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LE CHATEAU D'AMOUR

<< Il existe, écrivait il y a cent ans le doyen Bridel dans un article des Etrennes Helvétiennes pour l'an de Grace MDCCCVII, reproduit en 1814 au tome V du Conservateur Suisse, une ronde villageoise, qu'on entend encore chanter dans les vignes de la Vaud, et qui en temps de vendange se répète quelquefois de bande en bande, des fauxbourgs de Lausanne au pont de Vevey: elle commence par ces mots:

Château d'amour, te veux-tu pas rendre1?
Veux-tu te rendre ou tenir bon ? »

Ces jolis vers, sauvés de l'oubli par celui qui fit, à lui seul, en son temps, toute la besogne d'une Société suisse des traditions populaires, étaient un dernier écho d'une fête galante, dont il se plaisait à supposer que « l'institution remonte peut-être à un temps fort reculé. »

<< Dans divers villages soit Fribourgeois soit Vaudois, le premier dimanche de mai, on élevoit (à ce qu'il nous raconte) une espèce de château en planches de sapin, et quelquefois on l'entouroit d'un petit fossé: après l'avoir construit, les jeunes gens non mariés se partageoient en deux troupes; l'une devoit attaquer le château, et l'autre le défendre du haut de la galerie qui en faisoit le tour. A un signal donné, les assiégeans ayant tous une rose à leur chapeau, entonnoient la chanson du château d'amour, et le siège commençoit de part et d'autre, on se servoit des

armes du siècle; avant l'invention de la poudre, c'étoient des lances, des hallebardes, des piques sans fer; ensuite on employa les armes à feu. Les assaillans prenoient ordinairement le château par escalade, après quelques heures de siège; ils y mettoient le feu, et la journée finissoit par des danses et des libations bachiques, dont la garnison prisonnière faisoit les frais. Quoiqu'on veillât à ce que ce simulacre de guerre et ce siège fictif n'entraînassent aucune suite fâcheuse, l'acharnement des deux partis causoit par fois des accidens funestes à Corcelles du Jura, un jeune garçon risqua de périr dans les flammes du château, incendié avant que la garnison l'eût évacué : dans un village du canton de Fribourg, un des assiégeans se cassa la jambe, et un autre fut grièvement blessé. Ces malheurs furent cause que la police proscrivit cet amusement comme dangereux, et que le gouvernement de Berne, par un édit de 1543, défendit sous l'amende de cinq florins de faire des charivaris et des laonneries. Cet édit apprend que l'ancien nom de cette fête villageoise étoit laonnerie. Ce mot vient du patois Lavon, Laon, Lan, qui signifie un ais ou une planche, parce que le château en étoit construit...

« Malgré ces défenses, la fête proscrite fut encore célébrée de temps en temps dans quelques villages écartés; et tout récemment elle a eu lieu aux environs d'Echallens, sans aucun accident, parce qu'on avoit pris pour les prévenir toutes les précautions possibles, dont la meilleure fut d'empêcher les acteurs de s'enivrer avant de monter à l'assaut.

« Le siège du château d'amour se faisoit aussi autrefois dans la ville de Fribourg, mais d'une manière moins dangereuse et plus galante: sur la grande place paroissoit une forteresse en bois, ornée de chiffres, d'emblêmes et de devises analogues à l'esprit de la fête: chargées de la défense

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