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pityou, da (-oldus?), qui puissent nous tirer d'embarras 1. On a lieu de s'étonner que des mots offrant si peu de rapports avec le suffixe en question aient pu provoquer la constitution d'un type nouveau (-èr) i, -īda, et que des mots aussi fréquents que bi, bala, beau, et novi, novala, nouveau, ne l'aient pas empêchée. L'embarras que nous éprouvons en face de ce féminin en -da montre bien, je le répète, l'intérêt et la nécessité d'études d'ensemble sur les suffixes des langues littéraires et populaires.

L. GAUCHAT.

1 Comparez les exemples français que je choisis dans l'article précité de M. Nyrop: bedeaude, boyaudier, échauder (de chaux), marivaudage.

TEXTE

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I pèsta a Nin"da1.

TRADITIONS LOCALES EN PATOIS DE HAUte-Nendaz (Valais).

Dean kya chei arouși i pèsta də an meè sën sin è Ni̟nnda, y aei oun shyon.nį kyə dəjan2 Fransei Dzīlo dü Tsablo. Oun dachanndo kya vinyei di Shyoun3 də né at ō tsağ, a atrapei1 ounm pouro vào kya poei pa mì cha trangyia, è chẻ uyè èy a daman"da cha ouei ashya aa moun"ta ch ò shyo tsaa. Franser Dzilo a di kya ouè, k'ouchei pyè jü èna6. Chon rin jü kounm bokon kya i tsaa è ju fèin a èprüa. I shyon.ni a ën"tèroug a ché vyò deky aei k i̟rə tan pɔjan, kyə i shyò tsaą pòrtặè trei a katra kyënnta da cha chin cha anye, è ora ira trabatü ën.n ordo rin kya pòr ounm pouro vyòlè. Atre èy a di kye ch aucher

La peste à Nendaz.

Avant que la peste de l'an mil cinq cents soit arrivée à Nendaz, il y avait un marchand de sel qui s'appelait (litt. qu'ils disaient) François Gilloz du Chable. Un samedi qu'il venait de nuit de Sion avec son cheval, il a rejoint un pauvre vieux qui ne pouvait plus se traîner, et ce vieux lui a demandé s'il voulait le laisser monter sur son cheval. François Gilloz a dit que oui, qu'il n'avait qu'à monter. Ils n'ont rien fait qu'un petit bout de chemin, que le cheval a ruisselé [de sueur]. Le marchand de sel a demandé à ce vieux ce qu'il y avait qu'il était si lourd, que son cheval portait trois à quatre quintaux de sel sans se fatiguer et qu'il était maintenant tout mouillé rien que pour un pauvre petit vieux. L'autre lui a dit de ne pas s'effrayer (litt. se faire peur), qu'il était la mort et qu'il montait

pa fé pouṛri, kə yui ir i mò è kɔ ouajei amü Chǝrijyès rapara è taon di bot i mat də Qdoo Prā. xlǝ mat iron trei dzouën ky iron timin choupèrb kya tròaonTM på dǝ præ ̈ bon kòrdanyè. A di kya ò in"dəman, kan charan chaurtei di10 a mecha, ch auch plashya dǝkaut à porta d élij, èk ouchei aoueitshya; kyə tshui ɣlæü kyə yui arei trütshya at ō baton charan tshut mò, ma k ouchei på di oun mò, atramin èy arei pa ënmpret bën. Ò in"dəman, Fransei Dzilo e-t ag chǝ plashy dǝkaut ā pòrta d élīj è i mò a kouminshya a trütshyè tsā ché 12 kya chourt?'. Ashyé a pou prì etsapṛ nyoun, è Fransei Dzīlo, kan a yü kyə trütshye tshui è shyo parin è e-j ami, è tshui ɣlæü kyǝ kònyèchei, a pă püchü ch ënntèrtini d ënntèroua ch ìr pa d abò prœ”. I mò a rǝponndü kyə, d abəsky13 irɔ pa konntin, arei trütshya yui aoui. xlœÿ dzò aprì, è-t arouḍi i pèsta: mourṛon tshui kaum də mò̟ts è i shyon.nį è mò koum e-j ātr3.

à Cerisier pour raccommoder les talons des souliers des filles de Odo Pra. Ces filles étaient trois jeunes personnes si orgueilleuses qu'elles ne trouvaient pas de cordonnier suffisamment bon. Il lui a dit de se placer le lendemain, quand on sortirait de la messe, à côté de la porte de l'église et de regarder; que tous ceux qu'il toucherait de son bâton mourraient tous, mais qu'il ne devait pas dire un mot, autrement mal lui en prendrait. Le lendemain, François Gilloz est allé se placer à côté de la porte de l'église et la mort a commencé à toucher les uns après les autres ceux qui sortaient. Elle ne laissait échapper à peu près personne, et François Gilloz, quand il a vu qu'elle touchait tous ses parents et ses amis, et tous ceux qu'il connaissait, n'a pas pu se retenir de demander si ce n'était pas bientôt assez. La mort a répondu que, puisqu'il n'était pas content, elle le toucherait lui aussi. Quelques jours après, la peste est arrivée : ils mouraient tous comme des mouches et le marchand de sel est mort comme les autres.

