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Le système le plus commun est celui qui a recours à l'emploi de « chapes 15 ». L'extrémité du manche et celle du battoir sont revêtues chacune d'une large et forte courroie, qui déborde de quelques centimètres et forme ainsi une bride. Les deux brides sont reliées l'une à l'autre par une lanière de cuir nouée, l'intrèl you 16, qui permet aux deux parties de se mouvoir librement. Il importe naturellement que les « chapes > soient fixées aussi sûrement que possible sur le bois. A cet effet, celui-ci est pourvu d'une série d'entailles 17, qui servent à retenir une longue lanière, l'étringa 18, solidement entrelacée avec le cuir de la chape. (Voir fig. 1.)

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Souvent, comme dans l'exemplaire que reproduit notre figure, la chape de cuir du manche est remplacée par un morceau de bois dur recourbé, qui remplit le même office, et est

Mettemberg (Berne), brants', Lavaux (Vaud), évala, Dompierre (Fribourg), étala, Sugiez (id.), fuja, Lessoc (id.).

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tsapa, Vaud, Fribourg en général, tchap', Dombresson (Neuchâtel), Plagne (Berne), tchèp, Epauvillers (id.), tchèpy', Charmoille (id.), Vicques (id.), tchapi, Court (id.), kap', Bourrignon (id.), kap' ou kapat', Mettemberg (id.), vapo, Aire-la-Ville (Genève), vapa, Hermance (id.), Dardagny (id.), vapå, Bernex (id.), étserpa, Blonay (Vaud), atsèrpa, Leysin (id.).

16 intrèlyou, Vaugondry (Vaud), La Joux (Frib.), Gorgier (Neuch.), intrélyou, Blonay (Vaud), Savigny (id.), étrǝlyou, Sassel (id.), Montherond (id.), ètrǝlyu, Corsier (id.), Oron (id.), intrèlyu, Torny-le-Grand (Frib.), intrǝlyou, Sentier (Vaud), ätrəlai, Leysin (id.), antrəlä, Dardagny (Genève), intrèlyák, Isérables (Valais), antruya, Epauvillers (Berne) antryou, Bourrignon (id.), Vicques (id.).

On se sert aussi des mots kòrdjon, Charmoille (Berne), Plagne (id.), kordzon, Vully (Vaud), Vérossaz (Valais), kourdzon, Vallorbe (Vaud), atats, Penthalaz (Vaud), évats, Rossinières (id.), Dompierre (Frib.). 17 lè-j-inkrénė, Torny-le-Grand (Fribourg), äkòtsè, Leysin (Vaud), äkò̟o', Bernex (Genève).

18 étringa, Oron (Vaud), ètring', Sassel (id.), éhringa, Blonay (id.), oringa, Autigny (Fribourg), Torny-le-Grand (id.), Villarimboud (id.). Semsales (id.), Villars-sous-Mont (id.).

Dans certains endroits, on emploie aussi les mots cités à la fin de la note 16, ainsi kòrdzon est au Sentier (Vaud) l'équivalent d'étringa.

rivé sur le manche ou fixé par une virole métallique. Dans le Jura bernois, c'est très fréquemment une boucle de métal 19 qui remplace la chape; en Valais, parfois un capuchon de corne percé d'un trou 20.

Ce qui est en général caractéristique pour le fléau du Valais, et permet d'en constituer un type à part, c'est l'absence de < chape> et un agencement plus primitif que celui que nous

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FIG. 1. Fléau fribourgeois (Torny-le-Grand): 1. asou. 2. vèrdzėta.— 3. tsapa de l'asou. – 4. intrèlyu.

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6. evringe.

- 5. tsapa de la

venons de décrire. D'ordinaire, le battoir, perforé transversalement dans le haut, est simplement suspendu par une lanière ou une ficelle 21, et celle-ci est fixée d'autre part à l'extrémité du manche, autour duquel elle peut se mouvoir dans une rainure ménagée à cet effet. Une variante consiste à introduire la lanière repliée dans un trou percé au centre du battoir et à passer dans la boucle qu'elle forme à son extrémité une cheville transversale. Le lien est ainsi exposé à une usure moins rapide. Dans les fléaux de construction plus récente, comme celui que représente la figure 2, le battoir est muni d'une forte tige de fer terminée par une boucle.

19 tyāvin-nya, Vicques. Cf. dans un Rôle de montes de la Chaux-deFonds, 1676: une verge de fléau avec sa chape de fer (Arch. Neuchâtel). 20 la korna, Vérossaz.

21 états, Lourtier, kòrāé, Savièse, kòrāya, Lens, Vex, etc.

