berne et de la partie du Valais romand située à l'Est de Sion distinguent les deux résultats. Nous avons donc le schéma:

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Quant à l's finale, elle nous rappelle qu'en vieux français, à côté de bief, l'on rencontre souvent la forme biez, dont l'équivalent existe aussi dans nos anciens documents. Ainsi à Neuchâtel: ou beyz de la Roche; juxta le beyz (Extentes du Val-deTravers, vers 1340). Parmi les différentes latinisations, la forme becium témoigne également de la prononciation * biets: Juxta becium labentem de Ruvinis nigris ex oriente (Ormont-dessus, 1427).

M. Meyer-Lübke a certainement raison de voir dans biez et bief des essais imparfaits de rendre la prononciation germanique bed (Gramm. rom. I, § 557 et II, § 20). Puitspelu cite également deux formes, bi et bis', pour le dialecte lyonnais. Un radical avec -s est postulé par les dérivés valaisans tels que bizèť, petit bisse, etc. Tandis que presque tous nos patois laissent s'amuïr les consonnes finales, certains de ceux du Valais en conservent quelques traces. C'est ainsi que -s subsiste à Evolène comme reste d'un ancien *-ts, témoins digitos drèys, muttos

dèys, directus

* dreits

*

* deits * mots mòs, filius — *fi(l)ts - fis, pilos - * pei(l)ts peys, etc.

1 L'ancien *lievra a été traité comme *gieres (voy. Bulletin, VII, p. 52). li ont fusionné et l'accent s'est fixé sur l'e. L'évolution normale est représentée par měl mi, mědicu = mīdj, etc.

2. Français pop. dégremillé, « dégourdi ».

A propos de déquepiller, de déquepiller, « débarrasser », expliqué par << enlever les cupules des noisettes », etc. (voir Bulletin, VII, p. 58), plusieurs de nos lecteurs m'ont rendu attentif à l'expression dégremillé, part. p. de (se) dégremiller, « (se) dégourdir, se déniaiser, se défaire de sa rusticité, de sa gaucherie », aussi « remuer, se donner du mouvement » ; comme verbe actif, < développer, éveiller, éduquer ». Ce mot doit évidemment son origine à une idée analogue: dégremiller, en patois dègramǝlyi ou dégroumǝlyi, paraît avoir signifié d'abord « sortir les grumeaux, c'est-à-dire noyaux de leur enveloppe ». La base latine serait donc *grūmiculum = noyau, qui n'existe plus comme tel, mais qui persiste sous la forme diminutive grəməlyon peloton, grumeau de farine dans la soupe (voir Bridel, sous gremelhon). Le mot actuel pour noyau mangeable ou amande d'une noix, noisette, etc., est gramó, qui remonte à *grumaculum, et qui a donné naissance au verbe grəmalyi, < casser les noix, séparer l'amande de la coque ».

3. Chermontane, nom de lieu.

=

Chermontane est le nom officiel, figurant sur les cartes géographiques, d'un grand alpage qui forme l'extrémité du val de Bagnes. On le traverse avant d'arriver à l'admirable col de Fenêtre de Balme, qui relie le Valais au val d'Ollomont.

M. Jaccard explique le nom, dans son Essai de toponymie, p. 85, ainsi que dans le Dictionnaire géographique de la Suisse, par le mot vieux français sermontan, nom du Laser Siler, ombellifère très abondante à la Petite Chermontane. C'est une des nombreuses étymologies de M. Jaccard, dont l'œuvre est du reste très méritoire, qui ne sauraient être approuvées par la linguistique. D'abord le vieux français, qu'il fait souvent intervenir à l'appui de ses hypothèses, n'a rien à voir ici, car on n'a jamais parlé cette langue dans nos montagnes. Nost patois et le vieux français ont un fonds commun de mots tirés du latin ou d'autres sources et que la langue française actuelle ne possède plus. Dans ce cas, les documents de l'ancienne France fournissent des variantes de même origine, et rien de plus. La plante en question porte, du reste, toujours en français le nom de sermontain, autre raison pour ne pas invoquer la

vieille langue1. Je préfère, sous ce rapport, le texte du Dict. géogr., où il est dit que Chermontane vient de sermontan, nom patois du Laser Siler. Mais est-il vrai que la plante s'appelle ainsi chez nous? Durheim, Schweiz. Pflanzen-Idiotikon, indique les prononciations semontain et sermontin, Bridel donne en outre sermet et semontan, Savoy n'enregistre que sermontain; pour le Valais, les matériaux du Glossaire offrent invariablement sǝmontan, sans r. Si l'on met en regard de cette dernière forme, seule valable en Valais, l'appellation patoise de Chermontane, c'est-à-dire tsarmòtana, que j'ai eu l'occasion, cet été, d'entendre dans tout le val de Bagnes, on s'aperçoit bien vite que les deux noms n'ont aucune espèce de rapport. La lettre n du nom français est due à une simple fantaisie de géographe. Il est aussi peu probable qu'on ait donné sans autre le nom d'une plante à toute une alpe.

Notre vaillant correspondant bagnard, M. Gabbud, me suggère une origine bien plus satisfaisante de tsarmòtāna. Ce serait, d'après lui, Calmis Augustana, c'est-à-dire la chaux2 des Valdôtains. En effet, la Chermontane a été longtemps un sujet de litige entre les deux populations. Elle est célèbre par un procès qui remplit presque tout le XVIe siècle, à la fin duquel l'alpe fut adjugée au territoire actuellement suisse. Le nom de Mauvoisin désignant la contrée la plus rapprochée serait-il également un souvenir d'anciennes luttes ?

L'histoire du nom de Chermontane met en relief deux choses: le secours précieux qui peut nous être donné encore par les indigènes intelligents, et le fait que seule la forme patoise de nos noms de lieu doit servir de base dans nos recherches étymologiques. Elle montre donc l'urgence et l'utilité des études poursuivies avec tant de zèle et de compétence par M. le prof. E. Muret. L. GAUCHAT.

1 Voir les noms gallo-romans de la plante dans Rolland, Flore populaire, VI, 116-117. Sermontain dérive apparemment de sil montanus ou montana: on trouve aussi cermontaygne, f., dès le xe siècle. 2 Sur ce mot, voir Bulletin, IV, p. 3 ss.

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