È-t adon kya dajạn k’ìr rin chòbrṛ kyə kṛtrò maryādzò è Ninndata è k an ita dèstrui è dou vèādzò dou Vëjënan è dou Chavyèjan. Ü Chavyèjan chon shui mò è ü Vëjënan è rin chòbra k oun mèing ü brï. İr i avan graucha də Dzhyan Bourban d à Kreta1.

Dzhyon toupari ky aei youn k itṣè œ ̈tr à mòrin1ıs 15 dītsan. Chéré a ita trei dzò k a på yü apròshyè œütrə də mon1dò. È partei ënsé pò vér deky aei. Kan è jü ënsé p è Rāch 16, a yü ini bā pē tsan d à Ou3 16 plèina a vè̟i də kyịch”. Kan a yü chin, a pinchā tornā in”dèrị, ma è troug jũ tà: è mò koum è-j atr❜.

Kan è ju pachai i pèsta, an porta tshui è dra di mò étinndü è-j oun ch è-j ṛtrò ü xlò d aòką16. A jü na tè̟ija dɔ vā.

C'est alors que, à ce qu'on dit, il n'était rien resté que quatre ménages à Haute-Nendaz, et qu'ont été détruits les deux villages du Visinan et du Saviésan. Au Saviésan ils sont tous morts, et au Visinan il n'est rien resté qu'un enfant au berceau. C'était l'aïeule (litt. l'arrière grand'mère) de Jean Bourban de la Crête.

On dit (litt. ils disent) aussi qu'il y avait un individu qui demeurait au delà de la Morenche des champs. Il (litt. celui-là) est resté trois jours sans voir venir de monde de son côté. Il est parti du côté du village pour voir ce qu'il y avait. Quand il a été en deçà, aux Rasses, il a vu descendre par les champs de la Loye plein le chemin de cercueils. Quand il a vu cela, il a pensé retourner en arrière; mais c'était trop tard: il est mort comme les autres.

Quand la peste a été passée, on a porté tous les linceuls des morts étendus les uns sur les autres au Creux de l'Avocat. Il y en a eu une toise de haut. On distingue encore maintenant en haut dans la chambre de Jacques Lathion les petits creux

Oun kò̟ny17 adì ōra amü ü pi̟lò də Dzakyə Atshyon è krüjì k an fé þ ō plan"tshyè è mať də Ōdò Pra kan parfoumaon ò pilò pò dèfinndr a pèsta.

qu'ont fait dans le plancher les filles de Odo Pra lorsqu'elles brûlaient des parfums dans la chambre pour se préserver de la peste.

NOTES

1. Raconté en 1906 par Joseph Michelet, à Nendaz. Pour certaines particularités phonétiques du patois de Nendaz et la façon dont nous les avons rendues dans la transcription, voir Bulletin, 1907, p. 29, note 1. 2. dajan, ze pers. plur. dans le sens indéfini: on disait. De même plus loin, p. 48, dzhyon, on dit.

3. Shyoun, Sion, de Sedūnum. Dans la plus grande partie du territoire franco-provençal, -ūnum et - onem se sont confondus en -on. Le patois de Nendaz, comme d'autres patois valaisans, conserve la distinction primitive -ūnum > -oun et -onem > -on. Cette particularité fournit un indice précieux pour l'étymologie des noms de lieux en -on. Ainsi on pourra inférer de la forme patoise Ardoun, pour Ardon, que le nom de cette localité renferme aussi le -dunum celtique.

4. atrapei; l'infinitif de ce verbe est atrapi, d'où le participe en -ei <-ectu. Cf. Bulletin, 1907, p. 29, note 5.

5. cha ouei ashya, s'il voulait le laisser. Sur cette disparition du pronom régime par voie purement phonétique, voir Bulletin, 1907, 1. c., notes 2 et 9. Elle est ici remarquable en ce sens que le mot suivant n'avait pas primitivement l'initiale vocalique. Ouei est l'imparfait régulièrement développé du verbe « vouloir », qui se conjugue: oud, ouei, ouri, ouachện, cuach, ouan.

6. k ouchei pyè jü ènā, litt. qu'il soit seulement eu en haut. Ouchei représente une curieuse fusion du subjonctif de « avoir », auch, avec celui de « être », chei. Cette forme contaminée est la forme courante du subjonctif pour les deux verbes. Ouch peut aussi à lui seul remplir la - double fonction, tandis que chei est à peu près hors d'usage.

On remarquera l'emploi des temps du passé dans le discours indirect. C'est un caractère constant de la narration dans le patois de Nendaz. Cf. plus loin: a di kyǝ... ch ouch plashya,... k ouchei aoueitshya,..... k ouchei pa di oun mo, etc. Voir aussi le conte déjà publié dans le Bulletin,

1. c.

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