Le troisième type est celui du canton de Genève, où on semble avoir visé surtout à faciliter le mouvement de rotation du battoir, même au prix d'une diminution de la solidité de l'assemblage. On y est arrivé par le dispositif spécial que montre

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la figure 3. La « vergée » est revêtue d'une chape de cuir tout à fait comme dans le type habituel, mais ici le manche se termine par une cheville de bois à grosse tête, la « noix 22 », qui traverse et retient, tout en lui permettant de tourner librement, une forte pièce de cuir recourbée, le tornè 23, percée à chacune de ses extrémités d'un trou par où passe le cordon d'attache.

22 nyue, Bernex, Aire-la-Ville, nyoua, Dardagny. 23 tornè, Bernex, Dardagny.

Ajoutons, en terminant, que le fléau, quelle que soit sa construction, est un instrument destiné à disparaître dans un avenir peu éloigné de l'outillage de campagne. Le battage mécanique, plus expéditif et moins pénible, lui fait partout une concurrence meurtrière. Déjà dans bien des régions, surtout en plaine, le bruit cadencé du battage en grange a cessé dès longtemps de retentir, et les musées devraient songer à sauver de la destruction qui les guette les derniers spécimens de fléaux, aujourd'hui relégués dans quelque coin du grenier, parmi les choses sans valeur. Mais plus rapidement encore que les objets eux-mêmes, les vieux mots et les termes techniques qui s'y rapportent disparaissent et s'oublient; aussi la rédaction du Glossaire acceptera-t-elle avec reconnaissance tous les renseignements qu'on voudra bien lui faire parvenir pour rectifier et compléter l'esquisse sommaire qui précède.

J. JEANJAQUET.

LES DIMINUTIFS DANS LE PATOIS
DES ALPES VAUDOISES

En répondant de mon mieux aux nombreux questionnaires du Glossaire, j'ai été souvent frappé de la richesse qu'offrent nos patois en fait de diminutifs; l'idée de les réunir tous, de les étudier attentivement, serait séduisante, mais nécessiterait de longues recherches. Les matériaux donnés ci-après montreront, en attendant, que notre idiome romand rendrait, à cet égard, des points au français, dont quelques grammaires offrent parfois une brève étude du sujet. Que de grâce, de naïveté enfantine dans certains de ces diminutifs, qui nous semblent contenir une idée d'attachement ou de joliesse! Comme ces mots vous mettent vite à l'aise, en rapetissant tout ce qui pourrait offusquer par des dimensions géantes ou même ordinaires! En

patois, le sens des suffixes diminutifs s'est peut-être moins effacé que dans la langue littéraire. Qui pense à une petite viole, en entendant prononcer le mot français violon? Les nombreux mots patois en -on, en -ette, ont contribué à conserver plus intact le sentiment de la diminution; on continue à se servir de ce moyen de dérivation devenu stérile en français et resté vivace dans les dialectes. Beaucoup de ces expressions ne correspondent pas tout à fait à leur corrélatif français. Vous remarquerez que presque aucune ne renferme quoi que ce soit de dépréciatif, de méprisant ou de dédaigneux.

A quoi sont-elles dues? Est-ce à une disposition naturelle de l'esprit, qui cherche à se rapprocher des choses en les rendant plus petites, plus maniables? Est-ce à l'absence de grands édifices, de grands animaux, de grands objets, de tout ce qu'on a coutume de dénommer par des adjectifs en -issime: grandissime, richissime, illustrissime? Il n'est pas rare, dans nos campagnes, de posséder seulement une mayzənèta, maisonnette, grandzèta, grangette, on grandzon, une remise, ou on bãotse, boutson, bouatson, petites étables pour le bétail. On n'a qu'un fornè ou fornalon pour se chauffer, la maison est si petite qu'elle n'a qu'un taytsè, petit toit, le lit est remplacé par na tyutsèta, une couchette, la porte se ferme simplement par une tsəvəlyèta, chevillette; une loyèta, petit balcon, sert de séchoir. Tous ces mots ne rappellent-ils pas l'intimité qui règne entre l'habitant et son milieu? C'est comme s'il disait : « De ce réduit je me trouve content... il est à moi. » Le diminutif indique parfois une affection, une amitié intime, comme dans les mots français petit père, petite mère, frérot, sœurette. En patois, il y a de même l'expression suèyrèta pour indiquer une sœur cadette que ses aînées doivent prendre en vraie et bonne affection. L'andzèta, s. f., est l'ange qui vient à Noël, cher aux enfants. Le bovayron est le petit bouvier dans tout le charme de sa vie indépendante et insouciante.

Les diminutifs masculins se terminent généralement par un - bref ou -on, les féminins par -èta. Ces suffixes se combinent

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